5 Juillet 2025
Marthe Bigot, de l’école à la révolution, marque un féminisme de combat. Marthe Bigot (1878–1962) est institutrice de formation, incarne un féminisme à la croisée des luttes : éducative, syndicale, politique et antimilitariste. Son parcours, singulier et résolument engagé, explore les tensions du siècle entre émancipation individuelle et transformation sociale.
Dès le début de sa carrière, Marthe Bigot s’implique activement dans la Fédération de l’enseignement, défendant les droits des institutrices comme actrices essentielles du progrès républicain. Elle milite pour une école laïque, égalitaire et émancipatrice, considérant l’éducation comme outil fondamental d’élévation des femmes. Elle revendique l’égalité salariale et la reconnaissance professionnelle des femmes dans l’enseignement. Son engagement syndical préfigure les mobilisations du XXe siècle pour une justice sociale au sein de la fonction publique.
Marthe Bigot rejoint L’Équité, organe socialiste du « prolétariat féminin », où elle articule féminisme et lutte des classes. Elle participe à l’élaboration d’un discours féministe marxiste, défendant l’émancipation économique des femmes. Elle adhère au Parti communiste dans ses premières années, mais s’en éloigne plus tard en raison de critiques internes, notamment celles adressées à Trotsky. Cette trajectoire complexe illustre les tensions entre féminisme et partis politiques dans l’entre-deux-guerres.
Profondément pacifiste, Marthe Bigot s'engage dans le Comité international des femmes pour la paix permanente en 1916, en pleine Première Guerre mondiale. Elle cofonde en 1921 la Ligue des femmes contre la guerre, soulignant le rôle spécifique des femmes dans la lutte contre les conflits armés. Elle défend une vision du féminisme comme résistance à toutes formes de violences — étatiques, patriarcales, militaires. Son pacifisme s’inscrit dans une critique globale des institutions oppressives et bellicistes.
Par ses écrits, Bigot contribue à forger une mémoire et une réflexion féministes profondes et documentées. La servitude des femmes (1921) questionne les contraintes sociales, économiques et morales imposées aux femmes. Dans l’article « Cent ans de féminisme » (La Révolution Prolétarienne, 1948), elle dresse une histoire critique des mouvements féministes, soulignant leurs réussites mais aussi leurs contradictions. Sa plume est lucide, tranchante et toujours tournée vers la transformation.
Marthe Bigot ne se limite pas aux revendications politiques : elle s’attaque aussi aux normes morales et sexuelles de son époque. Ses revendications sociétales sont l'union libre et maternité hors mariage. Elle défend l’union libre comme alternative au mariage traditionnel, dénoncé comme structure patriarcale. Elle revendique le droit à la maternité hors mariage, contestant la stigmatisation des mères célibataires. Ses positions audacieuses anticipent les débats féministes contemporains sur le corps, la famille et les normes sociales. Marthe Bigot fut une figure discrète mais révolutionnaire, dont l’engagement multiforme bouscule les conformismes. Elle démontre que le féminisme n’est pas un combat isolé mais un tissu de luttes solidaires, interconnectées et toujours politiques.