La Philosophie à Paris

411. Sur le passage de l’ère classique à l’ère quantique.

15 Février 2013, 00:35am

Publié par Anthony Le Cazals

Pour résumer ma thèse, on peut dire que l'humain n'a pas pensé jusque là mais qu'il a été pensé à partir de la Renaissance avec l'avènement d'une société de la connaissance et de l'imprimerie (Michel Serre et Benjamin Bayart). L'humain, pour ne pas préjuger si on est homme ou femme, s'est mis à pensé à partir de Nietzsche, d'où le titre Ecce Homo. Jusque là c'étaient l'Église et l'État qui pensaient et philosophaient. Heidegger ne disait-il pas que jusque là l’homme n'a pas pensé. L'Église a posé l'esprit comme son outil de domination des corps et comme monument trinitaire ; l'État, à travers l'unité dans la variété qu'est la prédominance de l'Harmonie préétablie (notons l’étymologie), a donné la philosophie du droit et des statistiques (toujours la même étymologie), le droit permettant d'arbitrer les conflits délétères : les stasis (encore la même étymologie).


Trois époques entrent aujourd'hui en résonance comme des vases communicants : la Grèce Antique de l'Athènes vie-ve siècles av. J.-C., la Renaissance italienne de la Florence de la fin du xve siècle et la Rome du début du xvie siècle, la Révolution quantique de 1906-1927 entre le nord de l'Allemagne et le Danemark qui s'accompagnera de la philosophie française de la seconde moitié du xxe siècle et début du xxie siècle, les prémices sont posées par Nietzsche lorsqu'il affirme qu'il n'y a pas de « matière » 430 (la première fois en 1872et développé entre 1881 et 1889), donc pas d'Esprit 410 :


- Ère antique de la croyance : apparition de la science comme mystique de l'Être, apparition du premier alphabet à voyelles et de la monnaie numéraire qui permettent l’enregistrement sur un premier support des textes et la dette mobile).


- Ère classique de la connaissance : synthèse et analyse comme cohérence symbolique).


- Ère quantique de l'information : convergence des médias indiciels et notatoires sur les écrans, ce qui est traité ne sont plus les représentations ou symboles mais les informations et mesures via la maîtrise de la connaissance et le premier réseau neutralisé à commutation par paquets électriques ou lumineux qu'est internet.


Pour donner plus d'envergure, avec l'imprimerie nous avions appris à lire — connaissance ou naissance simultanée de l'imprimerie et de la Renaissance), avec internet nous apprenons à écrire. L'information n'est plus indexée sur un support papier (matière) mais sur la lumière des écrans. En effet en 1906, Planck pose le quantum de lumière comme étant le minimum d'action, c'est-à-dire que la lumière est action en même temps qu'elle porte l'information. À l'âge classique, le principe de moindre action propre à la dynamique scientifique reposait sur le principe de raison suffisante que Kant a séparé de la loi de cause à effet comme relation qui engendre l'existence et non comme principe de connaissance. Ainsi Le basculement de l'âge classique à l'âge quantique se produit quand la moindre action devient la plus petite information. Aujourd'hui c'est la maîtrise de la connaissance (synthèse et analyse) qui permet de traiter l'information et non plus les symboles. On passe par un saut « quantique » de l'idée comme participant du réel à la pensée comme se tournant vers le complexe. Arrive donc la Révolution quantique, qui amène l'ère de l'information indexée sur la lumière et non plus la « matière » comme avec le papier. C'est comme pour la Renaissance une grande période de synthèse et non pas d'analyse : nous naissons en tant que terriens et évoluons à mesure que l'internet progresse ; à cette différence que la synthèse n'est pas cohérente — cohérence des points de vue et mise en figure des symboles que sont les concepts — mais convergence — convergence des médias et aussi convergence Stiegler des deux hémisphères de notre cerveau pour aller contre Virilio pour qui l'écran domine l'écrit. L'écran participe aussi bien de l'écrit — logique et sémantique — que du visuel, chacun de ces domaines ayant son hémisphère cérébral préféré. Virilio cherchait à dire que la pornographie prenait le pas sur l'érotique 532, les Images sur le Verbe. C'est cela la convergence et même l'ambimanie du clavier. Les cours de Deleuze sur Leibniz, le pli et le Baroque 816 font entrevoir la progression suivante : Renaissance > Classique > Baroque-versus-Lumières > Romantisme, Pessimisme, Éclectisme et Rationalisme > Quantique. La Renaissance est la synthèse de la connaissance ou naissance contemporaine de l'imprimerie (banque+édition) et de la perspective humaine (renaissance des humanités). Le classique est l'analyse des apports de la Renaissance (l'analyse des représentations via l'Idéologie, cf. FcMC). Le Baroque c'est la transmutation ou variation infinie de forme à forme à travers la courbure à variation infinie (Monteverdi, Buxtehude, Back). Le romantisme pose l'individu égaré sur fond de culture comme héros romantique (Kleist, Chateaubriand, Listz, Musset, Wagner et Chopin). Le fait que Kant sépare le principe de connaissance et la relation d'engendrement (loi de causalité) conduit au pessimisme de Schopenhauer. Celui-ci comprend qu'il n'y a pas de volonté en soi, la volonté allemande en vient à se nier d'où la volonté non pas tournée vers le néant mais vers la puissance chez Nietzsche. L'éclectisme, c'est la période plus modeste qui pose la « fin de siècle », qui perd les points fondamentaux de la construction baroque et que le romantisme comme le pessimisme ont fait œuvre de désorientation nihiliste. C'est une reprise de l'analyse nietzschéenne des trois siècles succédant à la Renaissance, Nietzsche la produit en contre-champ de son maître Jacob Burckhardt. Les tenants de Vico ou de Nicolas de Cues ne seraient pas très loin de cette mise en balance avec cette nuance que Nietzsche sort de la dimension romantique issue du pessimisme.

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