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La Philosophie à Paris

POLITIQUE / L'anacyclose de Polibe

ἀνακύκλωσις

1. Sens étymologique Une portée philosophique et historique

Le terme grec ἀνακύκλωσις (anakyklōsis) peut être littéralement traduit par « retour en cercle » ou « recommencement cyclique ». Il est composé de deux éléments fondamentaux :

  • ἀνά (ana) : un préfixe signifiant « en arrière », « de nouveau » ou « vers le haut » ;

  • κύκλωσις (kyklōsis) : dérivé de κύκλος (kyklos), qui signifie « cercle » ou « cycle ».

Ce mot désigne ainsi un processus circulaire, une répétition ou rotation cyclique d’événements, de situations ou de structures. L’histoire de son emploi montre qu’il prend d'autres sens dans les contextes philosophique, politique et moderne.

Platon est le premier a parlé d'anacyclose dans le dialogue de La Politie (545a-546b). En 544c : Platon parle des 4 degré de déviance de la justice que sont la timocratie (timarchie), oligarchie, démocratie et tyrannie. Le tiùos c'est la colère, l'emportement que l'on retrouve mêem dans son dernier dialogue inachevé trente après La Politie, à savoir les Lois.

Pardon si nous n'utilisons pas le terme exonimique de République, inventé par Cicéron pour défendre sa thèse combinatoire de l'ordinum concordia alliance de la plèbe et de l'ordre équester contre les patriciens.

Aristote ne reprend pas à proprement parlé l'anacyclose mais il distinguera et désignera six regime, nombre qui servira de base à Polibe, même s'il en revisite la dénommination et le contenu..


2. Le sens philosophique second — L’éternel retour chez les Stoïciens

Dans la tradition stoïcienne, ἀνακύκλωσις désigne une théorie cosmologique centrale : l’éternel retour. Selon cette doctrine, l’univers suit un cycle éternel de naissance, de destruction, puis de renaissance, dans une boucle sans fin. Les Stoïciens pensaient que le monde finirait périodiquement par une conflagration (appelée ἐκπύρωσις, ekpyrosis), avant de renaître exactement identique à lui-même, jusque dans les moindres détails. Ce concept traduit une vision déterministe du cosmos, où chaque événement est inévitablement appelé à se répéter. Le monde est compris comme un ordre rationnel qui, bien que cyclique, ne laisse place ni au hasard ni à la nouveauté véritable. L’idée d’un destin universellement récurrent donne à la vie humaine une dimension à la fois tragique, parce qu’inéluctable, et sublime, par sa cohérence cosmique. C'est les stoïciens il y a l'idée d'une conflagration cosmique ou Grand incendie (Ekpyrosis), sorte d'été foudroyant qui fait suite au Grand hiver ou Déluge (kataclysmos).

Némésios, l'évêque d'Emèse, dans son De Natura, 38 :  « Les stoïciens prétendent que lorsqu'après une certaine période de temps les planètes reviennent toutes exactement soit en longueur soit en hauteur au même point du ciel où elles étaient au commencement du monde, il en résulte l'embrasement et la destruction de l'univers, et qu'en suite tout recommence de nouveau. Or, comme le cours des astres est exactement le même qu'auparavant, toutes les choses qui ont eu lieu dans la période précédente se passent encore de la même manière. Ainsi, on il y aura de nouveau un Socrate, un Platon, et chacun des hommes avec les mêmes amis et les mêmes concitoyens et ils conseilleront les mêmes choses, s'entretiendront avec les mêmes personnes et traiteront les mêmes questions. Et la Cité tout entière et le bourg et la campagne se renouvelleront pareillement... Il n'y aura rien d'étranger par rapport à ce qui s'était produit auparavant, mais toutes choses seront exactement pareilles, même jusqu'aux détails les plus infimes... Et cette restauration (apocatastase) ne se produira pas une fois, mais plusieurs fois ; ou plutôt toutes choses seront restaurées éternellement ». Il évoque la restauration.

L’influence de cette pensée s’étend jusqu’à Nietzsche, qui reprendra, dans une optique différente, l’idée d’un éternel retour du même.


3. Le sens politique — Le cycle des constitutions chez Polybe
POLITIQUE / L'anacyclose de Polibe

L’historien grec Polybe (IIe siècle av. J.-C.) utilise également les termes ἀνακύκλωσις πολιτειῶν (anakyklōsis politeiōn) pour désigner l’évolution cyclique des formes de gouvernement. Dans son œuvre, il décrit un modèle de succession inévitable entre les régimes politiques :

  • Monarchie, qui dégénère en tyrannie ;

  • remplacée par une aristocratie, elle-même corrompue en oligarchie ;

  • suivie par une démocratie, qui sombre dans l’ochlocratie (le pouvoir de la foule) ;

  • menant finalement à un retour à la monarchie.

Ce cycle constitue selon Polybe une loi naturelle de l’histoire politique. Constatant les dérives qu’implique chaque forme de gouvernement et le fait que toute procédure dévie pour se maintenir,  il préconise une constitution mixte, mêlant monarchie, aristocratie et démocratie – ce qu’il croit observer dans la République romaine de son temps.

POLITIQUE / L'anacyclose de Polibe

Cette théorie est reprise par Cicéron dans le De Republica. Machiavel s'en inspire directement dans le Prince et quelqu'un comme bbergson parle, quant à lui, aux alentours de la 95 des Deux sources de la morale et de la religion (qui sont trois en fait) comme de l'invarible aller retour entre l'aristocratie et la démocratie, comme d'un cycle, donnt seule la personnalité mystique permet le changement en générant l'affect nessaire au changement de la tension propre à ce cycle d'eternel retour du même, le faisant d'une phase à nue autre.


4. Les deux sens modernex — Le recyclage et la restauration écologiques

Dans le grec moderne, ἀνακύκλωσις (orthographié aujourd’hui ανακύκλωση) a évolué pour désigner un concept très actuel : le recyclage. Il s’agit du processus de collecte, de traitement et de réutilisation des déchets afin de leur donner une nouvelle vie sous forme de produits réutilisables. Le sens originel du mot est conservé, puisque l’idée centrale reste celle du retour et de la reconversion cyclique des matières.

Certes largement associé au recyclage, il peut également être investi d'une signification plus large et plus actuelle : celle de la restauration écologique. Cette interprétation élargie prolonge l'idée de cycle naturel pour y inclure les efforts humains visant à restaurer les écosystèmes dégradés, altérés ou détruits. Plus clairement, la restauration écologique désigne l'ensemble des pratiques qui cherchent à ramener un milieu naturel à un état aussi proche que possible de son fonctionnement originel. Il ne s'agit pas simplement de préserver un environnement, mais de le régénérer, de lui redonner ses fonctions écologiques, sa biodiversité et sa résilience. Ainsi, l'homme, après avoir été facteur de dégradation, devient agent de réparation et de réintégration dans les cycles naturels. Cette démarche s'inscrit dans une vision cyclique du rapport entre l'humain et la nature. Plutôt que d'imaginer une rupture entre civilisation et milieu naturel, la restauration écologique suppose une forme de retour, une boucle éthique et environnementale par laquelle l'humain reconnaît ses impacts et s'engage dans un processus de réhabilitation. Elle illustre un changement de paradigme : de la domination à la responsabilité écologique.

Dans ce contexte, ἀνακύκλωσις peut être réinterprété comme le mouvement de retour réparateur vers un équilibre perdu. L'idée antique de circularité ne se limite plus seulement au fatalisme cosmique ou politique, mais devient un principe actif d'intervention positive plus durable uo soutenable sur les milieux vivants.

 


5. En conclusion

Ce glissement sémantique illustre la souplesse de la langue grecque, capable de réutiliser ses propres racines antiques pour exprimer des réalités technologiques et écologiques contemporaines. La logique du cycle – cosmique, politique ou matériel – demeure ainsi au cœur du mot ἀνακύκλωσις, elle incarne une vision circulaire du monde, observable dans la structure de la nature, des régimes politiques ou des systèmes économiques modernes. Il exprime une philosophie du retour, du renouvellement, voire de la fatalité cyclique. Né dans l’Antiquité grecque, ce concept continue de résonner dans notre époque, preuve de sa richesse et de sa pertinence dans la compréhension des grands mouvements de l’existence humaine.

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