FEMINISME / Louise Bodin

Une plume féministe au service de la révolution sociale, Louise Bodin (1877–1929) incarne une figure complexe et audacieuse du féminisme militant du début du XXe siècle. Écrivaine, journaliste et militante politique, elle conjugue une pensée résolument féminine avec une critique des structures de domination, qu’elles soient patriarcales, militaires ou capitalistes. Sa trajectoire illustre les tensions mais aussi les points de rencontre — entre luttes sociales et émancipation des femmes.

Installée à Rennes après son mariage en 1897, Louise Bodin évolue d’abord dans un cadre bourgeois qui ne l’empêche pas d’embrasser progressivement les idéaux de progrès. Elle rejoint l’Union française pour le Suffrage des Femmes, s’inscrivant ainsi dans une dynamique réformiste et républicaine. Le suffragisme devient pour elle une première porte d’entrée vers des revendications plus larges liées à la citoyenneté et à l’autonomie féminine. Son engagement précoce marque la volonté de conjuguer vie privée et conscience politique. Durant la Première Guerre mondiale, Louise Bodin se détourne du consensus patriotique ambiant et affiche un pacifisme courageux, alors considéré comme suspect. Elle adhère à la section française du Comité international des femmes pour une paix permanente. Elle dénonce le sacrifice des vies humaines au nom d’intérêts étatiques et nationalistes. Son pacifisme est indissociable d’une critique de la société militarisée et de ses impacts sur les femmes.

Elle est à la fois une journaliste féministe et une voix politique, en effet, Louise Bodin se distingue par une plume incisive et engagée. En 1917, elle devient rédactrice de La Voix des femmes, hebdomadaire féministe où elle expose une pensée radicale sur le rôle des femmes dans la société. Elle collabore ensuite avec L’Humanité, journal du Parti communiste, où elle approfondit les liens entre féminisme et lutte des classes. Elle utilise le journalisme comme outil d’éducation populaire et de mobilisation idéologique.

Tensions idéologiques au sein du communsime

Militante dans les rangs du Parti communiste à partir de 1921, Louise Bodin est confrontée à un dilemme. Les contradictions entre féminisme et dogmes du marxisme révolutionnaire la poussent à prendre ses distances, notamment après les critiques adressées à Trotsky. Elle finit par privilégier l’éducation révolutionnaire des femmes, considérant que seule une transformation culturelle et intellectuelle permettra une émancipation réelle. Son évolution témoigne des limites des partis politiques à intégrer pleinement les revendications féminines.

Une pionnière des luttes pour les droits corporels

Louise Bodin fut aussi une des rares journalistes à s’opposer publiquement à la loi du 23 juillet 1920, qui réprime la contraception et l’avortement. Dans L’Humanité (9 août 1920), elle dénonce cette loi comme une atteinte à la liberté des femmes et une hypocrisie morale. Elle défend le droit à disposer de son corps, anticipant les revendications féministes sur la santé sexuelle et reproductive. Ce combat courageux fait d’elle une pionnière dans la défense des droits corporels des femmes. Louise Bodin incarne un féminisme révolutionnaire, inscrit dans les luttes collectives mais toujours attentif à l’individu. Elle montre que l’émancipation des femmes ne peut être dissociée d’un changement global de société. Une figure à faire connaître, au-delà des cercles militants, pour sa pensée libre et son courage.