La Philosophie à Paris

LECTURE / Le Nietzsche de Deleuze

12 Janvier 2008, 00:34am

Publié par Antoni

Voici la lecture à un moment donné de l'oeuvre de Nietzsche, bien loin de la lecture heideggerienne qui voyait en Neitzsche le dernier métaphysicien, Deleuze tout en disant au colloque de Royaumont qu'on ne comprenait toujours pas Nietzsche (c'était avant la publication des Fragments posthumes par Colli et Montinari). Mis la lecture de Deleuze demeure bien particulière notamment son interprétation quelque métaphysique de l'Eternel retour qui est bien l'Eternel retour de la même vie et de la même personnalité, comme affirmation de sa  jusqu'à ce répéter sans cesse non dans d'un processus de différence mais d'excès porté à la joute et au conflit : c'était cela la grande politique qu'introduisait Nietzsche à la fin de son Ecce homo et que sa soeur a tronqué de tous les manuscrits, sauf des Fragments posthumes. Cette présentation est tirée de Wikipédia, elle montre bien ce qu'a pu être une lecture de Nietzsche à une époque située entre la Libération et Mai 68: c'est-à- dire envisant une politique nin-reseentimenteuse et affirmatrice de "la vie". Antoni

Un constat : Le triomphe historique du nihilisme

Historiquement, la négation l’emporte dans la volonté de puissance ! Cette victoire des forces réactives et de la volonté de nier, Nietzsche l’appelle « nihilisme », ou triomphe des esclaves. Les faibles ne triomphent pas par addition de toutes leurs forces, mais par diminution de celle des forts. Les faibles triomphent en rendant toutes les forces réactives (c’est-à-dire par la dégénérescence). La sélection naturelle favorise les faibles et les réactifs, les « secondaires », et ce à plus forte raison dans l’histoire humaine. Les forces réactives, en l’emportant, ne cessent pas d’être réactives : le faible au pouvoir est toujours un faible. Quand le nihilisme triomphe, alors seulement la volonté de puissance signifie désirer dominer (accepter les valeurs établies et vouloir l’honneur, le pouvoir, etc.) : c’est la volonté de puissance de l’esclave.


Etapes du triomphe du nihilisme :

1) Ressentiment : « c’est ta faute ». La réaction n’est plus « agie » mais ressentie : le faible ne se bat plus, il se plaint. La vie est accusée, séparée de sa puissance. L’agneau dit : je pourrais faire tout ce que fait l’aigle, j’ai du mérite à m’en empêcher, qu’il fasse comme moi.

2) Mauvaise conscience : « c’est ma faute ». Les forces réactives reviennent à elles-mêmes, mais ainsi elles donnent l’exemple et deviennent contagieuses.

3) Idéal ascétique. La vie faible ou réactive veut finalement la négation de la vie : sa volonté de puissance est volonté de néant. On juge la vie d’après des valeurs dites supérieures qui s’opposent à elle, la condamnent, la nient. Ces étapes du nihilisme correspondent au judaïsme puis au christianisme, ce dernier étant préparé par la philosophie grecque (ie, la dégénérescence de la philosophie en Grèce).

4) Mort de Dieu. Les valeurs divines sont remplacées par des valeurs humaines, trop humaines (utilité, progrès, histoire). Mais rien n’est changé : c’est la même vie réactive, le même esclavage, le même poids qui s’exerce par les valeurs humaines.

5) Le dernier homme et l’homme qui veut périr. C’est l’aboutissement du nihilisme : les forces réactives prétendent se passer de volonté, et le dernier homme dit : « Tout est vain, plutôt s’éteindre passivement ! Plutôt un néant de volonté qu’une volonté de néant ! » Mais la volonté de néant se retourne contre les forces réactives et inspire à l’homme l’envie de se détruire activement : c’est l’homme qui veut périr. À ce point, tout est prêt pour une transmutation de toutes les valeurs.


La transmutation de toutes les valeurs

La transmutation de toutes les valeurs se définit par un devenir actif des forces, un triomphe de l’affirmation dans la volonté de puissance. L’affirmation devient l’essence ou la volonté de puissance elle-même. La négation subsiste, mais elle est au service de celui qui affirme et crée. Le "oui" signifie créer et non plus porter, tandis que le "non" traduit l’agressivité créatrice et non plus le ressentiment.

La transmutation n’est possible qu’à l’issue du nihilisme, quand la négation, se retournant enfin contre les forces négatives, devient elle-même une action et passe au service d’une affirmation supérieure. Le nihilisme est vaincu par lui-même. Ce que le nihilisme nie, ce n’est pas tant l’être (qui ressemble au néant) que le multiple, le devenir. La première figure de la transmutation fait du multiple et du devenir l’objet d’une affirmation. L’affirmation du multiple recèle la joie pratique du divers. La valorisation des sentiments négatifs ou des passions tristes, voilà la mystification sur laquelle le nihilisme fonde son pouvoir (Lucrèce et Spinoza partagent ce point de vue et conçoivent la philosophie comme affirmation).

Le devenir et le multiple sont eux-mêmes des affirmations. L’affirmation de l’affirmation, le dédoublement, le couple divin Dionysos-Ariane, cela constitue la deuxième figure de la transmutation. La véritable opposition n’est pas entre Socrate (juge la vie) et Dionysos (dit que la vie n’a pas à être jugée), mais entre Dionysos (affirmation la vie) et le Crucifié (négation de la vie).

L’Être et l’Un prennent un nouveau sens : l’Un se dit du multiple en tant que multiple, l’Etre se dit du devenir en tant que devenir : c’est la troisième figure de la transmutation. On n’oppose plus le devenir à l’Être, le multiple à l’Un (ces oppositions sont les catégories du nihilisme) ; on affirme l’Un du multiple, l’Être du devenir, la nécessité du hasard.

 

L’éternel Retour 

Revenir est précisément l’Être du devenir, l’Un du multiple, la nécessité du hasard. Ce n’est pas le Même qui revient (car le Même ne préexiste pas au divers), c’est le revenir qui est le Même de ce qui devient.

L’éternel Retour est sélectif, et doublement :

(1) Pensée sélective : l’éternel Retour donne une loi pour l’autonomie de la volonté dégagée de toute morale : quoi que je veuille, je « dois » le vouloir de telle manière que j’en veuille aussi l’éternel Retour. Cela élimine les « demi-vouloirs » qu’on ne veut qu’une fois.

(2) Être sélectif : seule revient l’affirmation, la joie. La négation est expulsée par le mouvement même de l’éternel Retour, comme une force centrifuge qui chasse le négatif.

Mais dans beaucoup de textes de Nietzsche l’éternel Retour est un cycle où tout revient, où le Même revient. En fait, l’éternel Retour est l’objet de deux exposés : dans l’un Zarathoustra est malade, justement à cause de l’idée du cycle, l’idée que tout revienne, ce qui n’est qu’une hypothèse banale et terrifiante (car elle implique le retour de la mesquinerie et du nihilisme) ; dans l’autre, Zarathoustra est convalescent et presque guéri, car il comprend le caractère sélectif de l’éternel Retour. Deleuze n'a ainsi pas compris que l'Eternel Retour était sélectif en tant que pensée politique.

 

Le Surhomme

Le quatrième et dernier aspect de la transmutation est qu’elle implique et produit le Surhomme. L’homme est un être réactif, mais l’éternel retour expulse le nihilisme. Le Surhomme désigne le recueillement de tout ce qui peut être affirmé, le type qui représente l’Être sélectif. D’une part, il est produit dans l’homme, par l’intermédiaire du Dernier homme et de l’homme qui veut périr, mais au-delà d’eux, comme une transformation de l’essence humaine. D’autre part, il n’est pas produit par l’homme : il est le fruit de Dionysos et d’Ariane.

Ainsi, les figures de la transmutation sont : Dionysos ou l’affirmation ; Dionysos-Ariane, ou l’affirmation dédoublée ; l’éternel Retour, ou l’affirmation redoublée ; le Surhomme, ou le type et le produit de l’affirmation.

Les erreurs d'interprétation de Deleeuze

ondamentales de Nietzsche.

Les nombreuses erreurs de transcription relevées par l'édition critique des manuscrits de Nietzsche constituent un premier type d'erreurs. Ces fautes furent la source d'erreurs d'interprétations plus ou moins importantes, comme le montre Paolo D'Iorio à propos d'un commentaire de Gilles Deleuze. Ce dernier écrit, à propos de la Volonté de puissance :

« Un des textes les plus importants que Nietzsche écrivit pour expliquer ce qu’il entendait par volonté de puissance est le suivant : « Ce concept victorieux de la force, grâce auquel nos physiciens ont créé Dieu et l’univers, a besoin d’un complément ; il faut lui attribuer un vouloir interne que j’appellerai la volonté de puissance ». La volonté de puissance est donc attribuée à la force, mais d’une manière très particulière : elle est à la fois un complément de la force et quelque chose d’interne. »[14]

Mais cette interprétation repose sur une erreur de transcription, signalée par Paolo D'Iorio :

« Dans le manuscrit de Nietzsche, par contre, on ne lit pas innere Wille (vouloir interne), mais innere Welt (monde interne). On ne peut donc soutenir que la volonté de puissance est « à la fois un complément de la force et quelque chose d’interne », également parce que cela reproduirait un dualisme que la philosophie moniste de Nietzsche s’efforce à tout prix d’éliminer. »

De telles erreurs de transcription ont été reproduites dans toutes les éditions de La Volonté de puissance.

Un deuxième type d'erreurs est constitué par l'attribution à Nietzsche de textes apocryphes ; de telles erreurs suscitent des interprétations fausses puisque le commentateur n'analyse pas en réalité un texte de Nietzsche. D'Iorio en donne un exemple récent, trouvé dans le livre d'Alexis Philonenko, Nietzsche, Le rire et le tragique[15] :

« « L’un de nos grands historiens de la philosophie » (quatrième de couverture) se lance dans un commentaire détaillé d’un aphorisme de La Volonté de puissance (édition Sautet n° 26) dans lequel Nietzsche – « magistralement » disait jadis Bäumler dans sa postface – décrit les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Le commentaire s’achève sur l’affirmation selon laquelle « si Rousseau pleure, Nietzsche rit » et : « Lire Rousseau à l’envers, c’est lire Nietzsche, et vice et versa ». Sans entrer dans les détails, nous nous contenterons de signaler que l’aphorisme qui sous-tend son interprétation [celle de A. Philonenko] n’est pas un texte de Nietzsche : il s’agit de simples notes de lecture, d’extraits de paraphrases, de commentaires recopiés du livre de Ferdinand Brunetière : Études critiques sur l’histoire de la littérature française, que Nietzsche a traduit en allemand, et que les différents éditeurs des Archives Nietzsche ont publiés tels quels. »

Ce type d'erreurs est également illustré par une autre erreur de Deleuze, relative à l'Éternel Retour, et reposant sur un fragment composé arbitrairement de deux autres fragments, présentés comme fragment unique et attribué à Nietzsche. Or, le faux fragment ainsi obtenu sur lequel s'appuie entièrement Deleuze pour sa

  1. Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, p.u.f., 1962, p. 56. Cité par Paolo D'Iorio
  2. Alexis Philonenko, Nietzsche, Le rire et le tragique, Ldp Biblio Essais, numéro 4213, 1995, ISBN 2253942138
  3. Paolo D'Iorio, L'Éternel Retour. Genèse et interprétation [pdf].



compréhension de l'Éternel Retour contient en réalité plusieurs citations d'un scientifique, Johannes Gustav Vogt.* Son commentaire n'est donc pas un commentaire de Nietzsche.

 

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