La Philosophie à Paris

PROCESSUS REVOLUTIONNAIRE ACTUEL / La puissance historique

25 Avril 2017, 15:13pm

Publié par Anthony Le Cazals

D'abord la question : En matière de conquête du pouvoir, et d'analyse des rapports de force qui se déroulent, il y a une question essentielle : qui détient la puissance historique ? C'est-à-dire quel est le groupe social qui agit et transforme la matière mondaine et sociale, et dont du coup les autres groupes pâtissent. Puissance d'agir, puissance de pâtir : voici ce que tissent les liens entres individus et associations politiques (Cf. Giordano Bruno). Question subsidiaire : comment un groupe qui subit peut-il devenir actif et imposer son activité ? Comment changer la corrélation globale des forces ? Pourquoi n'y arrive-t-il pas ?

Une possible réponse. Tout dépend de l'échelle historique que l'on se fixe. Mais la présente discussion participe déjà de ce mouvement. Il y a l'idéalisme de courte vue et les processus longs qui ne sont pas pour nous, dont les résultats ne sont pas pour nous. La bourgeoisie comme classe révolutionnaire ayant atteint son émancipation (nommée "supériorité de l'être" et tout ce qui tient de ce registre) est soulevée par autre chose qui a acquis les moyens de sa déprolétarisation dont l'information-contrôle est le médium, dont le numérique est le support, dont internet est le réseau acentré avec ses restes de serveurs centralisés (comme FB qui collecte pour la NSA). 

En France il y a trois types de politiques ceux qui posent qu'il y a les hommes politiques et les citoyens (c'est une citation de François Fillon, bref les riches et les pauvres), ceux qui ont pour les projets citoyens (avec leader d'opinion ou citoyennisme) enfin la case radicale qui n'est pas tout à fait les refuzniks du contrôle par la base propre aux sociétés de contrôle et d'information (ce qui n'est pas un tort sous mes doigts). Au-delà de ça le projet d'autonomie qui n'est pas le projet humaniste de l'homme supérieur qui est arrivé à son terme avec la shoah et le passage au philosémitisme sociétal et à l'ère atomique, ce projet d'autonomie est en cours et n'est point chimérique, ce n'est pas l'émancipation des esclaves, ce n'est pas la révolution bourgeoise (Anglaise, Américaine, Française, Russe), mais elle est contemporaine du changement de support et de réseau (le numérique et l'acentré internet). c'est quelque chose qui peut prendre 80 à 100 ans au niveau du réseau et 500 à se mettre en place comme le capitalisme XIII-XIXe siècle. Dont on ne retient que les phases finales sonnantes et trébuchants : les révolutions. La question pour le pôle radical (autre nom de l'indiscernable) est d'éviter la surenchère, le radiculisme d'assemblée et donc d'être force de proposition.
C'est une société laïque qui émerge même si on assiste à un reflux (communautaire ou badiousien - c'est un "théologue" de l'Absolu), même si Macron va s'attaquer à tous les acquis sociaux (et nous débarrasser du pétainisme corporatiste des professions libérales - est-ce un bien ? est-ce un mal ? au passage). Laïc s'oppose à ce qui fait passer pour naturelle la croyance, comme allant de soi.

La question devient : si la lutte suprême entre les deux partis n'est pas le conflit social, alors qu'est-ce, selon toi ? Le prolétariat n'a jamais été la classe révolutionnaire au grand dam de Marx. Comment s'appelle-t-elle à présent ? J'essaye de ne pas employer la terminologie marxiste à raison, mais la lutte suprême pour le marxiste n'est pas le conflit social. La stratégie n'est pas la tactique. 

La question n'est même pas un dépassement du marché ou de la monnaie (consensus qui va de Friedman et Bensaïd, ce dernier le relevant chez nombre d'auteurs, mais on pourrait penser au mentor d'Attali avant son revirement, je pense à Braudel). C'est une lutte d'insatisfaction entre votre côté parvenu et votre côté partant. Qui prend la forme temporaire d'un nihilisme, "il sait pas o il va mais il y va" mais c'est trop vite confondre nihilisme et laïcisme, c'est-à-dire croire en rien et ne pas croire, ne pas naturaliser les croyances, les héritages, bref être partant.
 


Juste les mots que j'exprime n'existeraient pas sans les divers régimes généraux de protection social, qu'évoque ce déporté de Krasucki. Le capitalisme (ou étatisme bourgeois) conduisant à son propre dépassement, jusqu'à la prochaine révolution politique suite aux acquis structurels de la "classe" précaire mais déprolétarisé (puisqu'elle possède compétences et savoirs, par le réseau et son support - internet et le numérique).
Prochaine révolution pour dans 300 ans... (c'est une formule, pour dire que ses conséquence ne sont pas pour nous et pour nous resituer dans l'indéterminisme des partants)
La question de la révolution c'est pour le peuple, c'est pour les revendicatifs, celle des "devenirs" révolutionnaires, des procès révolutionnaire est beaucoup plus d'actualité (même Nabe ou Zagdanski se disent révolutionnaires, hic ! ou Segré), dont certains voient les prémisses dans le salaire et les cotisations (qui nous sortent de l'impôt étatique à l'ère de la blockchain). Mais ce n'est pas la panacée car il reste l'irreductible marché (qui l'acte le simple qui soit : amener ses produits en ville, à la base).

Le conflit social qui relève du système social n'est pas la contradiction résultant d'une séparation (autre nom du Spectacle par exemple), d'une "lutte des classes" (expression galvaudée et tournée vers une impasse), d'une guerre entre les esprits que sont les parvenus, les enclins à la rente et les partants, les créateurs, les "révolutionnaires" (ce qui oeuvrent en clandestins comme la quadrature du net, pour le basculement vers le surhomme, la fin de la société bourgeoise, celle qui prône l'homme comme être supérieur). Nietzsche comme Marx seraient d'accord là-dessus (Nietzsche mettant en rivalité les êtres dits supérieurs avec les créateurs de valeur non économique et spécifiant que le nivellement démocratique va dans le sens du surhomme, lequel n'est pas un individu, mais disposition "sociale" ou "mondaine" et qui passe par la guerre entre fatigués-parvenus et partants, les parvenus détenant souvent des monnaies de singe qui sont l'assurance que le travailleur sera à son poste le lendemain.

La question devient "qu'est-on capable d'intégrer ? Qu'êtes-vous vous-mêmes capables d'intégrer ? ... au "système" (il n'existe pas) et à ce que je dis. J'ai désigné la classe révolutionnaire "quel est le groupe social qui agit et transforme la matière mondaine et sociale" : le déprolétariat dont vous êtes à mesure que vous comprenez ce texte, il ne s'oppose pas à la classe dominée (in fine prolétariat) ni à la classe dirigeante (ancienne classe révolutionnaire). "Puissance d'agir, puissance de pâtir" ne s'opposent pas c'est davantage une question de passibilité et d'impassibilté, de ce à quoi on réagit. La réaction rapide n'est pas un drame. C'est davantage savoir ce que l'on met entre sa puissance de pâtir et sa puissance d'agir (circuit affection réaction), Platon répondait le jugement, Bergson répondait la conscience et la mémoire, Michel Serres suppose qu'on peut y mettre autre chose vu que la mémoire a été externalisée sur support numérique et réseau internet (question de la tête bien faite).
C'est parce qu'on emploie le terme de "classe", qui est grossier, que ce qui ne relève pas du conflit social est la "lutte des classes". C'est la guerre entre les esprits, la grande politique de Nietzsche. Histoire de faire une synthèse. Cela explique comment une classe précaire a pu mettre en place la suite... Ce n'est pas venu de nulle part. Rien de politique, rien de revendicatif, l'antagonisme majeur n'est pas le conflit social (qu'il soit joute des forces vives chez Nietzsche ou lutte entre les deux partis chez Marx c'est-à-dire la "grande politique" ou "lutte des classes").
 

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