7 Juillet 2025
Madeleine Pelletier (1874–1939) est l’une des grandes figures intellectuelles du féminisme français du début du XXe siècle. Médecin, militante, franc-maçonne, socialiste puis communiste, elle incarne une pensée radicale de l’égalité, fondée sur la rupture des normes sexuées et l’émancipation par le savoir. Refusant les compromis, elle préconise une société où le genre ne serait plus outil de subordination mais espace de liberté.
En 1903, Pelletier devient la première femme interne en psychiatrie, un exploit dans un monde médical largement masculin. Elle défie les préjugés sexistes, affirmant que les femmes doivent acquérir les savoirs scientifiques pour sortir de la dépendance intellectuelle. Cette formation nourrit sa vision critique de la psychologie genrée, qu’elle abordera dans ses écrits avec rigueur et originalité. Son parcours médical n’est pas seulement un outil professionnel, c’est une conquête politique.
Dans Les facteurs sociologiques de la psychologie féminine (1908), elle montre que les rôles féminins sont imposés par la société, et non « naturels ». Madeleine Pelletier est l’une des premières à analyser la construction sociale de la féminité. C'est une pionnière de la Théorisation du genre en quelque sorte. Cette réflexion précède de plusieurs décennies les travaux de Simone de Beauvoir ou Monique Wittig. Elle défend le principe que la femme doit être « un individu avant d’être un sexe », appelant à l’émancipation par l’indépendance morale et intellectuelle.
Elle prône un corps politique par le refus de la féminité normative et s’habille de façon masculine, porte costume, cheveux courts et adopte des codes vestimentaires masculins. Madeleine Pelletier refuse la féminité imposée, qu’elle considère comme une forme d’aliénation et de passivité et va jusqu'à prôner une éducation virilisante pour les filles, non pour effacer les différences mais pour les rendre autonomes et actives.
Son corps devient un terrain de lutte symbolique, visible et dérangeant. Sa pensée conjugue radicalité politique, lucidité théorique et audace morale. Militante socialiste puis communiste, Pelletier se bat pour une société égalitaire sur tous les fronts et revendique le droit de vote pour les femmes, le droit à la contraception et à l’avortement, à une époque où ces idées sont considérées comme subversives. Elle appelle à l’abolition de la famille traditionnelle, qu’elle considère comme lieu de reproduction des inégalités et des violences sexistes.
Son féminisme frontal attire la répression puisqu'elle est dénoncée comme avorteuse et internée en asile, comme nombre de femmes dont la parole publique dérange. Elle y meurt en 1939, dans une solitude symbolique : celle des femmes trop en avance sur leur temps.
Madeleine Pelletier est une théoricienne visionnaire et une militante radicale, dont la pensée sur le genre, le pouvoir et l’émancipation reste d’une actualité bouleversante. Elle nous rappelle qu’être féministe, ce n’est pas seulement revendiquer des droits, c’est aussi repenser la société dans ses fondements. Son destin tragique souligne la violence institutionnelle contre les femmes qui pensent et revendiquent.