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La Philosophie à Paris

PHILOSOPHE / Monique Wittig

PHILOSOPHE / Monique Wittig

Monique Wittig
(1935–2003)

Monique Wittig est une écrivaine, philosophe et militante féministe française dont l'œuvre littéraire et théorique a profondément marqué la pensée féministe matérialiste et les études queer. Née le 13 juillet 1935 à Dannemarie, en Alsace, elle fait ses études à la Sorbonne, où elle commence à écrire et s’engage dans les milieux intellectuels et politiques de l’époque.

Une œuvre littéraire subversive

Dès son premier roman, L’Opoponax (1964), récompensé par le prix Médicis, Wittig impose une voix singulière. L’œuvre, narrée à la troisième personne impersonnelle, efface les marques de genre et explore l’enfance sous une forme littéraire novatrice, à la frontière de l’expérimental. Ce refus de la catégorisation, notamment genrée, sera une constante dans l’ensemble de son œuvre. On parle aussi d'écriture épicène, rompant avec les conventions littéraires pour questionner les normes de genre.

C’est dans Les Guérillères (1969), œuvre emblématique de la littérature féministe, qu’elle construit une vision radicale de la lutte des femmes : elle imagine une société de femmes guerrières, défiant l'ordre patriarca bref un monde utopique habité par des femmes en guerre contre un ordre masculin ancien et oppressif. L’écriture poétique, fragmentaire, célèbre le corps, la mémoire collective féminine et les possibilités d’un langage libéré du masculin. 

Avec Le Corps lesbien (1973), Wittig franchit une nouvelle étape dans sa déconstruction des normes sexuelles et linguistiques. Le texte, dense et charnel, poursuit cette exploration et met en scène l’amour lesbien dans un style lyrique et transgressif. Elle y subvertit la langue pour libérer le corps féminin des représentations masculines. en dehors de toute représentation hétérosexuelle et dans une volonté de réappropriation radicale. 

Théoricienne majeure du féminisme matérialiste

Monique Wittig propose une lecture politique du genre et de l’hétérosexualité. Dans ses essais, notamment La Pensée straight (1980), elle affirme que « la catégorie de sexe est une catégorie politique » et critique ce qu’elle appelle « la pensée straight » — une structure de pensée qui impose l’hétérosexualité comme norme universelle et naturalisée. Pour elle, les termes même de « femme » et « homme » ne décrivent pas une réalité biologique, mais une construction idéologique au service de l’hétérosocialité et du patriarcat. L’un de ses énoncés les plus célèbres — et les plus commentés — est sans doute : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Cette phrase, loin d’être un paradoxe, s’inscrit dans sa logique de subversion des catégories identitaires. Pour Wittig, le lesbianisme n’est pas une orientation sexuelle, mais un refus actif du système de genre. En refusant d’être définie par l’hétérosexualité, la lesbienne se soustrait à l’identité politique de « femme », telle que construite par l’oppression masculine.

Engagement militant et exil

Militante active dans le Mouvement de libération des femmes (MLF), elle cofonde en 1970 le groupe des Gouines rouges, affirmant la nécessité de placer la question lesbienne au cœur du féminisme. Ses positions radicales ur le lesbianisme et sa critique de l'hétérosexualité comme régime politique l’amènent cependant à être marginalisée par certaines franges du mouvement féministe français. En 1976, elle s'exile aux États-Unis, où elle continue d'écrire et d'enseigner, notamment à l'université de l'Arizona.

Jusqu’à sa mort, en 2003, Monique Wittig n’a cessé d’écrire, de théoriser et de militer. Son œuvre, à la croisée de la littérature, de la politique et de la philosophie, a marqué de nombreuses penseuses contemporaines, de Judith Butler à Paul B. Preciado. Elle reste une figure incontournable pour tous.tes celleux qui souhaitent repenser le genre, le langage et les systèmes de domination. Elle restera comme une voix singulière, mêlant littérature et théorie politique pour déconstruire les fondements idéologiques de l'hétérosexualité et du genre. Sa critique de la naturalisation des catégories de sexe et de genre a ouvert la voie à une remise en question radicale des normes sociales. Aujourd'hui, ses écrits continuent d'inspirer les luttes pour l'égalité et la reconnaissance des identités minoritaires.

Apports : Théoricienne de la pensée straight

Wittig est surtout connue pour sa critique de la « pensée straight », concept qu'elle développe dans ses essais réunis dans La Pensée straight (1980). Elle y démontre que l'hétérosexualité n'est pas une orientation sexuelle parmi d'autres, mais un régime politique qui structure la société en imposant une hiérarchie entre les sexes. Selon elle, les catégories de « femme » et « homme » sont des constructions sociales destinées à maintenir cette hiérarchie. Sa déclaration provocante "les lesbiennes ne sont pas des femmes" signifie que les lesbiennes échappent à cette construction sociale en refusant les rôles assignés par l'hétérosexualité. En ce sens, le lesbianisme devient pour Wittig une position politique subversive qui remet en cause l'ordre établi.

La pensée straight (ou straight mind) est un concept central dans la théorie féministe matérialiste de Monique Wittig, et probablement l’un de ses apports les plus puissants et subversifs à la critique du patriarcat et de l’hétérosexisme. La pensée straight peut se définition comme une idéologie dominante et invisible qui naturalise l’hétérosexualité comme norme et comme fondement de l’organisation sociale, politique et linguistique. Monique Wittig souligne la dénégation qui a lieu : « La pensée straight est une pensée politique qui ne se reconnaît pas comme telle. » Ce n’est pas simplement une orientation sexuelle, mais plus qu'une vision du monde c'est un régime politique, une structure de pensée, un système de représentation qui se présente comme neutre ou naturelle, mais qui est en réalité fondé sur des rapports de pouvoir : ceux de l’hétérosexualité obligatoire, du binaire de genre, et de la domination masculine.

La pensée straight produit :

1. La naturalisation du genre. Wittig critique l’idée selon laquelle on « naîtrait femme » ou « naîtrait homme » (en écho à Simone de Beauvoir), mais elle va plus loin en affirmant que : « Le genre est une catégorie politique, non biologique. » Pour Monique Wittig, « femme » n’est pas un fait naturel, mais une position de subordination dans un système hétérosexuel. Ainsi, ce que l’on appelle « femme » n’existe que par rapport à un homme — comme « l’Autre » de l’homme et de fait construite pour lui.

2. L’invisibilisation du lesbianisme. Les lesbiennes, en tant que femmes qui échappent au contrat hétérosexuel, n’ont pas de place dans la pensée straight. Elles sont rendues invisibles ou considérées comme « hors-norme », marginales, voire illogiques. Dans Les lesbiennes ne sont pas des femmes, Monique Wittig affirme : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes, car être une femme signifie être dans un rapport d’oppression avec les hommes. » C’est une affirmation radicale : pour Wittig, les lesbiennes refusent de participer à la construction sociale de « la femme » telle qu'elle est envisagée par le patriarcat.

3. Le maintien de l’ordre social par le langage. Monique Wittig met en cause le langage lui-même comme vecteur de la pensée straight. Les structures linguistiques participent à figer les catégories de sexe et à reproduire la domination. Elle posent le masculin comme universel, l’usage du mot « femme » comme catégorie naturelle, l’effacement de toute multiplicité d’identités sexuelles ou de genres.

Wittig propose une révolution politique comme démarche radicale : abolir les catégories de sexe, comme on abolit une classe, afin de Démanteler cette pensée straight :. Pour elle, les femmes n’existent pas en tant que réalité naturelle, mais en tant que classe politique produite par l’hétérosexualité. Les propositions clés de Monique Wittig sont :

  • Refuser l’assignation à un sexe.
  • Sortir du système hétérosexuel obligatoire.
  • Inventer de nouvelles formes de langage et de subjectivités, libérées de la binarité et de l’hétéronormativité.
  • Considérer le lesbianisme non pas comme une identité sexuelle, mais comme une position politique de dissidence radicale.

Ainsi la pensée straight est une système idéologique qui naturalise l’hétérosexualité, le genre et l’ordre patriarcal. L'objectif de Monique Wittig est de démasquer cette pensée et proposer une critique matérialiste du genre. Elle propose pour ce faire, l'abolition du genre, la subversion du langage et proclame la dissidence lesbienne. Son influence touche la théorie queer (Judith Butler), matérialisme féministe (Colette Guillaumin, Jules Falquet) ainsi que la critique du genre

Œuvre écrite :

  • — L’Opoponax, 1964. Roman expérimental sur l’enfance et le langage. Prix Médicis.
  • — Les Guérillères, 1969. Texte poétique et politique mettant en scène une société féminine en lutte.
  • — Le Corps lesbien, 1973. Texte lyrique et subversif sur l’amour lesbien, en rupture avec les normes hétérosexuelles.
  • — Brouillon pour un dictionnaire des amantes (avec Sande Zeig), 1976. Dictionnaire amoureux, poétique et politique de la culture lesbienne.
  • — La Pensée straight, 1980, réédité en 1992. Recueil d’essais philosophiques et d'articles politiques. Concepts majeurs : pensée straight, abolition du genre, matérialisme féministe, critique de l’hétérosexisme. Contient notamment : La catégorie de sexe ; La pensée straight ; On ne naît pas femme ; Les lesbiennes ne sont pas des femmes.
  • — Virgile, non, 1985
  • Roman politique et allégorique inspiré de l'Enfer de Dante, avec une héroïne qui refuse l’ordre patriarcal.
  • — Paris-la-politique : textes, entretiens, nouvelles, 2001. Recueil de textes rares ou inédits, entretiens et nouvelles publiés entre les années 1970 et 1990.
  • — Monique Wittig : œuvres complètes I. Romans et œuvres littéraires, P.O.L, 2018. Édition critique dirigée par Namascar Shaktini.
  • — Monique Wittig : œuvres complètes II. La pensée politique, P.O.L, 2021. Second tomz qui rassemble l'ensemble de ses textes théoriques, essais, entretiens et interventions.
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