6 Février 2021
Bienvenus à vous amis du Cameroun
Tout d'abord, Qu'est-ce qu'un philosophe ?, c'est une bien vaste question, que nous allons recentrer depuis le Cameroun. Certes il existe la tradition hellénique reprise par le dernier philosophe vivant Patrice Loraux, ici vous trouverez davantage une somme d'éléments sur la philosophie africaine.
La philosophie camerounaise s’est développée dans un contexte de pluralité linguistique et culturelle, entre héritage francophone et anglophone, entre traditions africaines et influences occidentales. Elle s’est très tôt distinguée par une posture critique vis-à-vis de l’ethnophilosophie, c’est-à-dire de l’idée selon laquelle les sociétés africaines posséderaient une philosophie implicite, collective et non écrite. Les penseurs camerounais ont au contraire revendiqué une philosophie rigoureuse, argumentée, capable de dialoguer avec les grandes traditions intellectuelles tout en restant ancrée dans les réalités africaines. Ses principaux représentants sont Marcien Towa, Ebénézer Njoh-Mouellé, Achille Mbembe et Émile Kenmogne.
Marcien Towa (1931–2014) est considéré comme le père de la philosophie critique camerounaise. Formé en Allemagne, il a été l’un des premiers à dénoncer l’ethnophilosophie comme une forme de réduction essentialiste de la pensée africaine. Dans son œuvre majeure Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle (1971), il appelle à une philosophie de la libération, fondée sur la rationalité, la critique et l’engagement politique. Pour Towa, penser, c’est refuser la soumission, c’est exercer une liberté critique face aux traditions, aux dogmes et aux pouvoirs. Il a profondément influencé toute une génération de philosophes africains.
Ebénézer Njoh-Mouellé, né en 1937, philosophe, homme politique et essayiste, Njoh-Mouellé est l’auteur de De la médiocrité à l’excellence (1970), un ouvrage devenu classique dans les milieux éducatifs africains. Il y développe une réflexion sur l’éthique, la responsabilité individuelle et la quête de sens dans les sociétés africaines postcoloniales. Il a également été ministre de la Culture au Cameroun. Sa pensée est marquée par une volonté de réconcilier la tradition et la modernité, en valorisant la culture africaine tout en appelant à une exigence de rigueur intellectuelle et morale.
Achille Mbembe, né en 1957, politologue universitaire et historien de la philosophie est considéré comme l’un des théoriciens du post-colonialisme. C’est un héritier de Frantz Fanon et défenseur de l’Afropolitanisme. Il vit et enseigne actuellement à Johanesbourg. Pour lui « Ils risquent de remettre publiquement en cause les trois piliers de la politique française — le militarisme, le mercantilisme et le paternalisme mâtiné, comme toujours, de racisme. » Historien, philosophe et théoricien politique, Achille Mbembe est l’un des penseurs africains les plus influents sur la scène internationale. Professeur à l’Université de Witwatersrand (Afrique du Sud), il est l’auteur de De la postcolonie (2000), Critique de la raison nègre (2013), et Politiques de l’inimitié (2016). Sa pensée explore les formes contemporaines de pouvoir, de violence et de subjectivité dans les sociétés postcoloniales. Il développe une critique radicale du néolibéralisme, du racisme et de la mémoire coloniale, et propose une vision de l’Afrique comme laboratoire du futur, capable de réinventer la démocratie et la pensée critique. C'est un partisan du pluriversalisme.
Émile Kenmogne, philosophe contemporain, est actif au sein du Cercaphi et s’intéresse aux rapports entre rationalité, spiritualité et modernité. Il participe à des colloques sur des figures comme Henri Bergson ou Emmanuel Levinas, et cherche à articuler les traditions philosophiques occidentales avec les problématiques africaines contemporaines.
La philosophie camerounaise est aujourd’hui portée par des institutions dynamiques, des revues, des cercles de réflexion et des enseignants-chercheurs engagés. Elle s’exprime dans les universités, mais aussi dans les médias, les essais, et les débats publics. Un autre lieu de la philosphie camerounaise est le Cercle Camerounais de Philosophie (CERCAPHI), fondé en 1995, joue un rôle central dans la structuration de cette pensée. Il organise des colloques, des publications et des débats autour des œuvres de philosophes camerounais, et contribue à faire rayonner la pensée critique dans l’espace public.
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