PHILO / Badiou-Deleuze Point de conciliation
Il s'agit par ce texte en partant des notions d'idéalité et de substance de mettre en évidence un point de conciliation entre Deleuze et Badiou et d'expliquer ainsi leur amitié conflictuelle, leur concurrence parallèle. Paris8philo
La philosophie avant tout est prise dans le langage, la consistance discursive BdOT_51 et ne peut donc échapper à certains travers, contre lesquels elle doit lutter ou se placer en rupture. Simplement nous partirons du problème de l’idéalité et énoncerons qu’il existe peut-être deux manières de l’envisager : l’idée comme existence et l’idée comme indication. Nous ne reprendrons pas ici l’article de Veronique Bergen, qui pose les glissements et les surinvestissements nés de malentendus proprement langagiers entre Badiou et Deleuze, (Pensée et Être chez Deleuze et Badiou in Alain Badiou – Penser le multiple, voir aussi l’article de Juliette Simon qui lui succède).
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Partons maintenant de la question de la substance et de son idéalité pour trouver un point de conciliation entre Deleuze et Badiou. Chez Badiou OT_96 comme chez Deleuze DzPS, DzDR les idées sont déjà là. Mais avec la nuance que pour Deleuze l’Idée est déjà là dans le signe mais que les signes ne sont pas déjà là. L'un des philosophes qui a le plus modifié l'usage qu'on peut faire du terme de substance il y a Spinoza. Mais il va falloir être dans la nuance pour bien saisir qu'en réalité il n’y a pas de Substance. la substance est mais n’existe. Pour bien comprendre, elle est un recours conceptuel dans la démonstration more geometrico dont use Spinoza, mais il n'y a de substance qui existe dans notre monde. Spinoza le dit bien : « j’appelle substance… », il ne dit pas comme le ferait un Platonicien il y a Substance ou la substance existe. Sans développer sur la distinction entre définition réelle et nominale, on coprend que le « j'appelle substance » tient plus de l'usage d'un terme nécessaire à une démonstration que de la défintion d'une existence. Notons au passage que ce n'est pas un hasard pour un platonicien comme Alain Badiou s'il est saisit de stupeur à la lecture des premières définitions de l'Ethique de Spinoza. puisqu'il prend la substance comme une idéalité non comme un recours conceptuel, une indication pour la suite. Il ne peut lire dont sa critique du système de Spinoza commme système clos.
Derrière cela on retrouve le problème de l'idéalité c'est-à-dire les idées sont-elles des existences ou de simples indications. Ceci n'est pas anodin et a desconséquence sur la manière de faire de la philo et donc d'appréhender le monde. Ce débat se retrouvait déjà entre Platonicen et Aristotélicen. Nous n'allons pas le reconduire ici, mais il y a une manière d'activer la pensée l'une qui consistera à fonctionner par crise, ou par point, (faire le point en se demandant si c'est bein la bonne direction que je prends) la seconde empruntant des lignes, se laissant davantage attirée par un dehors de la pensée. On retrouve là bien entendu l'antinomie Badiou-Deleuze mais qu'il ne faut pas calquer sur celle entre Platon et Aristote. On risquerait alors de manquer ce qui est l'un des devenirs majeurs de la philosophie et donc de la pensée. Il s'agit précisément de ne pas se demander si l'on suit la bonne direction mais de se fier à ses affects, aux intensités ressenties, ce que précisément Badiou met de côté dans son geste platonicien de rupture avec les opinions afin de désocialiser la pensée. Avancer par décision ou par intuition dans la nuance. Entre les deux il y a tout champ philosophique que l'on nomme interprétation. mais qui se retrouve dans ces deux citations : "cette guerre dans la pensée qui fut celle du siècle, mais qui aussi bien opposait déjà Platon à Aristote : la guerre des formalisations contre l’interprétation" (Badiou, Le siècle, p.231). "quand on invoque une transcendance on arrête le mouvement pour introduire un interprétation au lieu d'expérimenter" (Deleuze, Pourparlers, p.200). On retouve là trois genres formalisation expréimentation et interprétation qui sert de tampon entre le deux. Deleuze et Badiou ont toujours placé leur autre (le philos rival) dans l'interprétation. Pourtant on peut dire que l'un et l'autre sont orientés de part et d'autre d'une ligne de crête qui marque le Dedans et le Dehors de la philosophie, comme deux versants complémentaires.
Idéalité, Transcendance et Immanence sont les trois domaines dans lesquels se placent respectivement les actes de formaliser, interpréter et expérimenter (l'Idéalité revient à poser absoluité des vérités éternelles). Badiou les prend en compte comme provenant de ce que la pensée possède différents régimes : l’orientation générique, l’orientation transcendante et l’orientation constructiviste BdOT_52. Ces orientations ne sont pas exactement les protocoles discursifs : descriptif, axiomatique ou prescritpif. Ces paragraphes ont pour but de bien montrer qu'il existe au moins trois styles de philosophie contrairement à ce que pense Badiou ou même Deleuze, une philosophie fonctionnant par hypothèses (axiomes puis prescriptions depuis Platon), une philosophie fonctionnant par principe et définition (philosohie descriptive depuis Aristote) et une philosophie fonctionnant par des usages temporaires des expérimentations issue du logos endiatitos stoïcien, de la langage intime que l'on a en chacun de nous opposé au discours qui nous travaille du dehors, qui nous est imposé de manière dissuassive. Nous avons mis de côté les différentes critiques amorcées par Descartes, Kant, Marx qui font la distinction entre science et pseudo-science, mais ceci montre bien qu'avec la constitution de nouvelles subjectivités collectives, comme le firent les grecs dans leur milieu philosophique on peut inventer de nouvelles manières d'appréhender le "monde" donc de solutionner les problèmes (nouvelles rationalités).
Pour approfondir cela, Bergson dans un texte de 1915 estimait que toute philosophie moderne était issue de Descartes, du rationnalisme des exactitudes et des idées « claires et distnctes ». Mais à côté ou plutôt au-dessous de la tendance rationaliste, recouvert, et souvent dissimulé par elle, il y a un autre courant qui traverse la philosophie moderne. C’est celui qu’on pourrait appeler sentimental, à condition de prendre le mot « sentiment » dans l’acception que lui donnait le XVIIe siècle, et d’y comprendre toute connaissance immédiate et intuitive. Or ce second courant dérive, comme le premier, d’un philosophe français : Pascal. Ainsi Descartes et Pascal sont les grands représentants des deux formes ou méthodes de pensée entre lesquelles se partage l’esprit moderne. Dans l’actualité philsophique qui est la notre ces courants se retrouvent chez Alain Badiou et Patrice Loraux. Voilà sans doute les deux polarités irréductibles de la scène parisienne. Badiou reprend la filiation cartésienne mais en écartant l’intuitionimse pascalien ou les affects spinozistes qui y conduisent. Il fonctionne par abstraction, c’est-à-dire coupure-interprétation. L’abstraction est un mixte de genres ou de contradictions dont on ne retient qu’une contradiction majeure, dans le cas de Badiou c’est le Même qui prévaut en tant qu’il particpe de l’être. Mais puisqu’il faut tenir compte du primat de la contradiction sur l’identité, on à l’envers, la logique de l’apparaître qui n’est pas l’apparition du non-être mais de l’Autre BdLM_117/132. Cependant rappelons bien que cette combinaison [de deux concepts ou genres contradictoires] ne pourra présenter ni une diversité de degrés ni une variété de formes : elle est ou elle n’est pas BgPM_198. Ce qui fait une abstraction c’est de ne comporter ni degrés ni nuances. C’est par ignorance d’un impensé comme le virtuel, par éludation du sensible qu’on pose la contradiction, à la négation élargie qu’est l’envers BdLM_117+. Voilà ce qu’on peut dire en termes techniques, pour reprendre les concepts dialectiques.
Pensons à présent à cette interpellation que fait Platon : nous nous rendons malheureux parce que nous ne savons pas ce qui a de l’importance, de ne reconnaître ce qui est porteur de positivité et demandons-nous si ce n’est pas là que se joue une nuance qui laisse la voie ouverte à de grandes choses. Juste pour reprendre Deleuze : la notion d’importance est mille fois plus déterminante que la notion de vérité DzP_177. L’importance, l’intérêt, la pertinence ne se subsituent pas à la vérité mais la relativise. Quand Deleuze dit qu’elles mesurent la vérité de ce que je dis, il leur attribue un début et une fin et leur enlève donc leur caractère d’absolu (sans commencement ni fin). Ce qui était catégorie fondatrice devient notion parmi d’autres. Même la mathématique et ses opinions droites chez Platon n’y échappent pas : La mathématique est sans doute plus importante pour l’édification du système de Leibniz qu’elle ne l’est au bout du compte, pour l’ontologie aporétique de Platon OT_112. Pourtant l’absoluité des vérités comme leur propriété intrinsèque demeure nécessaire dans la pensée de Badiou. Le réel de Badiou est abstrait du réel, abstraction et ce qui est virtuel ne peut être réel Cf BdOT_70. Le réel de Deleuze englobe de l’intelligible et du sensible puisque la compréhension se fait tout aussi bien par concepts et que par affects et que ces deux compréhensions sont nécessaires à la pensée qu’il envisage. On pourra alors dénoncer un relativisme chez Deleuze, simplement parce que l’on ne tient pas compte de la positivité plus imperceptible qu’il prend en compte. Elle n’est pas de l’ordre d’un infini actuel mathématique mais d’un peuple et d’une langue à venir, elle est de l’ordre d’une création, bref de la pensée comme création. Il y a toujours chez Badiou une bonne volonté à saisir l’intelligible et à penser le vrai. Pour lui il est important de faire le point, de se demander si l’on s’oriente dans la bonne direction. Pour cela il s’appuie sur un axiome du choix qui conduit toujours au même : le même dans la contradiction est assimmilé au Bien. A présupposer en nous cette bonne volonté de penser, à vouloir que la philosophie naisse d’un étonnement et non d’un choc ou d’une rencontre violente, la philosophie produit des abstraites, qui ne compromettent personne et ne bouleversent pas. Chez Badiou OT_96 comme chez Deleuze DzPS, DzDR les idées sont déjà là. Mais avec nuance il faut comprendre que pour Deleuze l’Idée est déjà là dans le signe mais que les signes ne sont pas déjà là, point qu’il partage avec Foucault et Merleau-Ponty et qui porte toute une nouvelle théorie des signes. Pour Badiou il n’y a pas de signes OT_70 et il faut s’abstraire d’une théorie des signes comme celle de Nietzsche C_77 n. 6 et pour Deleuze il y a l’idée d’un saut… dans un nouveau savoir, dans un nouveau domaine de signes DzPS_111.
Pensons à présent à cette interpellation que fait Platon : nous nous rendons malheureux parce que nous ne savons pas ce qui a de l’importance, de ne reconnaître ce qui est porteur de positivité et demandons-nous si ce n’est pas là que se joue une nuance qui laisse la voie ouverte à de grandes choses. Juste pour reprendre Deleuze : la notion d’importance est mille fois plus déterminante que la notion de vérité DzP_177. L’importance, l’intérêt, la pertinence ne se subsituent pas à la vérité mais la relativise. Quand Deleuze dit qu’elles mesurent la vérité de ce que je dis, il leur attribue un début et une fin et leur enlève donc leur caractère d’absolu (sans commencement ni fin). Ce qui était catégorie fondatrice devient notion parmi d’autres. Même la mathématique et ses opinions droites chez Platon n’y échappent pas : La mathématique est sans doute plus importante pour l’édification du système de Leibniz qu’elle ne l’est au bout du compte, pour l’ontologie aporétique de Platon OT_112. Pourtant l’absoluité des vérités comme leur propriété intrinsèque demeure nécessaire dans la pensée de Badiou. Le réel de Badiou est abstrait du réel, abstraction et ce qui est virtuel ne peut être réel Cf BdOT_70. Le réel de Deleuze englobe de l’intelligible et du sensible puisque la compréhension se fait tout aussi bien par concepts et que par affects et que ces deux compréhensions sont nécessaires à la pensée qu’il envisage. On pourra alors dénoncer un relativisme chez Deleuze, simplement parce que l’on ne tient pas compte de la positivité plus imperceptible qu’il prend en compte. Elle n’est pas de l’ordre d’un infini actuel mathématique mais d’un peuple et d’une langue à venir, elle est de l’ordre d’une création, bref de la pensée comme création. Il y a toujours chez Badiou une bonne volonté à saisir l’intelligible et à penser le vrai. Pour lui il est important de faire le point, de se demander si l’on s’oriente dans la bonne direction. Pour cela il s’appuie sur un axiome du choix qui conduit toujours au même : le même dans la contradiction est assimmilé au Bien. A présupposer en nous cette bonne volonté de penser, à vouloir que la philosophie naisse d’un étonnement et non d’un choc ou d’une rencontre violente, la philosophie produit des idées abstraites, qui ne compromettent personne et ne bouleversent pas.
Chez Badiou OT_96 comme chez Deleuze DzPS, DzDR les idées sont déjà là. Mais avec nuance il faut comprendre que pour Deleuze l’Idée est déjà là dans le signe mais que les signes ne sont pas déjà là, point qu’il partage avec Foucault et Merleau-Ponty et qui porte toute une nouvelle théorie des signes. Pour Badiou il n’y a pas de signes OT_70 et il faut s’abstraire d’une théorie des signes comme celle de Nietzsche C_77 n. 6 et pour Deleuze il y a l’idée d’un saut… dans un nouveau savoir, dans un nouveau domaine de signes DzPS_111. La philosophie n’est ni une quête de la Vérité ni une quête du sens, elle n’a de tâche que de dégager ce qui dans la vie a de l’importance et à indiquer de ce qui est fécond, à recueillir et affirmer au-dessus du tulmute et du brouhaha la positivité d’une époque. En vérité, il n’y a pas de Vérité présente ni de sens caché qui nous destine mais je laisse en parallèle le fait que l’on puisse s’appuyer soit sur des intensité soit sur des vérités pour dégager l’important et la positivité d’une époque. Nous nous rendons malheureux à ne savoir ce qui a de l’importance, de ne pouvoir vivre pour une idée plutôt qu’être pour la mort.