LETTRE A MR LORAUX / sur la manière non de supprimer l'esprit mais de s'en libérer
1°) Je vais vous faire la réponse la moins sophistiqué qui soit par rapport à ce que vous me faites « endurer » suivant votre expression. Parler de la distinction entre sensation et discours en oubliant le cadre de ce questionnement qu’est l’épistémè serait oublier qu’il y a de l’à-côté, des choses laissées de côté. Ainsi il n’a jamais été question de rabattre, « dans mon esprit », le plan des sensations et celui du discours, dans faire une seul surface, mais ces deux plans ne me semble pas la surface de l’expérimentateur chez Nietzsche, de l’arpenteur chez Kafka, ils sont la résultante de la contemplation par l’ « esprit » de toute l’épistémè, de cette position de surplomb, qui pour parler en terme kantien nous met à l’abri mieux que les abris physique, de la violence du monde, avec tous les présupposé moraux qui consiste à ne pas franchir la limite de l’impératif. En effet il y a quelque chose de pernicieux, comme un parallélisme égalitaire à accentuer de cette distinction entre sensation et , surtout si vous la coupler avec la distinction entre « ce côté-ci » et « l’autre côté » (distinction platonicienne de l’ici et du là-bas). A pousser les liens jusqu’à leur terme on aboutirait à monde intelligible et à un monde sensible, les sensation étant de « ce côté-ci » et le discours ou plus exactement la pensée de « l’autre côté ». Ainsi il n’y a pas de rabattement , simplement les sensations mais ces deux ensemble ne forme pas la topique entière du monde, ces deux ensembles ne contiennent pas l’exaustivité des sous-ensembles, bref en termes claire avec sensation et discours on explique pas grand chose : on laisse de côté le travail, la vie (elle n’est plus que corruption mieux vaut se consacrer à l’autre côté). Mais vous le disiez aussi pourquoi ne pas réécrire toute l’Ethique du point de vue de l’Etendue, c’est un peu ce qu’a cherché à faire François Zourabichvili en s’attaquant à la notion de littéralité, ne retenir que la lettre du texte et abandonner l’esprit. J’ai pu précisé à cet effet ce qu’était un pensée de l’affectif qui libère et non du lien affectif qui capture. Une pensée de l’affectif s’appuie sur les idées des affections du corps comme le dit Spinoza (je pense aux manifestions corporelles d’Einstein qui présagent toujours une découverte, au nez de Nietzsche, à mon estomac et mes lèvres, car les affections se placent bien quelque part contrairement aux affects qui sont entre nous). Une dans la droite lignée de Nietzsche opère un dressage du corps contre la lente incorporation des erreurs irréfutables de l’ « esprit » (voir 2°), transformant ses affections et affect passifs, en affects actifs. Comme le disait Kafka dans son journal, je transpose, ne suivez pas ma diététique, j’ai un goût difficile. Pour cette distance qu’il met avec son lecteur, Nietzsche parlerait de noblesse, de noblesse de la superficialité pour celui-ci qui au fond à arpenté la surface, surface peuplée de sensation et de discours (si on en reste à l’ « esprit » antique et académique), mais pas seulement car encore une fois il ne faut pas surdéterminer et mettre ainsi des oeillères ce que l’on a laissé de côté, c’est fou comme un philosophe à œillère fonce droit dans les impasses et les ornières alors que comme le dit Wittgenstein il y a une porte ouverte à côté. Foucault savait très bien s’en tirer même si chez lui il y avait de mots des choses, par ailleurs du dedans et du dehors, il y a avait les forces du Dehors le Travail, la Vie, le Langage, qui produisaient à l’échelle humaine production, organisation, discours. On peut même se dire que la Pensée était l’une de ces forces du Dehors puisque il y avait pur Foucault la pensée du Dehors et qu’il se demandait comment la philosophie se l’était accaparé en son Dedans, dans sa non-résolution par rapport au détachement du monde. L’esprit ou la conscience en communiquant de manière hétéronome ou hiérarchique n’a fait que retarder la libération de la pensée avant tout inconsciente si on en croit Schopenhauer, Wagner, Nietzsche (les premiers à avoir mis en avant l’inconscient, Cyrulnik, De chair et d’âme, p.95) et peut-être Freud, car on peut être réellement au dehors du cadre de l’épistémè, tout en continuant à faire de la philosophie, sans user des travers de cette distinction. L’épistémè est inscrite avec ses vertus (Platon) et ses gravités physiques (Aristote) et ne sera jamais entamé, par contre au Dehors le vent souffle et requiert plus de célérité et de rigueur NzGS°293, bref d’audace et de virtù. Relisez la seconde préface , Nietzsche le dit bien ce qui compte ce n’est pas de tout connaître, de tout comprendre, bref d’adopter un position de surplomb. Il y a encore dans votre schématique qui règle deux à deux les pôle d’attraction un point aveugle central, un « attracteur étrange » dirait-on en physique en ce qu’il contient un infini, cet infini étant le basculement dans l’autre côté. [...]
2°) Au final, on ne peut pas supprimer l’ « esprit », la conscience, tel un don quichotte qui combattrait toute les religions. Comme le dit Nietzsche, il y aura toujours du nihilisme ce qui compte ce n’est pas de le combattre c’est que les parties saines et créatrices de la société ne soit pas atteinte. C’est ce qui justifie mon rapport corrosif à Badiou, car celui-ci comme Heidegger a oublié qu’il y avait deux nihilismes, l’un négateur, l’autre réactif, et qu’il faisait partie du second. Badiou empêchant le répondant entre philosophie et science propre à une grande époque comme celle des grecs : « les physiciens sont en attente d’une image de la nature pleinement indépendante des limites imposées à notre perception et à nos impressions » (Max Born, La théorie de la relativité…, éd. Gabay, intro p. VII). S’il y a aggavation des problème par l’introduction dans la pensée de vides et d’infini qui deviennent ingérable pour ce que l’on appelle la calculabilité alors le scientifique reste circonspect face à la phillosophie et s’en détourne. C’est ainsi que demeure le décalage entre science se faisant et philosophie admise avec son image du « monde », mais au du côté de la philosophie, par les faux-problèmes qu’elle traîne comme des casseroles (par exemple, pourquoi y-t-il quelque chose plutôt que rien ?) la manière dont l’épistémologie s’attarde sur des théories scientifiques dépassées (ou dont le domaine de validité est trop restreint pour sortir des « qualités du sujet » de la science grecque, de cet « état de chose » qui nous est apparent – ibid. p. VII, voir 4°). On ne peut pas supprimer l’ « esprit » mais on peut et doit s’en libérer, s’en tenir à la lettre, l’inscription d’une pensée tant dans les corps que dans le texte qui témoigne des intensité qui l’ont traversé. Pour employer une image très grossière l’ « esprit » n’est que la part immergé de l’iceberg : « pour le dire encore une fois : l’homme, comme toute créature vivante, pense continuelle mais ne le sait pas ; la pensée qui devient consciente n’en est que la plus infime partie, disons la partie la plus superficielle, la plus mauvaise : - car seule cette pensée advient sous forme de mots, c’est-à-dire de signes de communication, ce qui révèle la provenance de la conscience elle-même NzGS°254.
3°) Les vérités sont pour Nietzsche des erreurs irréfutables, dès lors qu’elles obéissent à une tradition, une convention, : un exemple peut-être par cet extrait de Max Born (La théorie de la relativité…, éd. Gabay, p. 5) : « le ciel apparaît à l’œil comme une voûte plus ou moins plate, à laquelle sont accrochée les étoiles… Aussi longtemps que cette apparence a prévalu comme vérité, une transposition de la géométrie de la Terre dans l’espace céleste fut superflue, et effectivement elle ne fut pas faite. »
Avec Badiou c’est la même chose car il n’y a rien d’opposable aux vérités génériques, rien de réfutable dans la transposition logique et la vision générique du monde, sinon qu’il laisse beaucoup de chose de côté et que sa pensée a-culturelle comme il dit est inféconde. Bref, que c’est une perte de temps, sauf dans les quelques jalonnements qu’il donne de la pensée, les limites à ne pas franchir, en dépeupleur, en un autre irréductible. Il n’empêche qu’une fois cadrant ou peut délirer, ce qu’a du mal à voir Badiou, qui est passé d’une pensée à pensée transcendantale limite intuitive (puisque Heyting avec ses algèbres que Badiou réivestit, était un élève de Brouwer qui débuta la logique intuitionniste). Dommage que Badiou n’est pas la vie immortelle, car il se serait débarrassé au fur et à mesure de ses multiples peaux d’oignons comme disait Desanti, lui qui parlait de geste de rupture avec le monde sensible, reconnaît avoir écrit théorie de Sujet à partir de l’affect d’étonnement face à à la réaction froide qui a suivi mai 68, en réaction aux renégats. Sa pensée n’est donc pas débarrassée ou fondée hors du sensible, comme il le prétend avec l’Etre et l’Evénement.
4°) Pour mettre en avant ce qui a été laissé de côté, faisons un pas de côté avec Max Born : « La physique ancienne est divisait en Mécanique, Acoustique, Optique et Chaleur. On voit la liaison étroite qui existe entre ces différentes branches et les différents organes des sens : sensation de mouvement, de bruit, de lumière, de chaleur. A ce stade, ce sont encore des qualités du sujet qui sont la plus grande part dans l’acquisition des notions. Le développement des science exactes nous écartes par un chemin bien marqué de cet état de chose… » (La théorie de la relativité…, éd. Gabay, intro pp. VI-VII).