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La Philosophie à Paris

PHILOSOPHE ET PSYCHANALYSTE / Erich Fromm

PHILOSOPHE ET PSYCHANALYSTE / Erich FrommPHILOSOPHE ET PSYCHANALYSTE / Erich Fromm

Erich Fromm
(1900–1980)

Erich Fromm est l’un des penseurs les plus singuliers du XXe siècle, à la croisée de la psychanalyse, de la philosophie humaniste et de la théorie critique. un psychanalyste, psychologue social et philosophe humaniste, né à Francfort dans une famille juive pratiquante, il s’engage très tôt dans une réflexion sur la religion, la culture, la liberté et l’humain et est naturalisé américain. Il étudie la sociologie et la psychologie à Heidelberg, où il est influencé par le philosophe Karl Jaspers. Après avoir obtenu un doctorat en 1922, il poursuit une formation en psychanalyse à l’Institut psychanalytique de Berlin et ouvre son propre cabinet en 1927. L’année 1930 marque un tournant : il rejoint l’Institut für Sozialforschung de Francfort où il ne reste que 4 ans et qui deviendra célèbre sous le nom de l’École de Francfort. Avec Adorno, Horkheimer, Marcuse et d’autres, Fromm participe à la fondation de ce courant intellectuel critique, mêlant marxisme, sociologie, psychanalyse et philosophie. Fromm s’éloignera progressivement de ses collègues, tant par ses orientations théoriques que par son style. Là où Adorno et Horkheimer approfondissent une critique pessimiste de la culture capitaliste et rationaliste, Fromm adopte une posture plus humaniste et existentielle, plaçant la liberté et l’amour au cœur de sa réflexion. Son œuvre est profondément marquée par son héritage juif ainsi que par les traditions intellectuelles du romantisme allemand. Ses écrits intègrent souvent des références bibliques et s’inspirent de penseurs romantiques allemands, témoignant de ses racines culturelles et philosophiques. Associé dans un premier temps à l’École de Francfort, Fromm s’est progressivement éloigné de ses orientations classiques pour intégrer la psychanalyse à une critique sociale plus large.

Après avoir émigré aux États-Unis en 1934 pour fuir le régime nazi, Fromm occupe divers postes académiques dans plusieurs institutions américaines : à l’université Columbia, au Bennington College, à l’université du Michigan et à Yale. Son passage à Columbia est particulièrement important, car il y collabore avec l’Institut de recherche sociale, transféré de Francfort à New York. C’est à cette époque qu’il commence à se démarquer de la psychanalyse freudienne traditionnelle, mettant davantage l’accent sur les déterminants sociaux et culturels du comportement humain. En 1949, Fromm s’installe à Mexico, où il vivra jusqu’en 1974. Il devient professeur à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM), où il fonde une section psychanalytique au sein de la faculté de médecine. En 1956, il crée la Société mexicaine de psychanalyse, contribuant à l’essor de cette discipline dans le monde hispanophone. Fromm entretient également des liens étroits avec les milieux intellectuels internationaux, notamment avec le Centre interculturel de documentation (CIDOC) de Cuernavaca, fondé par Ivan Illich. Ce centre devient un lieu de réflexion critique sur le développement, l’éducation et les structures sociales. À la fin des années 1950, Fromm prend publiquement la défense de Sándor Ferenczi, psychanalyste hongrois dont les idées novatrices avaient été mises à l’écart par la communauté psychanalytique dominante. Il critique vigoureusement les déformations de la pensée de Ferenczi, en particulier celles propagées par Ernest Jones, biographe influent de Freud. En défendant Ferenczi, Fromm met en lumière des concepts centraux tels que le rôle du traumatisme et la dimension relationnelle de la thérapie, des thèmes qui rejoignent sa propre conception humaniste de la psychanalyse.

Son premier grand ouvrage, Escape from Freedom (1941), propose une lecture saisissante du XXe siècle : l’individu moderne, prétendument libéré des contraintes traditionnelles (religieuses, féodales, etc.), se retrouve en réalité confronté à une angoisse de la liberté. Cette liberté, plutôt que d’être vécue comme un accomplissement, devient un fardeau insupportable pour beaucoup. Fromm analyse alors les mécanismes psychologiques qui poussent les individus à fuir cette liberté en se soumettant à des formes autoritaires de pouvoir – qu’il s’agisse du fascisme, du conformisme de masse ou de l’idéologie consumériste. Au fil de ses œuvres, Fromm développe une psychanalyse sociale, qui intègre les dimensions collectives, culturelles et économiques du psychisme humain. Contrairement à Freud, qui voit le sujet comme essentiellement gouverné par des pulsions inconscientes en conflit, Fromm insiste sur la manière dont l’environnement social façonne nos besoins, nos désirs et notre santé mentale. Dans L'homme pour lui-même (1947), il défend une éthique humaniste fondée sur l’autonomie, la responsabilité et l’authenticité. Son projet est de construire une société dans laquelle les individus peuvent s’épanouir sans être aliénés par le marché, l’autorité ou la peur. Ce désir de réconcilier psychologie et émancipation se retrouve de manière encore plus limpide dans L"art d'aimer (1956), un ouvrage devenu culte. L’amour y est conçu non comme un simple sentiment romantique, mais comme un art, une pratique exigeante fondée sur la connaissance, le respect, la responsabilité et le soin.

La radicalité de Fromm ne réside pas dans des slogans ou dans un rejet frontal du capitalisme, mais dans sa capacité à démasquer les pathologies du monde moderne à partir d’un idéal profondément éthique et libérateur. Il dénonce la société de consommation, non pas seulement parce qu’elle est injuste ou inégalitaire, mais parce qu’elle crée des individus déconnectés d’eux-mêmes, incapables d’être plutôt que d’avoir. Son dernier grand ouvrage, Être ou avoir ? (1976), est un manifeste pour une transformation profonde de notre rapport au monde, à la nature et à autrui. Il y défend une philosophie de l’être contre l’idéologie de l’avoir : le véritable épanouissement ne vient pas de l’accumulation de biens ou de pouvoir, mais de la capacité à exister de manière créative, aimante et consciente. En ce sens, l’impertinence de la pensée de Fromm tient à sa capacité à relier des domaines que l’on oppose souvent : la clinique et la politique, l’intime et le social, le marxisme et la spiritualité, la critique sociale et l’aspiration à la joie. Il n’a jamais cédé au nihilisme ou au cynisme, même s’il était parfaitement lucide sur les menaces de l’autoritarisme et de l’aliénation. Son œuvre est une invitation à ne pas renoncer à l’humain, à penser la liberté non comme une abstraction, mais comme une pratique vivante et fragile, sans cesse à reconquérir. Pour Fromm, la part instinctuelle diminue chez l'Homme au profit d'un comportement qui tend à s'individualiser dans la résolution du problème fondamental : l'union-au-monde dans la liberté, liberté « positive » (« freedom to ») et liberté « négative » (« freedom from »), amour et haine, confiance et méfiance, créativité et destructivité (cf. La Passion de détruire: anatomie de la destructivité humaine).

OEuvres :

  • La Peur de la liberté, Paris, Buchet-Chastel, 1963, 244 p. ; rééd. Éditions Parangon/Vs, 280 p., 2011 (ISBN 978-2841901623) ; rééd. Les Belles Lettres, coll. Le goût des idées, Paris, 274 p., 2021.
  • L'Art d'aimer, Paris, Éditions Universitaires, 1967, 158 p. ; réédité en 1968 aux éditions EPI ; réédité en 1999 aux Éd. Desclée de Brouwer.
  • Société aliénée et société saine : du capitalisme au socialisme humaniste. Psychanalyse de la société contemporaine, Paris, Courrier du Livre, 1967, 352 p.  contient : Présentation de la psychanalyse humaniste d'Erich Fromm par Mathilde Niel ; rééd. 1971 ; rééd. Paris, Les Belles Lettres, 378 p., 2025
  • Psychanalyse et Religion, Paris, Éditions de l'Epi, 1968, 160 p.
  • L'Homme pour lui-même, Paris, Éditions sociales françaises, 1967, 192 p. 
  • Espoir et révolution. Vers l'humanisation de la technique, Paris, Stock, 1970. Son testament intellectuel tourné vers l'internationalisme.
  • Le Dogme du Christ et autres essais, Paris, Complexe, 19.. . - (Textes) - suivi d'autres essais : La Psychanalyse : une science ou un parti, Le Caractère révolutionnaire, Des limites et des dangers de la psychologie...
  • Espoir et révolutions : vers l'humanisation de la technique, Paris, Stock, 1970, 187 p. 
  • La Crise de la psychanalyse, 1971
  • Bouddhisme Zen et psychanalyse, (avec Daisetz T. Suzuki, et R. de Martino), Paris, PUF, 1971, 200 p. 
  • La Crise de la psychanalyse : essais sur Freud, Marx et la psychologie sociale, Paris, Anthropos, 1971 - 292 p. 
  • Le Langage oublié : introduction à la compréhension des rêves, des contes et des mythes, Paris, Payot, 1975, 210 p.
  • La Mission de Sigmund Freud : une analyse de sa personnalité et de son influence, Bruxelles, Complexe, 1975, 112 p.
  • La Passion de détruire: anatomie de la destructivité humaine, Paris, Robert Laffont, 1975, 523 p.
  • Vous serez comme des dieux : une interprétation radicale de l'Ancien Testament et de sa tradition, Bruxelles, Complexe, 1975, 214 p.
  • Anatomie de l'agressivité humaine, 1975
  • La Conception de l'homme chez Marx, Paris, Payot, 1977, 151 p.
  • Psychanalyse et religion, Paris, EPI, 1978, 160 p. 
  • Avoir ou être : un choix dont dépend l'avenir de l'homme, Paris, Robert Laffont, coll. « Réponses », 1978, 43 p.  
  • Grandeur et limites de la pensée freudienne, Paris, Robert Laffont, 1980
  • De la désobéissance et autres essais, traduit de l'anglais par Théo Carlier, Paris, Robert Laffont, coll. « Réponse. Santé », 1982, 176 p.  - Titre original : On Disobedience and Other Essays. dont : Le Cœur de l'homme, sa propension au bien et au mal, traduit de l'anglais par Sylvie Laroche, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 1964.
  • La fuite hors du réel, 1987.
  • L'Amour de la vie, 1987.
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