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La Philosophie à Paris

FEMINISME / Jenny d’Héricourt

Jenny P. d’Héricourt
(1809–1875)

Méconnue du grand public, Jenny P. d’Héricourt (1809–1875) est pourtant l’une des premières intellectuelles françaises à allier expertise médicale, engagement politique et écriture polémique. Son parcours, entre savoir et militantisme, incarne un féminisme rigoureux, rationnel et profondément antidogmatique.

Diplômée en médecine homéopathique et sage-femme — des métiers encore rares pour les femmes à son époque — Jenny P. d’Héricourt se bat pour une reconnaissance intellectuelle et professionnelle. Elle conteste l’idée selon laquelle les femmes seraient inaptes à la pensée scientifique. Son expérience dans les soins renforce son regard critique sur les inégalités de traitement entre hommes et femmes dans les domaines de la santé, de l’éducation et du droit. Cette double compétence théorique et pratique fonde sa légitimité dans les milieux intellectuels dominés par les hommes.

Pendant la Révolution de 1848, elle participe pleinement aux débats politiques et sociaux. Elle fonde, avec d'autres militantes, la Société pour l’émancipation des femmes, qui défend l’égalité des droits civiques, le droit au travail et à l’éducation. Elle s’oppose aux discours paternalistes présents dans les cercles républicains, qui cantonnent les femmes au foyer tout en proclamant la liberté. Elle montre que la citoyenneté féminine ne peut être différée, même au nom de la République.

L’un des combats les plus emblématiques de Jenny P. d’Héricourt est sa réfutation des théories misogynes d’intellectuels influents. Elle s’en prend frontalement à Proudhon, qui affirme la supériorité intellectuelle masculine. Elle critique également Michelet, Émile de Girardin et Auguste Comte, dont les théories sur les rôles genrés sont à ses yeux des constructions sociales travesties en lois naturelles. 

Son ouvrage majeur, publié en 1860, La Femme affranchie, constitue une réponse cinglante, documentée et philosophique à ces penseurs et y propose une “société juste et raisonnable reposant sur l’égalité des sexes”, fondée sur la connaissance, l’éthique et le dialogue.

Dans ses textes, Jenny P. d’Héricourt revendique une approche rationnelle du féminisme, loin des modèles affectifs ou sentimentalistes souvent utilisés pour « adoucir » les revendications féminines. Elle affirme que les femmes ont les mêmes capacités que les hommes pour penser, gouverner et créer. Elle défend un féminisme laïc, éclairé et universel, tourné vers l’émancipation des individus, et non vers l’opposition stérile entre les sexes. Son travail annonce les grandes polémiques intellectuelles du XXe siècle sur le genre, la raison et le savoir. Jenny P. d’Héricourt est une pionnière radicale et cohérente. Sa parole, trop longtemps étouffée par les récits officiels, mérite d’être redécouverte comme l’une des premières voix à articuler féminisme, science et résistance intellectuelle. Une femme qui n’a pas craint de parler haut — même contre les plus célèbres.

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