La Philosophie à Paris

413. L’âme, l’esprit et le consortium inepte des idées.

15 Février 2013, 00:49am

Publié par Anthony Le Cazals

Exergue. Nous ne sommes pas libres, nous philosophes de séparer l'âme du corps, comme le peuple les sépare, nous sommes encore moins libres de séparer l'âme de l'esprit. Nietzsche NzGS°0,3.


L’Esprit n’est en premier que l’idée du corps, la première des appréhensions, bref une crispation.  Un petit test aisé pour savoir si vous avez franchi une certaine dimension. Si vous lisez « la mort » et que vous y projetez quelque appréhension, c’est que vous êtes idéaliste. Si vous passez outre en comprenant qu’il y a tant de choses à faire, tant d’énergies à activer dès à présent alors c’est une danse que vous entamez. Agissez, Fermez ce livre, comprenez que la générosité n’est pas dans les idées vagues. Cela relève tout au plus du mysticisme, où il est aisé de projeter ses angoisses. Pour éviter les angoisses, il faut produire une nouvelle érotique 532, c’est ce pourquoi Nietzsche ne voyait pas l’esprit dans la solitude et le silence. Le courage n’est pas dans la précision, le courage est dans l’action à la fois ciblée et endurante dans l’exercice de son art et de son métier. Mon art et mon métier, c’est vivre disait Montaigne. Il ne faut pas hésiter à commettre un léger écart qui vous fait voir la brèche.  C’est  tout le contraire du « mensonge idéaliste 824 » : tôt ou tard l’idéaliste fait passer son discours sur un mot vidé de sens et — par un nominalisme certain — y projette sa vision idéale. Les projections ne sont en rien les projets réalisés. C’est à cela qu’on reconnaît une chimère. On ne pense pas par idées, on réfléchit seulement par leurs biais. C’est par ses idées qu’on appréhende l’existence « en général » et non que l’on avance dans son existence singulière et personnelle. Les idées qui vous assaillent sont autant de problèmes à résoudre alors que la question ne se pose pas au cœur de l’action. Réfléchir ce n’est pas penser, ni dépasser ses idées ni, en somme, ses propres illusions. On pense davantage par sagacité, en exerçant de son cerveau, par exemple en recoupant ce qui cloche, en oubliant les contraires et en se moquant des contradictions. Ceci pousse aux coups de chance, aux coups de foudre de pensée, aux fulgurances 914, comme aux traits d’humour irrésistibles. Quand une contradiction apparaît, elle est simplement le témoin que nous n’avons pas pensé avec la même intensité et que celui qui la relève pense à contretemps, dans la négativité. C’est tout cela que penser, c'est-à-dire renverser la situation à l’avantage de ce qui est intime ou ténu. Si celles qu’on appelle « idées » sont bien réelles et plus qu’un circuit de synapses qui tourne en boucle autour de projections rêvées, alors il vous suffit de les poser sur une table et d’un revers de la main de les souffleter jusqu’au sol et vous les verrez déguerpir. Eh oui ! C’est un premier pas vers le désenvoûtement. Plutôt que de chercher la cohérence, il s’agit de prendre les choses à revers et de voir que ce sont l’envie et l’entrain qui priment. Ce n’est pas par idées que l’on pense, mais c’est par elles qu’on appréhende ce qui deviendra vite des problèmes, toute la philosophie a consisté à cela, former les « esprits » pour qu’ils sachent s’y prendre avec ce qui s’aventure dans leurs pattes ; avoir quelques distinctions d’avance pour s’arranger de tout ça.


Il est fou de s’imaginer que nombre de philosophes sont traumatisés par la disparition du père, souvent dans une dégénrescence. Impuissants face au fantôme de la décadence paternelle, chacun peut même aller jusqu’à penser qu’ils ont été blessés par le langage d’un tiers, le discours faisant là son incise. Que ce soit Kant, Schopenhauer, Nietzsche, Sartre, Deleuze, la dégénérescence du père a laissé ses traces. Chez Platon, c’est le père de substitution avec son suicide déguisé et sa préparation à la mort qui marqua le jeune philosophe. Chez Spinoza, c’est la rupture sociale définitive avec la communauté juive et avec les parents qui jouera ce rôle. C’est contre cet ordre de fait, moins chez Nietzsche ou Spinoza, qu’il faut œuvrer car c’est là que s’insinue l’esprit de vengeance. Il n’y a que ce qu’on empoigne, ou ce qui, de manière différée, revient à la figure qui a de l’existence. Il n’y a pas à méditer sur ce qui n’est pas, à en faire un « néant », car déjà le principe homéopathique œuvre. Et c’est bien cette tendance qu’il faut inverser, biaiser le néant suffit pour rompre la malédiction. Ce que l’on voit à l’œuvre avec les philosophes n’est que l’expression de la folie du père, de ce que le père a tu. Peut-être dois-je en remercier le mien de ce qu’il m’a offert et qui tient en peu de mots : amour. C’est ce privilège qui peut faire quz l’on n’est pas un philosophe spéculatif : le personnage spéculatif est celui qui monte son système pour ne pas s’effondrer. Que la tonalité du traumatisé, à la manière des effets homéopathiques, soit la seule chose qui se transmette cela vient d’un constat dont rend compte Cyrulnik : Nous possédons les outils (scientifiques) qui permettent de soutenir que les proches des traumatisés dont ils partagent les émotions et dont ils éprouvent les souffrances, sont souvent plus altérés que les blessés eux-mêmes…. Quand le blessé a dû affronter le réel, le proche lui a dû affronter un fantôme CyrMM_162-164. C’est ce qui arrive avec les idées, une fois reprises, ce sont des fantômes qui hantent de leur peur le langage. Que l’on vive avec intérêt et beaucoup de sauvagerie 635, ceux qui prétendent œuvrer avec désintérêt le font dans un esprit de vengeance, en sacrifiant l’avenir. Mais encore une fois, tout dépend de l’envergure et non de l’ambition que l’on donne à cet intérêt : Quelle aptitude à concevoir et à réaliser se donne-t-on ? 

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