6 Juillet 2025
André Léo, pseudonyme de Léodile Béra (1824–1900), fut une femme de lettres, journaliste et militante politique dont l'engagement féministe se conjuga étroitement avec une critique sociale radicale. Écrivaine respectée dès les années 1850, elle utilisa son talent littéraire pour dénoncer les injustices liées au mariage, à la dépendance économique et à la hiérarchie sexuelle. Son parcours l’amena des salons républicains à la Commune de Paris, puis à l’exil en Suisse, où sa pensée s’inscrivit dans une perspective anarchiste.
Dans son roman Un mariage scandaleux (1862), André Léo s’attaque de front à l’institution du mariage et à la dépendance légale, morale et financière imposée aux femmes mariées. Elle décrit le mariage comme un instrument de soumission, qui confisque la liberté individuelle et perpétue le pouvoir masculin. Son œuvre littéraire fait d’elle une des rares femmes écrivaines à être reconnue pour son engagement féministe explicite dans la littérature du XIXe siècle.
Membre active de la Première Internationale, André Léo défend un féminisme révolutionnaire allié aux combats ouvriers. Elle cofonde avec Léon Richer en 1868 la Ligue en faveur des droits de la femme, structure qui articule revendications juridiques et luttes sociales. Elle milite pour l'éducation des filles, le droit au travail, et la réforme des lois civiles, qui maintiennent les femmes dans l’infériorité. Son approche est intersectionnelle avant l’heure, reliant genre, classe et citoyenneté.
Durant la Commune de Paris (1871), André Léo devient une des grandes figures politiques féminines du mouvement. Elle rédige des textes dans la presse communarde, appelant à une transformation radicale des rapports sociaux. Elle soutient l’organisation des femmes en collectifs autonomes, refusant de reléguer la cause féminine à l’après-révolution. Elle voit dans la Commune une opportunité pour renverser la triple domination : monarchique, capitaliste et patriarcale. Ce moment intensifie sa lutte contre ce qu’elle appelle les “effets démoralisants de la dépendance”.
Exil en Suisse. Après la chute de la Commune, André Léo se réfugie en Suisse, où elle poursuit son engagement intellectuel : Elle développe une critique anarchiste du capitalisme et du patriarcat, affirmant que la liberté ne peut être partielle. Elle s’oppose à toute hiérarchie fondée sur le sexe, la richesse ou l’autorité familiale. Elle publie La Femme et les Mœurs. Liberté ou monarchie (1869), où elle questionne la nature du pouvoir et les modèles sociaux normatifs.
Son féminisme devient alors plus radical, orienté vers une démolition des structures de domination, plutôt que vers une simple réforme, André Léo est une écrivaine révolutionnaire, une théoricienne féministe, et une militante politique de premier plan. Elle incarne un féminisme républicain transformé par l’expérience de la lutte et de l’exil, qui relie la critique du mariage à celle du pouvoir, et la parole littéraire à l’action collective. C'est une figure à redécouvrir, pour penser ensemble liberté, égalité, et émancipation féminine.