FEMINISME / Marguerite Durand

Marguerite Durand
(1864–1936)

Marguerite Durand (1864–1936) incarne un féminisme spectaculaire, cultivé, médiatique et profondément politique. Comédienne de formation, devenue journaliste, elle aura mis sa plume et son sens de la mise en scène au service de l'émancipation des femmes dans une société encore largement fermée à leurs revendications. À travers ses combats, elle montre que la parole publique peut devenir levier de transformation sociale.

Avant de s'engager dans le journalisme, Durand débute une carrière prometteuse de comédienne à la Comédie-Française. Ce passage par la scène forge son talent pour l'oralité, le style, et l’art du récit, qu’elle réinvestit dans ses entreprises journalistiques. Elle entre dans le journalisme en travaillant d'abord pour Le Figaro, où elle se confronte au sexisme latent du milieu médiatique. Elle décide alors de créer un espace journalistique entièrement féminin, aussi ambitieux que novateur. Cette reconversion marque le début d'une stratégie féministe à haute visibilité.

En 1897, Marguerite Durand fonde La Fronde, journal révolutionnaire sur le fond et la forme. C’est un quotidien dirigé, administré, rédigé, composé par des femmes, une première historique. Le journal propose toutes les rubriques classiques d’un quotidien (politique, littérature, économie, société), rompant avec la vision d’un journalisme « féminin » limité à la mode et à la domesticité. La Fronde prend position sur les grands débats politiques, notamment l’affaire Dreyfus, où elle soutient les dreyfusards malgré l’hostilité ambiante. Par ce projet, Durand fait de la presse un outil de conquête citoyenne pour les femmes.

En 1900, à l’occasion de l’Exposition universelle, elle est secrétaire du Congrès international de la condition et des droits des femmes, événement majeur du mouvement féministe. Ce congrès réunit des militantes du monde entier et donne à la lutte pour les droits des femmes une dimension transnationale. Durand joue un rôle diplomatique central, articulant les revendications françaises avec celles des autres pays présents. Cet épisode confirme sa stature internationale et son influence dans les cercles féminins.

En 1931, elle fonde le premier Office de documentation féministe, devenu depuis Bibliothèque Marguerite Durand, à Paris. Ce lieu conserve des milliers d’archives, livres, journaux, lettres et documents liés aux luttes féminines. Elle y voit un outil de transmission et de légitimation du savoir militant. Ce geste final scelle son engagement dans la mémoire, et inscrit durablement le féminisme dans le patrimoine intellectuel français. Marguerite Durand est une stratège du verbe, une pionnière du féminisme médiatique, et une bâtisseuse de mémoire. Par son audace et son intelligence éditoriale, elle a permis à des milliers de femmes de se dire, de penser, et d’agir. Une militante flamboyante qui donne au mot “écriture” toute sa force politique.