16 Novembre 2006
On Bergson’s metaphysics of time
Max Horkheimer
La séparation des différentes sciences de la philosophie comme le modèle de la connaissance avait en général déjà commencé dans l'antiquité. Vers la fin de l'âge bourgeois ce processus, en rapport avec l'expansion de l'industrie, suppose un rythme (tempo) si rapide qu'aucune tâche ne semble incomber au final à la philosophie. Si ce développement a été témoin de tous les intérêts théoriques importants de société entrant dans la mise en place de règles pour les sciences, alors la philosophie devrait aujourd'hui se tracasser seulement de quelques questions scientifiques très ponctuelles qui seraient délaissées par d'autres disciplines. Cependant, la même chose est valable pour la science quant aux autres branches productives de la société actuelle. Sur la base de la forme anarchique et irrationnelle dans laquelle le processus de vie social survient, la division moderne du travail a apporté avec elle, pour les industries de masse, pour les secteurs d'affaires et pour les sphères culturelles, non seulemenent leur libération du joug féodal, mais aussi, à un degré plus élevé, leur séparation avec les intérêts de la société toute entière. La possibilité et le contenu, les méthodes et les buts de la communauté scientifique, n'ont aucune relation contrôlable avec les besoins humains. Cela apparaît comme la chance dans la mesure où les résultats de travail possèdent n'importe quelle valeur sociale du tout. Face à cela, il n'existe aucune bonne raison d'accepter la structure interne et externe supposée par la science, surtout ces cent dernières années, comme la forme adéquate de la connaissance actuelle, nécessaire et accessible et il n'existe aucune bonne raison de se désintriquer de la philosophie par la justification logique, par la classification ou par le fait de s'excuser qu'il y ait des disciplines qui ont chacune leurs façons de procéder. Par cette restriction, qui a été énoncée en Allemagne depuis le dernier tiers du dix-neuvième siècle, par le néo-kantisme et la logique scientifique moderne, c'était non seulement l'absolutisation des méthodes scientifiques individuelles legitimées comme le seul comportement théorique possible mais aussi le rétrécissement d'horizon, l'appauvrissement du contenu, la tendance réactionnaire conforme à l'éthique de science officielle qui ont été accélérés.
En opposition à cette philosophie des sciences qui a masqué le détachement entre les grands intérêts sociaux et les sciences, de nouvelles écoles métaphysiques étaient capables de faire de la fertilisation des sciences leur inquiétude, par une critique positive autant que par le travail sur les problèmes que la science avait négligés. Le fait que, par exemple, l'ontologie et l'éthique matérialiste dans la période d'après-guerre étaient capables d'avoir une si grande influence, se trouve, entre autres, dans le développement insatisfaisant que la communauté scientifique dominante a pris. Les disciplines individuelles, comme, par exemple, quelques branches d'économie politique, courent le risque d'aboutir à une problématique formaliste et d'oublier le chemin vers la réalité pour les abstractions les plus extrêmes. d'autres, comme une partie de sociologie, ne rejoignent pas la collection de matériaux propres à la pensée théorique et dégradent la science à force d'une abrutissante accumultion de faits. Face à l'envolée de la science contemporaine et de la philosophie qui s'y rattache, aux pôles de recherche opposés dans un dispositif global et l'abstraction complètement vide, la métaphysique s'est prononcée contre ce défaut et a gardé un rapport, même s'il est problématique, aux questions que la science a mises de côté. Comme la situation dans l'histoire contemporaine, où les adversaires fascistes du libéralisme ont profité que le libéralisme ait permis la cassure entre le développement désinhibé de l'économie capitaliste et les besoins réels des êtres humains, la métaphysique contemporaine est devenue plus forte face aux défauts de la science et de la philosophie positivistes ; c'est leur vrai héritier, de même que le fascisme est l'héritier légitime du libéralisme.
Bergson développa sa métaphysique au même moment comme une théorie positiviste de la science. La dimension à laquelle tant le support que la condition sont l'un et l'autre dans son travail le témoignage de leur relation intime {NDLR intraduisible dsl}. Ce n'est pas seulement caractéristique de la situation contemporaine du point de vue de l'histoire d'idées ; la philosophie de Bergson a accompli, à un degré particulièrement élevé, la tâche d'avancer das les problèmes tant méthodologiques que ceux concernant le contenu négligés par la communauté scientifique contemporaine. La psychologie et la biologie lui doivent des contributions importantes et ont abandonné des voies de recherche sous son influence. Son thème fondateur du Temps réel (la durée), est une catégorie centrale pour qui veut vraiment penser l'histoire de la formation complète des théories. Bergson a différencié le temps vécu du temps abstrait des sciences naturelles et en a fait l'objet de sa recherche. Cela le menait souvent au seuil de la dialectique. En suivant de telles approches, il a évidemment été entravé par la fonction de métaphysique, aussi la caractéristique de son travail, qui cherche à apporter la réalité dans la connexion avec un éternel ou en deviner le principe.
The separation of the individual sciences from philosophy as the standard model of knowledge in general had already begun in antiquity. Towards the end of the bourgeois age this process, in connection with the spread of industry, assumes such a rapid tempo that no task appears to remain for philosophy itself. If this development has witnessed all of the important theoretical interests of society entering into the ruling establishment of the sciences, so philosophy today would have to bother itself only with some scientifically specialized questions which have not been taken over by other disciplines. However, the same is valid for science as for the other branches of production in contemporary society. On the basis of the anarchic and irrational form in which the social life-process takes place, the modern division of labour has brought with it, for the individual industries and business branches just as for the spheres of culture, not merely their liberation from feudal fetters, but also, to an increasing degree, their separation from the interests of the whole society. The scope and content, methods and goals of the scientific establishment, don’t have any controllable relation to the needs of humans any more. It appears as a matter of chance whether and to what extent the results of labour possess any social value at all. In the face of this fact there exists no good reason to accept the external and internal structure which science has assumed, especially in the last one hundred years, as the correct form of contemporary, necessary and attainable knowledge, and to make do in philosophy with logically justifying, classifying and apologizing for the disciplines and their ways of proceeding. Through this limitation, which in Germany has been announced since the last third of the nineteenth century from neo-Kantianism to modern scientific logic, not only was the absolutization of the individual scientific methods legitimated as the only possible theoretical behaviour, but the narrowing of horizon, the impoverishment regarding content, the reactionary tendency corresponding to the ethos of official science was also accelerated.
In opposition to this epistemological philosophy that concealed the estrangement between great social interests and the sciences, new metaphysical schools were able to make the fertilization of the sciences their concern, bypositive critique just as much as by work on problems which science had neglected. The fact that, for example, ontology and material value-ethics in the postwar period were able to exercise such a great influence lies, among other things, in the unsatisfying development the reigning scientific establishment has taken. Individual disciplines, such as, for example, some branches of political economy, run the risk of ending up in a formalistic problematic and of forgetting the way back from the most extreme abstractions to reality; others, like a part of sociology, don’t cross over from the collection of materials to theoretical thought and debase science to the mindless piling up of facts. In the face of the flight of contemporary science, and the philosophy linked to it, to the opposed poles of research into all-embracing statistics and completely empty abstraction, metaphysics spoke out against this defect and kept a relationship, even if a problematic one, to the questions which science left behind. Like the situation in contemporary history, where the fascist opponents of liberalism took advantage of the fact that liberalism overlooked the estrangement between the uninhibited development of the capitalist economy and the real needs of humans, contemporary metaphysics grew stronger in the face of the failings of positivistic science and philosophy; it is their true heir, just as fascism is the legitimate heir of liberalism.1
Bergson developed his metaphysics at the same time as a positivistic theory of science. The extent to which both support and condition each other in his work is testimony to their close relationship. Not only is it thus characteristic of the contemporary situation in terms of the history of ideas; Bergson’s philosophy has fulfilled, to a particularly high degree, the task of advancing both methodological and content-related problems neglected by the contemporary scientific establishment. Psychology and biology owe to him important contributions and have struck out on new paths under his influence. His foundational theme, real time, is a central category of any thinking of history, indeed of any comprehensive formation of theories at all. Bergson has differentiated lived time from the abstract time of the natural sciences, and made it into the object of his research. This has often led him to the threshold of dialectics. In following such approaches, he has of course been hindered by the function of metaphysics, also characteristic of his work, which seeks to bring reality into connection with an eternal or divine principle.