7 Juillet 2025
Suzanne Voilquin (1801–1877) est une figure singulière du XIXe siècle, issue de la classe ouvrière, intellectuelle autodidacte, sage-femme, journaliste et militante féministe. Son parcours, marqué par la migration, l’écriture et la solidarité, incarne un féminisme populaire et internationaliste, à la croisée du soin, du socialisme utopique et de l'engagement pour les exclues.
Membre active du mouvement saint-simonien, Suzanne Voilquin devient de 1832 à 1834 la rédactrice en chef de Tribune des femmes, anciennement La Femme libre. Ce journal, rédigé par des femmes issues du peuple, est l’un des premiers espaces médiatiques autonomes féminins. Elle y défend des revendications sociales, des récits de vie ouvrière, et des réflexions sur la maternité, la sexualité, le travail et la pauvreté. Sa posture mêle pratique militante et discours intellectuel, dans une démarche profondément émancipatrice. Sa parole est résolument populaire, non bourgeoise, et orientée vers la réforme sociale concrète.
Suzanne Voilquin participe à une expédition saint-simonienne en Égypte. Elle suit une formation de sage-femme, avec un objectif double : se former et servir. Elle aide des femmes dans les harems égyptiens, transmet savoirs médicaux, échange savoirs culturels. Cette expérience l'amène à réfléchir à l’universalité de la condition féminine, dans ses composantes corporelles, sociales et politiques. Son approche mêle pratique de soin, curiosité anthropologique et féminisme humaniste.
De retour en France, elle crée une association d’aide aux filles-mères, lieu d’accueil, de soin et de conseil. Elle accompagne les femmes abandonnées, enceintes hors mariage, dans un contexte social hostile. Elle repart comme sage-femme en Russie, preuve de son engagement transfrontalier pour le soin et la dignité. Elle écrit dans La Voix des femmes d’Eugénie Niboyet, poursuivant son action journalistique ancrée dans les luttes sociales du quotidien. Son action est toujours tournée vers les femmes invisibles, les marginalisées, les précarisées.
En 1866, Suzanne Voilquin publie son autobiographie : Souvenirs d’une fille du peuple, ou La saint-simonienne en Égypte. Elle y raconte son enfance ouvrière, ses combats féminins et sa vie de migrante militante. Ce texte offre un témoignage rare sur le féminisme du XIXe siècle vécu depuis le bas, par une femme sans capital ni privilège. Elle y articule mémoire personnelle et critique sociale, dans un style sobre, lucide et puissant. Son récit témoigne d’une pensée féministe empirique, fondée sur l’expérience vécue et l’attention aux corps et aux humiliations.
Suzanne Voilquin fut une pionnière du féminisme populaire, transnational et médical. Son parcours rappelle que les droits des femmes ne s’écrivent pas seulement dans les salons ou les parlements, mais aussi dans les dispensaires, les journaux d’ouvrières et les récits de vie. Une figure lumineuse, encore trop méconnue.