5 Juillet 2025
Juliette Adam (1836–1936), femme de lettres, intellectuelle engagée et figure républicaine, s’est imposée au XIXe siècle comme une critique résolue de la domination masculine et une promotrice de l’autonomie féminine. Son œuvre, marquée par un esprit libre et combatif, a profondément contribué aux débats sur le statut des femmes en France, bien avant que le féminisme ne se structure comme mouvement politique de masse. On peut faire de Juliette Adam, une voix féminine contre les préjugés masculins du XIXe siècle
Dès 1858, Juliette Adam se distingue avec son texte Idées anti-proudhoniennes sur l’amour, la femme et le mariage. Elle y démonte avec une virulence rare les thèses misogynes de Pierre-Joseph Proudhon, qui voyait la femme comme un être inférieur, voué à la soumission domestique. Adam refuse cette vision rétrograde et affirme la pleine capacité intellectuelle et morale des femmes. Elle attaque non seulement Proudhon, mais aussi les préjugés sexistes largement répandus à son époque, défendant un idéal d’égalité rationnelle et affective entre les sexes. Son texte, encore confidentiel à l’époque, préfigure les grands manifestes féministes qui émergeront à la fin du XIXe siècle.
Sous le Second Empire, période peu propice à la liberté d’expression, Juliette Adam ne recule pas : elle publie de nombreux articles engagés sur la condition des femmes dans des revues et journaux, souvent en s’exposant elle-même à la censure ou au discrédit. Son républicanisme s’exprime avec force, dans une époque où les idées démocratiques étaient surveillées ou étouffées. Pour ce faire, elle met en avant le rôle de l’éducation et de la presse dans l’émancipation féminine, appelant les femmes à penser et à écrire pour elles-mêmes. Sa parole publique devient un instrument de résistance intellectuelle face aux normes sociales patriarcales.
Si Juliette Adam rejoint brièvement le mouvement suffragiste mené par Hubertine Auclert, son engagement se distingue par un fil rouge, à savoir l’autonomie féminine. Elle ne s’enferme pas dans une seule revendication mais insiste sur une libération globale, une autonomie intellectuelle, morale, économique. Elle appelle les femmes à s’émanciper de toutes les dépendances. Elle considère le droit de vote comme un outil, mais non une fin en soi : seule une transformation des mentalités, et une prise de parole féminine dans tous les domaines, pourra réellement rétablir l’égalité. Cette vision large, profondément moderne. Elle aanticipe les luttes intersectionnelles du XXe siècle.
Fondée par Juliette Adam en 1879, La Nouvelle Revue devient pendant deux décennies un espace de diffusion d’idées républicaines, littéraires et féminines. Bien que les contributions féministes y soient minoritaires, la revue joue un rôle non négligeable dans l’émergence de la “question féminine”. Elle accueille des textes défendant la place des femmes dans la culture, la politique, et même la diplomatie, elle y pratique l’art du réseau et soutient de jeunes plumes, y compris des femmes qui deviendront des figures importantes. La revue symbolise son approche du féminisme à la fois pluraliste, progressive, mais résolue. Juliette Adam, par son œuvre, ses combats et sa posture intellectuelle, incarne une forme de féminisme précoce, humaniste et universel. Sans revendiquer explicitement ce terme – encore rare à l’époque – elle en trace les contours avec vigueur. Une pionnière à (re)lire absolument.