La Philosophie à Paris

PENSEE / Qu'est-ce qu'un "saut quantique" dans la pensée

24 Janvier 2013, 13:05pm

Publié par Anthony Le Cazals

En réponse à la demande de précision de Jean Tellez

 

Un "saut quantique" dans la pensée, c'est une avant tout une métaphore, là où Bergson parlerait de fulgurance et Deleuze-Guattari du concept de déterritorialisation absolue de la pensée. C'est une forme de non-fixation que l'on retrouve quand Jean Tellez parlait du délire de Socrate dans le Phèdre. Je ne développe pas ici sur les fulgurances (comme je l'ai fait dans ma thèse, donc à suivre), en tout cas, plus qu'un délire il s'agit d'un recoupement entre des pensées éparses, à partir d'un travail sur la structure même du langage en tant qui définit par le sens - paganiste, monothéiste ou terrestre - les procédures d'une époque : on peut penser à la pensée classique et immanente toute entière tenue dans la représentation comme ce qui s'extrait de la volonté. pour saisir le mode englobant qu'est la représentation et ses travers, le mieux peut-être est d'aller à Versailles où tout le paradigme de la réprésentation comme ordre du discours et du pouvoir est décliné du jardin au théatre. La pensée classique est faite de représentations c'est-à-dire de transpositions dans un ordre symbolique des rapports de forces immanents, la pensée "quantique" est davantage dans l'ordre métabolique* ou affectif des transmutations. Pensez entre autres à la transformation chez Kafka (notée Métamorphose), plus présente qu'on ne croit (cf. les imitations dans le journal, 26 décembre 1911), dans le Genêt de Sartre (même s'il manque quelque types de métamorphose). On retrouve cela dans toute la littérature (Ovide n'en restant qu'à des chimères et non des transformations vécues pour celui qui est dans la pensée et la création de valeurs).


Pour en revenir à la métaphore des "sauts quantiques", on simplement dire qu'il s'agit du passage d'un état ordinaire à état éxcité sous l'effet d'une impulsion, ce n'est pas exactement la fuite dans l'ivresse mais le moment d'inspiration, d'enthousiasme que les créateurs nomment jubilation. Une petite auto-citation : "Rejouer cette éternité, c’est admettre une transmutation, un seuil franchi, une connexion eurêka dans le cerveau." pour laisser en suspens la suite et n'en rien dévoiler. Pour romantiser on peut parler d'une éternité vécue comme un délire  ou une ivresse socratique, mais le précipité ou le résultat comptent, données qu'une personne qui relève les seules intensités laisse de côté, d'autant plus que celles-ci retombent. C'est donc un mélange de délire et de concentration qui permet d'avoir des intuitions ou des vision sans l'usage de drogue qui viendraient au contraire perturber l'"appareil", le recepteur (scripteur). Peut-être que le "shoot" d'intensité (la lumière) peut durer plus longtemps et ne pas faire que la déterritorilisation redevienne relative --- c'est-à-dire qu'elle soit reprise dans la matrice des conventions en tout genre. La déterritorialisation d'un électron hors du réseau cristallin (territoire ou domaine) de la "matière" est ce que l'on nomme scientifiquement un saut quantique. Ceux-ci existent dès qu'un électron saute d'une couche d'électrons à une autre jusqu'à parfois quitter l'atome sous l'impulsion d'un photon (qui est le boson de la lumière), se déterritorialiser du territoire de la matière, bien souvent on les perd sauf à les nclure dans un puits quantique fait à l'aide de matériaux sémi-conducteur (à base de silicium), d'où l'intérêt de Deleuze à deux reprise pour les "potentialité des semi-conducteurs").

 

Je vous donne ici mon attrait pour Mille Plateaux, le même je pense que celui de Claro (avec sdon blog le Clavier Cannibale), mon attrait intuitif ou dynamique pour les non-fixations.

 

241_Sauter.jpgAyons recours à une image, même si cela est tendancieux. Simplement il faut suffisamment d'intensité (énerg&tique ou métabolique) plus que de vitesse (dynamique) pour passer d'une couche à une autre, d'un tremplin à un autre, si on pense que dans tout saut quantique il y a une bande d'énergie interdite ou gap que les philosophe ont désigner classique comme étant le vide de l'être, certains considérant comme Deleuze qu'il pouvait exister un extra-être. Petit exemple de cour de récré, ceci m'a toujours fait penser au dispositif de vasques ou de bols qui se jouxtent ; on ferait passer des billes d'une vasque à une autre ou d'un bol à autre si on leur donne suffisament de force ; dans le cas contraire la bille reste s'immobiliser au centre de la vasque. Cette image ne rend compte que d'un aspect dynamique classique et non de l'intensité quantique (impulsion d'un photon de lumière via un laser qui fait parvenir un électron à un état excité ou quantique). On évitera dès lors toute mystification ou toute assimilation à un saut cosmique, du genre téléportation. Pour en revenir à la physique les électrons sont répartis en couches d'oscillation concentrées autour d'un noyau ; les électrons peuvent passer d'une couche à une autre suivant l'énergie qui les anime (ce qu'à longtemps refuser Schrödinger, cf. Manjit Kumar le Grand Roman de la physique quantique où cette notion est selon moi le mieux explicitée)

 

 


* Le métabolique est ce qui relève d'un régime de variation dep suissance ou plutôt d'énergie en acte tandis que le symbolique restra dans le code en usage et sa signification. Un métabolisme est une capacité de transformation par catabolisme (destruction) et anabolisme (synthèse)

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T
<br /> J'ai fini par te répondre, mais très superficiellement, ayant peu de temps en ce moment. Cf même lien. Sur les fulgurances philosophiques, tu fais bien d'attirer l'attention. Elles permettent de<br /> comprendre la nature d'état second de l'état philosophique.<br /> <br /> <br /> L'état philosophique étant l'état dont on part pour philosopher, et aussi l'état que l'on décrit en philosophant. Ainsi chez Derrida, la "différance": elle est l'état fulgurant où est plongé<br /> Derrida, elle est aussi ce dont il parle, un état qu'il tente d'inscrire dans ses textes. Il y aurait bien d'autres exemple, comme "l'événement", "le Dehors, qui force à penser" chez Deleuze,<br /> "l'événement", "l'éclat de la vérité" chez Badiou etc. etc. Il y a un tour de passe-passe constitutif de la philosophie (particulièrement de celle d'aujourd'hui), qui est de parler de fulgurances<br /> propres (et en grande partie non décrites) comme d'états quasiment objectifs, quasiment décelables dans le monde (en tout cas situables quelque part). Que l'on songe à ce fameux Dehors<br /> deleuzien... Comme j'ai tenté d'y insister peut-être trop), cela montre la nature de narcotique de tout discours philosophique. En deux aspects au moins : 1° cet effet de projection dont je viens<br /> de parler (un état fulgurant est objectivé : tous les drogués font ça), 2° La dépendance du discours philosophique à une prise préalable, une injection par exemple. Ici, par exemple (mais je ne<br /> voudrais pas trop insister sur le même exemple), la pensée s'injecte un "Dehors", dont la fulgurance, le flash lui permettent de penser, de penser autrement.<br />
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A
<br /> <br /> Les fulgurances, ce sont les pensées à même la structure du langage, ce ne sont pas des projections d'un ressentient comme "l'idée de révolution" avec son envie hyperbolique d'en finir ou de tout<br /> changer. Oui tu sembles insister sur le côté chamanique des fulgurances, des recoupement de pensées qui ont une logique autre que la subjectivation. Le côté chamanique ressort "le flash lui<br /> permet de penser autrement" l'activité au dehors de nous... je dirais de penser simplement en dehors de la logique formelle.<br /> <br /> <br /> <br />