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La Philosophie à Paris

PHILOSOPHE / Judith Butler

PHILOSOPHE / Judith Butler

Judith Butler
(née en 1956)

Judith Butler est une philosophe américaine, figure majeure des études de genre et de la théorie queer. Judith Butler est née le 24 février 1956 à Cleveland, dans l’Ohio (États-Unis), dans une famille juive pratiquante et d’origine hongroise et russe. Cette identité juive, marquée par l’exil, la mémoire de la Shoah et la tradition diasporique, influencera profondément sa pensée, notamment dans son rapport à l’éthique, à l’Autre, et à la question de la vulnérabilité. Son orientation sexuelle, ainsi que sa position critique vis-à-vis de l’ordre moral et religieux, l’amènent à fréquenter des milieux militants et à développer une réflexion sur les normes sociales, le genre et l’identité.

Très tôt, Butler manifeste une intelligence vive et une grande précocité intellectuelle. Iel s’intéresse à la philosophie dès l’adolescence et commence à étudier les textes de Platon, Spinoza, Hegel et Kant. Iel poursuit ses études à Yale, où iel obtient son doctorat de philosophie en 1984. Son travail de thèse porte sur Hegel et la notion de désir, et la manière dont le sujet se constitue dans des relations de reconnaissance. Cette première période de son œuvre est donc traversée par la pensée allemande, notamment Hegel, Nietzsche, Freud et Adorno — mais aussi par la philosophie continentale française, avec Foucault, Derrida et Lacan comme influences majeures.

Judith Butler accède à une reconnaissance internationale avec la publication de Gender Trouble (Trouble dans le genre) en 1990, ouvrage devenu canonique dans les études de genre. Iel y propose une critique radicale de la naturalisation du genre et du sexe, affirmant que le genre n’est pas une essence ou une donnée biologique, mais une performance : il est produit, reproduit et stabilisé à travers des actes répétés, des discours, des normes sociales. Butler y sape la distinction traditionnelle entre sexe (biologique) et genre (social), en montrant que le sexe lui-même est déjà un effet discursif — un construit culturel produit par des dispositifs itératifs de pouvoir. Cette position déstabilise aussi bien le féminisme essentialiste que les approches médicales du genre, en mettant l’accent sur la plasticité de nos identités. Son influence s’accroît avec des ouvrages comme Bodies That Matter (1993), The Psychic Life of Power (1997), ou Undoing Gender (2004), où Iel approfondit ses analyses sur la norme, l’exclusion, le corps et la résistance. Iel élargit également sa réflexion vers la politique et l’éthique, en s’inspirant de Foucault, Levinas ou Arendt. Sa pensée prend alors une tournure éthique et post-humaniste, s’intéressant à la précarité, à la vulnérabilité, et à la reconnaissance des vies marginalisées.

Judith Butler n’est pas seulement une philosophe universitaire, mais aussi une intellectuelle publique engagée. Iel milite activement pour les droits LGBTQ+, pour la reconnaissance des minorités, pour la justice sociale, et contre toutes les formes d’oppression (racisme, sexisme, colonialisme, homonationalisme). Iel s’est aussi positionnée de manière critique à l’égard des politiques israéliennes vis-à-vis des Palestiniens, ce qui lui a valu des controverses au sein de la communauté juive américaine. Pour Butler, l’éthique de la responsabilité (inspirée de Levinas) impose de reconnaître la vulnérabilité de toutes les vies, indépendamment de leur identité nationale ou religieuse. En réponse aux événements du 11 septembre 2001 et à la guerre contre le terrorisme, Iel publie Precarious Life (2004), où Iel questionne la manière dont certaines vies sont rendues invisibles, non pleurées, ni reconnues comme humaines. Ce thème reviendra dans Frames of War (2009) et Notes Toward a Performative Theory of Assembly (2015), où iel développe une théorie politique de l’assemblée : la manière dont les corps, en occupant l’espace public, peuvent revendiquer une reconnaissance politique.

Si Judith Butler a enseigné dans plusieurs universités prestigieuses comme l’Université de Californie à Berkeley en tant que professeure de rhétorique et de littérature comparée, Iel a aussi été invitée dans de nombreuses institutions internationales. Sa popularité a même inspiré un fanzine intellectuel, Judy! Sa pensée a eu un impact profond dans différents domaines, non seulement en philosophie politique, mais iel est aussi à l'origine des études de genre. A trravers la théorie queer, iel a marqué une rupture dans les manières de penser le corps, le langage, le pouvoir et la résistance qui en découle. Sa capacité à articuler des enjeux philosophiques complexes avec des luttes concrètes lui vaut une reconnaissance au-delà des cercles académiques.

Elle recommande l'usage du pronom iel à son égard, ce que nous avons fait dans le présent article.

Apports de Judith Butler

🔹Le genre performatif est l’idée centrale de Trouble dans le genre (1990). Le genre (masculin, féminin, etc.) n’est pas une essence naturelle, mais une construction sociale répétée, sans cesse réitérée, socialement reconduite. En plus de critiquer la naturalisation du genre, Judith Butler y associe la performativité comme acte explicatif qui marque cette répétition, cette redondance du genre. Le genre se constitue à travers des actes, des gestes, des normes, qui donnent l’illusion d’un “noyau” identitaire stable. L'idée forte est qu'on devient homme ou femme en répétant les codes de genre, mais ces codes peuvent être perturbés, déplacés, détournés. Butler s’inspire de Foucault, de Lacan et du performatif d’Austin. Il y a performativité  du discours: dire “je suis une femme”, c’est en réalité se conformer à un discours normatif et cette performativité est un processus répétitif et contraignant, mais pas exclusivmeent fermé : il y a de la place pour le trouble, la subversion, la parodie, par exemple, le mouvement drag. Iel fait plus largement une critique de l’hétéronormativité, dénonçant l’obligation de l’hétérosexualité comme système culturel normatif.

🔹L’assujettissement au pouvoir (Subjection) dans The Psychic Life of Power (1997). Ce concept creuse les effets psychiques du pouvoir. Le pouvoir nous forme comme sujets : il nous contraint, mais il nous constitue aussi. C'est parce qu'on désire la reconnaissance qu'on est assujetti à des normes en retour. Cela fait surgir plus d'un paradoxe : la soumission est le lieu même d'où émerge la possibilité de résistance. On peut rejouer ces normes, les exposer, les fragiliser. 🔹 Judith Butler relit Michel Foucault et Louis Althusser dans leur période qui prolonge pmai 68 et leur reprend la thématique de l’interpellation, qui en est issue. L'interjection "hey toi !" nous assigne à terme à une identité qui plus est à travers un rapport de domination. C'est le problème de la reconnaissance en ville.En effet, l'interpellation est aussi le fait d'être mis en garde à vue, d'être sommé de décliner son identité.

🔹Le corps vulnérable et la précarité sont mis en avant dans Ces corps qui comptent (1993), Défaire le genre (2004), et Ce qui fait une vie (2009). Le corps est vulnérable car exposé, dépendant, blessable, c'est donc un lieu idéal d’éthique et de politique. Contre l’idée que le corps est “naturel”, iel affirme que le corps est toujours déjà marqué par des normes sociales, médicales, sexuelles, politiques. Le corps vulnérable est ce corps exposé aux autres, à la violence, au regard, au deuil. Certaines vies sont considérées comme “griefables” (dignes de deuil), d’autres pas : Butler montre ici les mécanismes d’exclusion des vies “non légitimes” (migrants, trans, racisés, etc.). Judith Butler affirme la nécessité de reconnaître l’interdépendance des corps, leur exposition, leur précarité. 🔹 La précarité et la vie vivable. Ces thèmes sont abodés dans Precarious Life (2004) et The Force of Nonviolence (2020). La précarité désigne l’état général de vulnérabilité des êtres vivants — mais cette vulnérabilité est hiérarchisée. Certaines vies sont niées, oubliées, abandonnées ou même tuées. Une vie vivable n’est pas qu’une vie en stratégie de survie face à une domination (cf. Jules Falquet, La combinatoire straight, 2025) : c’est une vie qui a droit à la reconnaissance, au soutien, à la dignité. Pour ce faire, il faut déconstruire les structures de violence systémique comme l'État, le genre, le racisme, le capitalisme et se tourner vers une politique de la non-violence active, qui assume la fragilité partagée et en fait une base éthique de la solidarité.

 

🔹La désidentification dans Ces corps qui comptent (1993) et Défaire le genre (2004). Judith Butler y explore comment les individus peuvent refuser de se reconnaître dans les catégories identitaires disponibles (homme/femme, hétéro/homo, citoyen/non-citoyen, eic. …). Iel s’inspire de Monique Wittig et Gayatri Spivak pour penser une stratégie critique : on utilise les identités sans y croire totalement, dès lors on joue avec les étiquettes sans s’y enfermer. C’est une forme de résistance de plus, puisque la désidentification ouvre la voie à des formes de subjectivité non normatives, hybrides, instables. On peut penser aux devenirs minoritaires chez Deleuze qui en sont une illustration. Contre les identités fixes (natures premières), Judith Butler propose des usages tactiques de l’identité, on peut penser aux détournements, à l'ironie, au fait de marquer un écart.

🔹Responsabilité éthique envers l’autre dans Ce qui fait une vie (2005). L’éthique butlérienne repose sur la relation, non pas sur l’individualisme, héritière de Levinas, iel développe une pensée de la responsabilité radicale envers l’Autre. Cette responsabilité précède même le choix moral, l'acte décisoire : on est toujours déjà engagé par l’autre, exposé à lui, sous son regard. Cela expose à un vulnérabilité mutuelle portée vers une éthique du soin, de la solidarité, du vivre-ensemble.

🔹L’opacité du sujet dans Ce qui fait une vie (2005). Butler insiste sur le fait que comme le montre la psychanlyse, une partie de nous échappe toujours à la conscience, et que le sujet ne se connaît jamais entièrement. Il est donc opaque à lui-même et mêem divisé, conflictuel, traversé par des forces sociales, des affects, des normes, des désirs inconscients. C’est cette opacité qui rend possible le changement. Le sujet n’est alors jamais figé.

🔹Deuil, résistance et cohabitation. Dans ses textes sur la guerre, Israël/Palestine et les minorités, Butler propose une politique du deuil. Le deuil est un lieu de résistance : reconnaître qu’on a perdu quelque chose ou quelqu'un, c’est reconnaître qu'une existence comptait. A l'inverse, en refusant de pleurer certaines vies, on entérine leur effacement. Judith Butler va plus loin et élabore une éthique du “vivre avec l’autre”, surtout quand cet autre est perçu comme menaçant ou étranger ; iel appelle à penser la cohabitation, même dans le désaccord, comme condition de la démocratie. Le vivre-ensemble devient un enjeu éthique, pas simplement une coexistence passive.

🔹Rassemblement et performativité collective dans Rassemblement - Pluralité, performativité et politique  (2015) ; le titre anglais est plus explicite : Notes Toward a Performative Theory of Assembly. Judith Butler s’intéresse à présent à l’action collective des corps dans l’espace public marquée par les manifestations, les sit-ins, les occupations. On est après Occupy Wall street. Ces rassemblements (Assembly) ne sont pas seulement symboliques : ils matérialisent une demande politique. Les corps dans l’espace expriment et manifestent, par leur seule présence, ce que les institutions refusent de voir ou d'entendre. Dès lors, L’espace public devient un lieu performatif.  Il s'y joue la contestation du pouvoir autant que la réinvention du lien social. On notera que l'anglais traduit Rassemblement par Assembly et que ce terme est issu de la Critique de la raison dialectique de Sartre - oùles 4 types possibles sont exposés - et que certains américains, dont DeLanda, traduisent Agencement par Assemblage, sachant qu'Agency est traduit par agentivité ou agence en retour.

🔹La critique comme pratique continue. Dans ses écrits plus récents, Judith insiste sur la critique comme ouverture. La critique n’est pas la négation systématique, mais une attitude éthique qui interroge ce qui semblerait aller de soi. C'est un désapprentissage des évidences que sont par exemplle genre, la nation, la norme. Cette critique se veut toujours située, incarnée, relationnelle et se nourrit du dialogue. Iel refuse le dogmatisme.

OEuvres de Judith Butler
📘 Ouvrages individuels

  • Subjects of Desire: Hegelian Reflections in Twentieth-Century France, 1987 – Le Désir sujet. Réflexions hégéliennes à travers la France du XXe siècle, PUF, 2021 ; analyse de la réception de Hegel dans la philosophie française contemporaine.​
  • Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, 1990 – Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité, La Découverte, 2005 ; ouvrage fondateur de la théorie du genre performatif.​
  • Bodies That Matter: On the Discursive Limits of "Sex", 1993 –  Ces corps qui comptent. De la matérialité et des limites discursives du "sexe", Éditions Amsterdam, 2009 ; exploration des limites discursives du sexe et de la matérialité du corps.​
  • Excitable Speech: A Politics of the Performative, 1997 – Le Pouvoir des mots. Politique du performatif, Éditions Amsterdam, 2004 ; réflexion sur le langage, la censure et le pouvoir performatif de la parole.​
  • The Psychic Life of Power: Theories in Subjection, 1997 – Vie psychique du pouvoir. L’assujettissement en théories, Éditions Léo Scheer, 2002 ; étude des mécanismes psychiques de la soumission au pouvoir.​
  • Antigone's Claim: Kinship Between Life and Death, 2000 –  Revendiquer Antigone. Parenté entre la vie et la mort, Éditions Amsterdam, 2013 ; interprétation de la figure d'Antigone à travers les prismes du genre et de la parenté.​
  • Precarious Life: The Powers of Mourning and Violence, 2004 –  Vie précaire. Les Pouvoirs du deuil et de la violence après le 11 septembre 2001, Éditions Amsterdam, 2005
  • Undoing Gender, 2004 – Défaire le genre, Éditions Amsterdam, 2006 ; recueil d'essais sur le genre, la sexualité et la reconnaissance sociale.​
  • Giving an Account of Oneself, 2005 – Ce qui fait une vie. Essai sur la violence, la guerre et le deuil, Éditions Zones / La Découverte, 2010 ; (attention, ce livre est en partie basé sur l’ouvrage original, mais les traductions ne sont pas toujours strictement littérales) ; réflexion éthique sur la responsabilité et la narration de soi.​
  • Frames of War: When Is Life Grievable ?, 2009 – Ce qui fait une vie. Essai sur la violence, la guerre et le deuil (même traduction que ci-dessus) ; Analyse des cadres normatifs qui déterminent quelles vies sont dignes de deuil.​
  • Parting Ways: Jewishness and the Critique of Zionism, 2012 – Rendre la justice. Réflexions sur la cohabitation en Palestine-Israël, Fayard, 2017 ; Examen critique du sionisme à partir d'une perspective juive diasporique.​ sur Le Monde.fr
  • Notes Toward a Performative Theory of Assembly, 2015 – Rassemblement. Pluralité, performativité et politique, Fayard, 2016 Théorisation des rassemblements publics comme formes de résistance politique.​
  • The Force of Nonviolence: An Ethico-Political Bind, 2020 – La force de la non-violence. Un lien éthico-politique, Fayard, 2021 ; Plaidoyer pour une éthique de la non-violence dans les luttes sociales.​
  • What World Is This? A Pandemic Phenomenology, 2022 – Quel monde est-ce ? Une phénoménologie de la pandémie (à ce jour, pas de traduction officielle publiée) ; Réflexion sur la pandémie de COVID-19 et ses implications philosophiques.​
  • Who's Afraid of Gender ?, 2024 – Qui a peur du genre ? (pas encore de traduction officielle connue à ce jour) ; Analyse des mouvements anti-genre et de leur impact politique mondial.​

📘 Ouvrages collectifs

  • Feminist Contentions: A Philosophical Exchange (avec Seyla Benhabib, Drucilla Cornell et Nancy Fraser), 1995 – Débats féministes : un échange philosophique (pas de traduction officielle à ce jour) ; Débat entre quatre philosophes féministes sur les enjeux du féminisme contemporain.​
  • Contingency, Hegemony, Universality: Contemporary Dialogues on the Left (avec Ernesto Laclau et Slavoj Žižek), 2000 – La contingence, l'hégémonie, l'universalité (Éditions Amsterdam, 2008) ; Dialogue sur la politique, la théorie critique et la gauche contemporaine.​
  • Who Sings the Nation-State? Language, Politics, Belonging (avec Gayatri Chakravorty Spivak), 2007 – Qui chante la nation ? (Éditions Amsterdam, 2010) ; Réflexion sur la nation, la langue et l'appartenance.​
  • Is Critique Secular? Blasphemy, Injury, and Free Speech (avec Talal Asad, Wendy Brown et Saba Mahmood), 2009 – La critique est-elle séculière ? (traductions disponibles en ligne, mais pas d’édition française commerciale standard) ; Discussion sur la laïcité, la critique et la liberté d'expression.​
  • Dispossession: The Performative in the Political (avec Athena Athanasiou), 2013 – Dépossession. La performativité au cœur du politique (Éditions Amsterdam, 2014) ; Exploration des notions de dépossession et de performativité dans le politique.​
  • Vulnerability in Resistance (avec Zeynep Gambetti et Leticia Sabsay), 2016 – La vulnérabilité dans la résistance (pas encore traduit officiellement) ; Étude des liens entre vulnérabilité et résistance dans les mouvements sociaux.​

📘 Recueils et anthologies

  • 2004 – The Judith Butler Reader (édité par Sara Salih) ; sélection d'écrits majeurs de Butler couvrant l'ensemble de sa carrière.​

📘 Articles et chapitres notables
Judith Butler a également publié de nombreux articles et chapitres influents, on peut noter :​

  • 1991 – Imitation and Gender Insubordination for Encyclopedia Britannica ; Analyse de la subversion des normes de genre à travers l'imitation.​
  • 2001 – Giving an Account of Oneself ; article précurseur de l'ouvrage du même nom, explorant la responsabilité éthique.​
  • 2010 – Bodies That Still Matter ; Réflexion sur la matérialité psistante des corps dans les discours contemporains.​

🌐 Ressources en ligne

  • Pour une bibliographie exhaustive, vous pouvez consulter la bibliographie complète de Judith Butler – UCI Libraries​ : lib.uci.edu

 

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