CONJECTURES / Les 3 grandes distinctions philosophiques
8 Novembre 2004
J’espère parvenir à exprimer quelque chose de capital qui touche aux 3 distinctions majeures de la philo
:
- la fêlure ou schize entre le dedans et le dehors, distinction réelle de l’intuition que vous avez nommée horizon
- la coupure entre intérieur et extérieur (le Moi et le Monde) distinction abstraite de la « bêtise » que vous avez nommée frontière ou limite suivant comment on l’envisage (NB : j’emploie « bêtise » pour la « finitude humaine »)
- la distinction nominale entre les mots et les choses, le visibles et l’invisible qui est distinction de l’entendement sur les deux « substances qualiifées ») et de laquelle vous êtes parti pour votre exposition en début d’année.
Hier en mettant en place (à la séance 10) vos trois mouvements ou destins vous m’avez permis de me
raccrocher à vote pensée en cour d’exposition car jusque-là je restais sur ma fin. Je ne partais pas de la même distinction que vous. En effet je me suis rendu compte qu’une philosophie de
l’Ouvert (ou du visible chez Merleau-Ponty) n’était pas une pensée du Dehors (Dz, Fouc, Sz, Nz). Je m’explique cela touche à l’interaction très forte qui existe entre les notes du Visible et de
l’Invisible (MpVI), les Mots et les Choses (FcMC) et le Foucault de Deleuze (DzF). Hier donc vous avez touché au "point de retournement" ou "lieu du « négatif »" pour Merleau-Ponty en distinguant
un Dedans de la philo et un Dehors de la philo. Jusque là vous superposiez intérieur et extérieur, Dedans et Dehors par commodité d’exposition : ce qui me laissait sur ma fin. Sur cette
différence se situe la "nouvelle philosophie" ou pensée du Dehors tant cherchée par Merleau-Ponty (cf. chiasme), ébauchée par Foucault et réellement amenée par Deleuze. Je prend un exemple avec
Bergson : si Bergson s’attache tant à l’action dans sa philosophie c’est que l’action seule peut résorber la distinction entre le Moi et le Monde, la distinction abstraite entre Sujet et Objet
posée par Descartes et qui selon Foucault pose aussi la finitude de l’homme (cf. le passage essentiel du Cogito et de l’Impensé in FcMC_333+). Résorbant cette première distinction, une seconde
émerge entre le virtuel et l’actuel. Ceci nous fait arriver au schéma suivant en modifiant (étirant) le vôtre :
Je fais le schéma faute de temps pour développer. Il n’y a plus de césure radicale entre lem onde de la vie et la pensée (de la vie). La pensée comme le dit Deleuze vient du Dehors, se tient au
Dehors et s’adresse au Dehors. Les Idées sont au Dedans et s’actualisent dans la pensée au Dehors. Pour reprendre 2 des 3 distinctions du début on a le dispositif suivant :
Je sais que ce ne sont que des schémas qui ne font pas comprendre que la pensée de l’homme ou de l’Ouvert ne rend pas compte des deux infinis que sont le Dedans et le Dehors. La conscience se
comprend comme illusion comme forme de bêtise car elle coupe la pensée (du Dehors) de la vie (ou force du Dehors). J’en arrive à une citation de Deleuze capitale sur le sujet : (DzID_128 sur
Foucault) « … l’analytique de la finitude nous convie … à dresser une nouvelle image de la pensée qui ne s’oppose plus du Dehors à l’impensable ou au non-pensé, ais qui se logerait en elle, qui
serait dans un rapport essentiel avec lui (le désir est « ce qui demeure toujours impensé au cœur de la pensée ») ; une pensée qui serait par elle-même en rapport avec de l’obscur, une pensée qui
serait en droit traversée d’une FÊLURE [cf. la schize] sans laquelle elle ne pourrait s’exercer. La fêlure ne pet être comblée, parce qu’elle est l’objet le plus haut de la pensée … ».
Ceci ne dit pas autre chose que les Idées se logent au Dedans et s’expriment par concepts au Dehors, c’est le même enchaînement (Sz) qui se produit pour les choses quand l’élan vital devient
processus de différenciation/actualisation.
Plutôt que de dire avec l’Ethique tout est au Dedans, on comprend que le Dedans se loge « au dedans » du Dehors et non extérieurement à lui. Ceci est capital car il permet de comprendre qu’en
dissolvant l’homme (plus qu’en ouvrant la conscience) ou enlève tout privilège d’accompagnement à la philosophie car elle devient elle-même processus : pensée qui actualise les Idées en concepts.
C’est ainsi que l’on touche une naïveté éthique que Deleuze appelle dépersonnalisation à mille lieues de toute dignité humaine. Il n’y a plus que du système ou de la pensée enchaînée qui
actualise des intuitions (Idées) ; la mondanéité apparaissant déjà dans la doctrine (dehors de la philo) et la question étant à l’origine d’angoisse métaphysiques propre à la finitude de l’homme.
Mais ceci, on ne peut en rendre compte par schéma car il s’agit de la coexistence en toute chose du Virtuel et de l’Actuel. Je l’évoquerai ainsi :
Les forces ou puissances du Dehors sont la pensée, le travail et la vie. Ces sollicitations cristallisent « à proximité » du dedans sous trois formes visibles : discours (Cogito justement),
production pour le travail et organisation de la vie. Foucault les nomment dispositifs ou agencement concrets !; C’est en ce sens que Foucault a eu tant d’importance pour Deleuze car évitant
toute philosophie de l’Ouvert il lui a permis de distribuer une pensée du Dehors.
Cette distinction entre pensée de l’Ouvert et pensée du Dehors, je vais maintenant la développer. Il existe deux formes de doute (ou de commencement philosophique) : un doute qui porte sur le
monde (ou solipsisme) et un doute qui porte sur la pensée dialectique (ou scepticisme). Ce sont les thématiques de l’étonnement (Platon) et du choc (DzDR). Cette distinction n’est pas sans la
moindre importance puisque la première forme de doute induit une introspection suivie d’une questionnement sur l’ouverture de la conscience et l’accessibilitè au monde alors que la deuxième forme
de doute qui porte en réalité sur le discours philosophique pousse à l’immersion dans la réalité (du Dehors et de ses forces). Ce doute comme critique porte sur l’adéquation de la pensée avec la
réalité. Ceci a pour conséquence de conduire vers deux types de philosophies. : une philosophie de l’Ouvert et une pensée du Dehors car dès lors on peut comprendre que l’ouverture au monde n’est
pas l’immersion au Dehors. En somme l’Ouvert (le Visible) n’est pas le Dehors (la Puissance). Expliquons-nous. Chez Merleau-Ponty comme chez Bergson, la philosophie prend appui sur la perception
pour réduire la fracture entre pensée et sentiment, pour résorber la coupure entre le Moi et le Monde. Mais en pensant le moi (la durée) comme instance identitaire une illusion demeure qui
maintiendra toujours cette fracture fermeture. Alors la réalité se trouve en deça pourrait-on dire : « dans » la schize du Dedans et du Dehors qui les fait coexister.