La Philosophie à Paris

LA LIBERATION VIS-A-VIS DE L'ESPRIT 2 / Réponse à Oyseaulx

2 Mai 2007, 20:13pm

Publié par Anthony

Mais ce qui est posé dans notre précédent post c'est avant tout un pari fou de reprendre l'éthique du point de vue du corps, du point de vue de l'événement comme Onfay peut en faire le constat purement corporel (ceci touchant directement à l'éternité, c'est-à-dire la seconde partie du livre V sur les voies de la libération mais aussi à la mécompréhension que l'on peut avoir du corps quant à ses potentialités, je renvoie donc à l'happax chez Michel Onfray). Quelque chose de purement énergétique s'est produit, quelque chose qui touchait chez Spinoza à la santé du corps, qu'il devait vivre comme malade. Toute la thématique du salut de l’âme peut être travestie aujourd’hui en santé de l’énergie qui nous anime (salud de alma en espagnol, animae salus, d’avance tu me diras de ne pas confondre avec la senté , valetudo, mais l’espagnol lui le fait). Quand il écrivait l'éthique, particulièrement après la pause que constitua l’écriture du Traité Théologico-Politique (pub. 1670) dans l’écriture de l’Ethique. Au fond c’est sans doute réembrayer sur la voie prise par François Zourabichvili dans la physique des corps, qui lui fut peut-être suggérer par Loraux, je ne connaît pas le fond de leur relation, mais Loraux a reformuler cette conjecture d’une Ethique écrite du point de vue de l’Etendue et non plus de la Pensée (ou devrait-on dire de l’Esprit consciencieux), car la pensée demeure au même titre que le travail, le langage, ou la vie mais non plus comme une « substance qualifiée » ou un attribut. Piège d’avoir réembrayer sur le dualisme cartésien. A ce sujet il faut lire les écrits de Spinoza sur la Métaphysique de Descartes On peut y lire que la substance à plus de réalité que les modes.
Si l’on reprend et accentue les thèses de Schopenhauer **, de Wagner ** et de Nietzsche ** ce n’est plus l’esprit (ou mens conscia) qui est la chose pensante (II, def. 3) mais l’inconscient ;les processus corporelle (qui n’a rien de freudien ou de refoulé, sauf si la morale, la grammaire, l’éducation hiérarchique s’en mêle). Il ne faut pas chercher des vérités dans sa propres exustence, mais personnellement je pense dans mes rêves, avec la même logique tragique qu’actuellement et comme le corrobore Spinoza c’est mon corps qui fera que je m’en souvienne ou que je l’oublie et seulement mon esprit qui fera que je le dis ou le tais ici. La cause était quant aux rêves tout aussi admise pour Bergson, pour qui se souvenir de ses rêve était la marque d’un disfonctionnement de la vie qui naturellement oublie. C’est la marque si l’on veut de la névrose : cela se ressent déjà chez le Freud adolescent, qui déjà interprétait ses rêves avec opiniâtreté. Désormais nous sommes à l’âge où le frayage synaptique et la plasticité du cerveau sont admis (au diable ceux qui pensent que c’est en pesant le cerveau d’Einstein que l’on comprendra son génie, qui comme le montreront les siècles à venir était tout relatif, en ce que son mode de pensée était quant à son exposition, sa pensée communicative, transcendantale). Se faire accepter comme génie de son vivant relève plus de la communication et de la reconnaissance que d’une certaine audace, célérité ou rigueur. Sans développer sur la dimension du génie propre à Freud, Einstein ou Picasso, on verra combien celle-ci relevait d’une société hétéronome, où le génie avait sa place de subsistance, sa place d’exception. Ce à quoi l’on peut espérer c’est quelque chose qui passe plus directement par le corps non plus via l’esprit et qui serait l’onde de choc d’une intelligence collective, notre civilisation numérique tend vers cela (notamment une civilsation de l'abondance et non de la rareté économique détenu par quelques uns). Sur l’inconscient, sur ces processus qui en chacun ne consentent à se taire, on peut dire qu'il tend à se libérer vis-à-vis de l'esprit, vis-à-vis d'une société fondée sur une hiérarchie verticale qui repose sur la rareté et l'exclusion comme déchet et toute une organisation religieuse et morale du sens et non de la vzleur ou de l'intérêt. Sans doute y aura-t-il toujours de l’esprit au sens spinoziste (= conscience) qui voudra décider mais petit à petit on comprendra qu'il est un ralentissement, un retardateur, quelque chose de déterminé par la nécessité comme le disait Spinoza mais qui se croyait libre parce qu'il ne connaissait pas les causes corporelles, les motifs qui le faisait agir.

** Pour Schopenhauer, rapidement j’ai trouvé cet extrait : On serait tenté de croire que la moitié de notre penser s'effectue inconsciemment (SchPP_455), pour Wagner, qui accentue cela, il faut lire son Beethoven où il dit explicitement que l’importance que Schopenhauer donnait à l’inconscient, enfin Nietzsche, qui s’inspira explicitement du Beethoven de Wagner, quand il écrivit Naissance de la tragédie : il y a plusieurs extrait dans le Gai Savoir : «  l’homme comme toute créature vivante, pense continuellement, mais ne le sait pas ; la pensée qui revient consciente n’en est que la plus infime partie, disons : la partie la plus superficielle, la plus mauvaise : car seule cette pensée consicente advient sous forme de mots, c’est-à-dire sous forme de signe de communication, ce qui révèle la provenance de la conscience elle-même » (Nietzsche, Gai Savoir, § 354).

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S
Le courage me manque de lire ces épais commentaires. Je voulais juste réagir à la première idée émise dans la petite note d'où cette discussion est partie. Je reproduis ici mon commentaire de peur que tous les remblais et couches ajoutées ne l'aient par trop enfoui :<br /> <br /> Je réponds à la "petite pensée" inspirée, qui d'ailleurs était plutôt plurielle et délicate à saisir dans son unité. Je saute par dessus tout le pinaillage qui suit. C'est encore l'idée que les propos des philosophes sont à prendre à la lettre, alors qu'ils ne sont qu'une expression seconde, un produit élaboré. Pour comprendre Spinoza, il faut saisir ce qu'il ne dit pas. C'est beaucoup plus important. Si on le lit à travers Gueroult, Deleuze, ou d'autres, on s'éloigne d'un degré de plus de la compréhension. On se débat dans l'élaboration d'une élaboration! Revenons à la source! La source est dans ce que les mots "substance", "attribut", "intellect fini" et "entendement infini" désignent. La clé est dans la saisie de leur exacte dénotation. Or, c'est là que les commentaires laborieux des universitaires sont les plus impuissants. Ils cherchent la dénotation de ces mots dans les propos tenus par les auteurs eux-mêmes, donc dans de la connotation. La grande erreur est de faire une confiance aveugle à ce que Spinoza dit, par exemple, de ce qu'est la "substance" ou 'l'entendement infini". C'est comme dans la lettre volée d'Edgar Poe : on cherche méticuleusement dans le texte ce qui n'y est pas puisqu'il n'y est qu'en tant qu'exhibé en toute nudité.<br /> <br /> Pour ce qui est de s'enquérir de cette exacte dénotation, il n'y a qu'à demander! Mais comme inconsciemment ou tacitement tout le monde le sait, personne évidemment ne va rien demander. Et le bavardage va encore durer longtemps. <br /> <br /> Maintenant, ta question revient un peu à demander si Spinoza et Deleuze n'auraient pas la même intuition de départ. Je suis bien contraint de remarquer que c'est une évidence aveuglante! Encore une chose que l'enfermement dans les discours connotés empêche d'admettre. Les philosophes ne peuvent avoir que la même intuition de départ! Si les intuitions étaient différentes, aucune philosophie ne serait intelligible. <br />
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A
La réponse se trouve ici http://www.paris-philo.com/article-10230543-6.html#comment10283711
O
Où Spinoza emploie-t-il le mot « indéfini » ? Et s'il l'emploie, ne serait-ce pas pour parler de Descartes (pour qui Dieu était infini, mais la substance étendue seulement indéfinie, équivocité de la substance oblige) ? L'infini spinoziste est toujours actuel, bien qu'il y en ait plusieurs (la substance n'est pas infinie au sens où les attributs le sont, et il existe un infini proprement modal).<br /> <br /> Si l'on veut être spinoziste, on ne saurait écrire que « le Corps pense », car l'Etendue et la Pensée n'ont rien en commun (distinction réelle des attributs).<br /> <br /> La Pensée ne saurait être dite Mens, encore moins Mens conscia : la Pensée est un attribut, tandis qu'une Mens est un mode de cet attribut, mode qui est loin d'être toujours conscient et ne le devient que dans les conditions très particulières de l'effleurement d'une organisation (fabrica) complexe par le monde ambiant. Le scolie de III, 2 signifie que l'Ame (j'y tiens) n'est pas consciente de processus corporels qui, pourtant, s'y réfléchissent. Ce n'est pas parce qu'ils ne seraient pas représentés par la Pensée que « personne ne sait ce que peut un Corps », mais seulement parce que, tout en étant représentés, ils ne sont pas conscients. Ils font partie de l'Ame, comme idée du Corps, mais ne correspondent pas aux perceptions actuelles, c'est-à-dire aux idées des affections du Corps.
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A
Spinoza emploie le terme indéfini par distinction avec le fini dans la proposition III, 8, au sujet du temps. Mais plus largement "La durée est la continuation infinie de l'exister" (II, déf. 5)."La Pensée ne saurait être dite Esprit", Tout à fait Oyseaulx, je n'ai pas dis que la Pensée était esprit mais que la pensée était du côté de l'esprit ("plutôt" sous l'aspect de la durée de l'esprit). Encore une fois ce que nous faisons là c'est une relecture de l'éthique du point de vue du corps, du point de vue du corps pour le libérer de la pensée abstraite qui constitue l'esprit de surplomb, l'esprit des philosophes qui manipule le logos dominant, des philosophes qui soutiennent les hommes supérieurs  : "On est en droit de considérer toutes les folies de la métaphysique [pensée abstraite ou homonome] d'abord et toujours comme symptômes de corps déterminés [hiérarchisés ou hétéronomes]" NzGS, 2e préface, §2. Quant à l'âme il n'emploie pas le terme précisément dans le scolie III, 2, puisque l'Esprit et non l'âme est constituté par l'idée dont l'objet est le Corps (II, 13 voir aussi II, 21). Par contre j'ai fait un énorme contre sens car ce n'est pas au pouvoir de l'esprit de dire ou de taire ce dont on se souvient, donc l'esprit ne peut être assimilié à la conscience. une réponse plus développée vient dans un prochian post.
A
Ma critique est une critique de la substance comme Une, comme en soi. Spinoza contrairement à Nietzsche ou Hawking n'avait pas en ses mains le concept de fini-illimité, il parlait soit d'infini ou d'indéfini (pour ce qui est inachevé).<br /> Il existe comme le dis spinoza une infinité d'attributs, l'intellect en saisi deux. Pourtant au-delà de la pensée consciente (Esprit), il existe une pensée inconsciente qui a une part plus imortante que la première. En effet ni la Pensée (Mens conscia) ni l'Etendue ne prenne en compte la Vie et le Travail. Ce pourquoi on peut penser qu'au-delà du lent dressage des corps à travers l'esprit il existe un possibilité de ne pas tenir compte de la substance, ni des substances qualifies par l'intellect que sont les atributs Pensée et Etendue, car le corps pense, puisque l'on sait aujourd'hui que la majeur partie de notre activité cérébrale est inconsciente mais le corps a surtout la capacité de se souvenir ou d'oublier cette pensée "impensée", non communiquer au travers d'une conscience et de son langage formel (discours), l'esprit n'a pas ce pouvoir. L'esprit a le pouvoir d'imaginer, mais surtout au travers de la lente éducation des corps de dire ou de taire cela. N'oublions pas la phrase de Heidegger dans Qu'appelle-t-on penser : nous n'avons pas encore penser... c'est-à-dire que nous n'avons pas pris en compte la part de la pensée qui ne relève pas de la conscience (l'Esprit chez Spinoza) mais sous la formes de vérités, d'erreurs irréfutable à lentement dresser les corps : ne parle-t-on pas d'incorporation des vérités (même les prétendants et escortes de la vérités utilisent cette expression d'incorporation, Nietzsche parle de dressage des corps tout comme d'incorpations des vérités). Ceci laisse de côté toutes les notions d'importance, d'intérêt, de goût (au sens d'avoir du goût pour), qui demeurent à côté des vérités qui capturent (avec leur dimension chimérique, indicible) des appuis libératoire. Or en philosophie, - comme jusque là je n'ai pas voulu le dire aux analytiques - ce qui est authentique libère et ce qui est semblant capture ou rend infécond. Il y a une dimension d'impensé, d'inconscient productif (pléonasme), d'énoncé qui n'est pas prise en compte pas la dualité des attributs énoncés par l'intellect, qui ne dit pas sur quelle faille il est assis, depuis quelle fêlure il s'exprime.<br /> Mais je ne retire rien à Spinoza quand il parle des notions d'effort (conatus) et d'impulsion (impetus). Preuve qu'il existait bien avant Maine de Biran des penseurs de l'effort (je pense par exemeple au Platon de la République III ou au droit naturel chez Hobbes qui est la capacité d'agir). Il est inéressant de noter que la capacité d'agir de l'esprit (III, dém. 15) est pensée, imagination et celle du corps est mouvement ou repos ou autre chose si cela existe (III, déf. 3 et prop 2). Mais chez Spinoza penser et agir se confondent sous l'aspect de la durée de l'Esprit.<br /> <br /> NB en italique les paraphrases du long scolie de la prop. 2 du livre III de l'Ethique.
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A
Jusque là tout semble se suivre puisque d'une part est posé l'esprit et la conscience et d'autre part l'âme ou l'énergie du corps
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O
1° Je ne pense pas du tout qu'il y ait un point où l'on cesse d'être en présence d'attributs, c'est-à-dire, comme vous l'écrivez à juste titre, de substances qualifées. La substance prise indépendamment de ses attributs est un squelette consonantique dépourvu de sa vocalisation, comme on voit parfaitement lorsqu'on étudie la structure du mot en arabe ou en hébreu. Voir, sur ce point, l'Abrégé de Grammaire hébraïque, où Spinoza dit que la vocalisation est le souffle qui anime le squelette consonantique. Lire (à haute voix) un texte hébreu (écrit) non vocalisé en le vocalisant correctement, c'est insuffler la vie dans un squelette inerte. Telle est la fonction des attributs : dire en lequel de ses multiples sens doit s'entendre la substance : s'articule-t-elle en corps, en idées, en autre chose encore ? Le fait qu'il y ait autre chose encore empêche toute confusion avec un quelconque dualisme, notamment cartésien. Mais une substance sans attributs n'est qu'un squelette modal, sans contenu ontologique. C'est pourquoi Gueroult a raison de donner aux attributs une signification ontologique. Cette discussion date d'il y a trente ans et je m'étais aperçu que les deleuziens n'admettaient jamais ce point, pourtant important.<br /> <br /> 2° Il n'y a nul besoin d'invoquer Schopenhauer e. a. pour savoir que, chez Spinoza, l'Ame (et non l'esprit, comme vous écrivez, la « mens ») ne saurait, en aucun cas, être confondue avec une conscience, au sens du Cogito cartésien, par exemple : Spinoza écrit en toutes lettres que l'Ame « ne se connaît elle-même que pour autant qu'elle perçoit les idées des affections du Corps » (II, 23), en d'autres termes, l'Ame n'est pas consciente d'elle-même, mais seulement des affections du Corps. La conscience n'est donc pas la nature de l'Ame, mais seulement la perception fugace de l'effleurement du monde ambiant. On peut donc dire, si l'on veut, en effet, que l'Ame est inconsciente, à condition de prendre certaines précautions. Pourtant, un rapprochement avec Freud ne manquerait pas d'intérêt, pour peu qu'on ne lise pas Freud avec des lunettes lacaniennes et qu'on comprenne que, pour Freud, l'inconscient est constitué, au cours de l'ontogenèse, par l'effet d'un refoulement opéré par le préconscient, c'est-à-dire par l'acquisition du langage et par les exigences de la vie en commun, ainsi lorsqu'il dit, au chapitre 7 de la Traumdeutung (p. 489 de ma vieille édition allemande), que, dans les conditions du processus secondaire (donc du préconscient), l'accomplissement du désir s'opère grâce à l'instauration d'une identité de pensée (utiliser l'énergie psychique disponible pour réfléchir comment on pourrait retrouver le sein de maman), qui se substitue à l'identité de perception caractéristique du processus primaire (halluciner le sein de maman, l'apparition du préconscient étant consécutive à la déception éprouvée dans l'expérience qu'un sein simplement halluciné ne saurait satisfaire le besoin) ; voir aussi l'important chapitre 2 du Moi et le Ça. Dans ces textes freudiens, la conscience, c'est la perception, et l'inconscient, la pensée (ou, d'autres fois, la mémoire) ; dans les textes spinozistes, la perception, c'est la conscience, et l'Ame, l'inconscient. D'ailleurs, l'aphorisme nietzschéen que vous citez établit parfaitement cette corrélation entre conscience (ou préconscient) et langage, besoin de communiquer.
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