AUTONOMIE ET HIERARCHIE 16 / Le tirage au sort (1)
Si la deuxième démocratie passe par la mise en place du tirage au sort ce que refuseront les tenants de la démocratie représentative (ou de l'oligarchie des forces dominantes toujours conservatrices - qui font lobby - il faut bien comprendre que la foule des gens s'illusionne encore d'humanité et de repos plutôt que de "liberté" et d'effort surhumain pour la maintenir... car il y aura une guerre toute d'irréductibilité gauloise contre les forces réactives qui pensent pétrole et profit à court terme avec leur cerveau fossile soutenus par la servitude volontaire des cerveaux vgétatifs (Fédier-Zagdanski). Nous retiendrons cet échange de Sloterdijk lors de la sortie de son second volume des Sphères à savoir Globe :
"La deuxième démocratie c'est l'arrière fond de nos soupçons et de nos doutes car nous commençons aujourd'hui à nous poser des questions sur la rationalité et la faisabilité de cette deuxième démocratie. Le monde contemporain est peuplé par des individus qui sont pour ainsi dire très déçus de la société. La religion de la société n'était pas vraiment un ersatz, un succédané suffisant pour ce que l'ancienne religion pouvait fournir. Dans la mesure où ce doute se répand, tout le monde commence à se demander est-ce que peut-être on a abandonné l'autre système immunitaire symbolique (le système métaphysique) de façon un peu trop rapide. Peut-être a-t-on frivolement abandonné quelque chose de très utile dans le triomphalisme de la nouvelle religion sociale et au moment où les membres de la société adorent la cohérence sociale sous le nom de solidarité, où cette nouvelle religion se décompose et où la désolidarisation fait des progrès vertigineux, il vaut mieux se rappeler une époque où les individus comme les groupes ont trouvé leur salut dans une forme de transcendance ou une forme de cohérence alternative. Ceux sont les membres communautés de nos jours qui résistent le mieux à l'athéisme social qui règne un peu partout dans le monde occidental... Les derniers membres des communautés résistent mieux que ceux qui se sont jetés dans un solidarisme vide, d'un solidarisme abstrait, un culte de la déesse Humanité, dont ont comprend aujourd'hui qu'on était un peu trop frivole en comprenant aujourd'hui qu'elle ne pourrait vraiment remplacer l'ancien système." - Peter Sloterdijk
La phase nihiliste que nos traversons est celle de l'inhumanité (dont les tenants furent Céline, Foucault, Badiou, Caron en ce qu'il exècre l'humanité). Cet extrait symptomatique de Sloterdijk produit la même erreur que Castoriadis et se suivants, on se crispe sur l'humanité au lieu d'aller dans le sens de la Terre, à savoir - littéralement - le Surhomme.
L'une des propositions politiques qui repose en fait sur le renforcement double de ce que l'on appelait dans l'antiquité la démocratie et l'aristocratie et celle du tirage au sort. il y a deux attitudes vis-à-vis de l'admission au sein de la politique du tirage au sort :
- Celle de Castoriadis (qui relève selon moi du faux dilemme entre politicien/philosophe et expert c'est-à-dire entre généraliste et spécialiste). Castoriadis défend ainsi le tirage au sort de gouvernant et l'élection des experts
- Celle de Rancière qui parce il refuse une spécificité des experts et souhaite imposer le tirage au sort partout est une léoge de l'incompétence. Plus exactement, Rancière rejette toute forme de légitimité (hors un expert est avant celui qui connaît les règles d'une discipline pour y être confronté dans la pratique). Cette éloge de l'incompétence est une attaque à laquelle sont habitués les ranciéristes (par exemple ici).
Il me faudrait développer sur Rancière mais vous aurez quelques élément ici (notamment la vaine contre-argumentation à le critique pour incompétence) ou en cherchant "tirage au sort Rancière".
"Ce dilemme est posé depuis Platon. Platon disait que les philosophes doivent régner, eux qui sont au-dessus des spécialistes. Dans la théorie de Platon, ils ont une vue du tout. L'autre terme de l'alternative c'était la démocratie athénienne. Qu'est-ce qu'ils faisaient, les Athéniens ? Voilà quelque cse de très intéressant. Ce sont les Grecs qui ont inventé les élections. Ca c'est un fait historiquement attesté. Ils ont peut-être eu tort, mais ils ont inventé les élections ! Qui est-ce qu'on élisait à Athènes ? On n'élisait pas les magistrats. Les magistrats étaient désignés par tirage au sort ou par rotation. Pour Aristote, souvenez-vous, un citoyen c'est celui qui est capable de gouverner et d'être gouverné. Tout le monde est capable de gouverner donc on tire au sort. Pourquoi ? Parce que la politique n'est pas une affaire de spécialiste. Il n'y a pas de science de la politique. Il y a une opinion, la doxa (1) des Grecs, il n'y a pas d'épistémè
Je vous fais remarquer d'ailleurs que l'idée qu'il n'y a pas de spécialiste de la politique et que les opinions se valent c'est la seule justification raisonnable du principe majoritaire. Donc chez les Grecs le peuple décide et les magistrats sont tirés au sort ou désignés par rotation. Il y a des activités spécialisées parce que les athéniens n'étaient pas fous, ils ont quand même fait des choses assez considérables, ils ont fait le Parthénon, etc... Pour ces activités spécialisées, la construction des chantiers navals, la construction des temples, la conduite de la guerre, il faut des spécialistes. Donc, ceux-là, on les élit. C'est ça, l'élection. Parce que l'élection, ça veut dire l'élection des meilleurs. Et sur quoi on se base pour élire les meilleurs ? Eh bien là, intervient l'éducation du peuple car il est amené à choisir. On fait une première élection, on se trompe, on constate que par exemple Périclès est un déplorable stratège, eh bien on ne le réélit pas, ou même on le révoque. Mais cette doxa, cette opinion dont on peut postuler qu'elle est également partagée, c'est bien sûr un postulat tout à fait théorique. Pour qu'il ait un peu de chair il faut que cette doxa soit cultivée. Et comment peut être cultivée une doxa concernant le gouvernement ? Eh bien en gouvernant. Donc la démocratie -c'est ça l'important- est une affaire éducationnelle des citoyens, ce qui n'existe pas du tout aujourd'hui.
Récemment, un magazine a publié une statistique indiquant que 60% des députés avouent qu'ils ne comprennent rien à l'économie. Des députés en France qui vont décider, qui décident tout le temps ! Ils votent, ils augmentent les impôts, ils les diminuent, etc.. En vérité, ces députés, tout comme les ministres, sont asservis à leurs techniciens. Ils ont leurs experts mais ils ont aussi des préjugés ou des préférences. Et si vous suivez de près le fonctionnement d'un gouvernement, d'une grande bureaucratie -moi je l'ai suivi dans d'autres circonstances- vous voyez que ceux qui dirigent se fient aux experts, mais ils choisissent les experts qui partagent leurs opinions. Vous trouverez toujours un économiste pour vous dire : "Oui, oui, il faut faire ça". Ou un expert militaire qui vous dira : "Oui, il faut l'armement nucléaire" ou "il ne faut pas d'armement nucléaire". N'importe quoi. C'est un jeu complètement stupide et c'est ainsi que nous sommes gouvernés actuellement. Donc dilemme de Morin et de Platon, spécialiste ou généraliste. Les spécialistes au service des gens, c'est ça la question. Pas au service de quelques politiciens. Et les gens apprenant à gouverner en gouvernant."
Castoriadis ajoute un élément important et qui est peut-être marqué par la phase que nous traversons actuellement et que reflète l'entretien de castoriadis : le passage du paradigme homme au paradigme Terre avec cette spécificité que contrairement à l'homme, il n'y a pas de sous-terre ou de Surterre. "Mais l'homme est un animal religieux. C'est pas un compliment mais... - Pas du tout un compliment. Aristote que je n'arrête pas de citer et que je vénère énormément a dit une seule fois une chose qui est vraiment une grosse... bon on ne peut pas dire bourde quand il s'agit d'Aristote, mais tout de même. Quand il dit: L'homme est un animal qui désire le savoir , c'est faux. L'homme n'est pas un animal qui désire le savoir. L'homme est un animal qui désire la croyance, qui désire la certitude d'une croyance, d'où l'emprise des religions, d'où l'emprise des idéologies politiques. Dans le mouvement ouvrier au départ, il y avait une attitude très critique. Quand vous prenez les deux premiers vers de l'internationale qui est quand même le chant de la Commune, prenez le deuxième couplet : "Il n'est pas de Sauveur suprême ni Dieu -exit la religion- ni César ni tribun" -exit Lénine !- Mais il y a ce besoin de croyance. Aujourd'hui, en quoi sommes-nous plus sages qu'en Mai 1968 ? Je crois que peut-être le résultat, à la fois des suites de Mai et de l'évolution dans les pays de l'Est et de l'évolution en général de la société font que les gens sont devenus, je pense, beaucoup plus critiques. Ca, c'est très important. Bien sûr il y a une frange qui cherche toujours la foi. La scientologie, les sectes, ou le fondamentalisme, ça c'est dans d'autres pays, pas chez nous, pas tellement. Mais les gens sont devenus beaucoup plus critiques, beaucoup plus sceptiques. Ce qui les inhibe aussi pour agir. Périclès dans le discours aux Athéniens dit : Nous sommes les seuls chez qui la réflexion n'inhibe pas l'action. C'est admirable ! Il ajoute : Les autres, ou bien ils ne réfléchissent pas et ils sont téméraires, ils commettent des absurdités ou bien, en réfléchissant, ils arrivent à ne rien faire parce qu'ils se disent : il y a le discours et il y a le discours contraire . Or actuellement on traverse aussi une phase d'inhibition, c'est sûr. Mais il faut comprendre, chat échaudé craint l'eau froide. Ils ont goûté tout ça, ils se disent : les grands discours et tout le reste, bof !. Effectivement, il ne faut pas de grands discours, mais il faut des discours vrais."
Il n'y a pas besoin de véridiction mais de délibération (ce qui n'est pas la même chose que le débat pseudo-démocratique car même l'oligarchie à travers ses intellectuels réactionnaires est capable de débattre). La vérité n'est ni l'intérêt ni l'importance. La vérité n'est pas porteuse de sens mais au contraire une capture par chute et effondrement dans une sous-détermination et le forçage à terme par le biais de prescriptions (qui sont l'affaire de spécialistes - médecins, architectes, etc...) et de mots d'ordre. Une manière en retour de se venger sur le "réel", de produire des déterminations sous couvert de vérité. Mais il y a là un nihilisme décadent, une vanité quant à la vie qui a du mal à cacher ses atours et ses travers. Toutes les "subjectivités" qui disent dire le vrai (en se reposant sur l'argument d'autorité Platon ou Aristote - cf. Rancière, Badiou, Castoriadis) sont dans la capture imaginaire du symbolique et produisent tôt ou tard du réactif plutôt que d'indiquer ce qui a d'importance. Comme le fait de stimuler les aristocrates que sont les gens de métier, en iposant la nébuleuses des désirs farfelus par le tirage au sort, car forcément celui-ci aura ses travers mais il seront moindre pour la Terre que les travers du Gaullo-Communsime qui a conduit et qi s'est surtout reposé sur la Françafrique.