Le plus gros site de philosophie de France ! ex-Paris8philo. ABONNEZ-VOUS ! 4040 Articles, 1523 abonnés

La Garenne de philosophie

PHILOSOPHIE / L’expérience du dehors

L’expérience du dehors

La percée vers le langage d’où le sujet est exclu, la mise au jour d’un incompatibilité peut-être sans recours entre l’apparition du langage en son être et la conscience de soi en son identité, c’est aujourd’hui une expérience qui s’annonce en bien des points bien différents de la culture : dans le seul geste d’écrire comme dans les tentatives pour formaliser le langage, dans l’étude des mythes et dans la psychanalyse, dans la recherche aussi de ce Logos qui forme comme le lieu de naissance de toute la raison occidentale. Voilà que nous nous trouvons devant une béance qui longtemps nous est demeurée invisible : l’être du langage n’apparaît pour lui-même que dans la disparition du sujet. Comment avoir accès à cet étrange rapport ? peut-être par une forme de pensée dont la culture occidentale a esquissé dans ses marges la possibilité encore incertaine. Cette pensée qui se tient hors de toute subjectivité pour en faire surgir comme de l’extérieur les limites, en énoncer la fin, en faire scintiller la dispersion et n’en recueillir que l’invincible absence, et qui en même temps se tient au seuil de toute positivité, non pas tant pour en saisir le fondement ou la justification, mais pour retrouver l’espace où elle se déploie, le vide qui lui sert de lieu, la distance dans laquelle elle se constitue et où s’esquivent dès qu’on y porte le regard ses certitudes immédiates, cette pensée, par rapport à l’intériorité de notre réflexion philosophique et par rapport à la positivité de notre savoir, constitue ce qu’on pourrait appeler d’un mot « la pensée du dehors ».

Il faudra bien un jour essayer de définir les formes et les catégories fondamentale de cette « pensée du dehors ». Il faudra aussi s’efforcer de retrouver son cheminement, chercher d’où elle nouaient et dans quelle direction elle va. On peut bien supposer qu’elle est née de cette pensée mystique qui, depuis les textes du Pseudo-Denys, a rôdé aux confins du christianisme ; peut-être s’est-elle maintenue, pendant un millénaire ou presque, sous les formes d’une théologie négative. Encore n’y a-t-il rien de moins sûr : car, si dans une telle expérience il s’agit bien de passer « hors de soi », c’est pour se retrouver finalement, s’envelopper et se recueillir dans l’intériorité éblouissante d’une pensée qui est de plein droit Etre et Parole. Discours donc, même si elle est, au-delà de tout langage, silence, au-delà de tout être, néant.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article