5 Juillet 2025
Hubertine Auclert est la suffragiste qui donna son sens au mot « féministe ». Au tournant du XIXe siècle, la voix d’Hubertine Auclert (1848–1914) s’élève avec une intensité rare dans le paysage intellectuel français. Journaliste, écrivaine, militante infatigable, elle s’attache à défendre les droits politiques des femmes comme levier de toutes les autres émancipations. Visionnaire et provocatrice, elle ne se contente pas de dénoncer l’injustice : elle la combat, plume et poing levés.
Contrairement à beaucoup de ses contemporaines, Hubertine Auclert fait du suffrage féminin sa priorité absolue. Elle considère le vote des femmes comme la clef d’une société véritablement démocratique, non seulement juste pour les femmes, mais aussi bénéfique pour les hommes. En 1881, elle fonde La Citoyenne, un journal entièrement dédié à la cause féminine. Ce média devient le vecteur de ses idées radicales pour l’époque : égalité totale entre les sexes, droit à l'autonomie civile et politique, réforme des lois patriarcales. Son combat dépasse les revendications sociales habituelles pour revendiquer une citoyenneté pleine et entière pour les femmes.
Hubertine Auclert ne se limite pas aux débats d’idées ; elle agit aussi sur le terrain avec audace et créativité, elle organise des manifestations, boycotts d’impôts, et même des interruptions de cérémonies religieuses pour dénoncer l’invisibilisation des femmes. Elle fait campagne contre le mariage forcé et milite pour que les femmes puissent avoir un statut juridique autonome et son militantisme frontal choque parfois les bien-pensants, mais marque les esprits et impose le débat.
La pensée d’Auclert dépasse le suffragisme pour englober des combats liés aux droits fondamentaux des femmes, elle s’oppose vigoureusement à l’interdiction de l’avortement et dénonce les violences conjugales. Elle critique le travail domestique gratuit comme une forme d’exploitation. En Algérie, elle défend les femmes arabes, dénonçant le double système colonial et patriarcal qui les opprime. Elle appelle également à la féminisation de la langue française, anticipant les débats contemporains sur l’écriture inclusive. Son féminisme embrasse une vision universelle et intersectionnelle avant l’heure.
En 1882, Hubertine Auclert est la première à utiliser le mot féministe dans son sens actuel, faisant de ce terme une arme de revendication. Pour elle, être féministe signifie lutter pour une égalité réelle, juridique et culturelle entre les sexes. Elle récuse toute forme de différentialisme : les femmes doivent être les égales des hommes, non des « autres » qu’on protège ou marginalise. Cette définition devient un point de référence pour les mouvements féministes du XXe siècle. Hubertine Auclert fut bien plus qu’une militante : elle fut une force historique, un phare dans un monde encore aveugle aux droits des femmes. Par son courage et sa lucidité, elle a ouvert la voie aux générations suivantes et donné aux mots comme aux idées la force de changer la société.