LETTRE A ALAIN BADIOU / Affirmation IV sur ton nihilisme aristocratique
Cher Ami Alain
C'est avec un bonheur incommensurable que je t'écris cette lettre. Suite à mes trois questions (I, II et III), dont l'une était une énumération un peu dubitative des quatre catégories aristotéliciennes des vérités, où tu m'avais substantifié le terme même de vérité. je te fais cette affirmation que je reprends à tes conditions : il n'y a pas de vérité d'une vérité, il y a pas de vérité de la vérité en ce que c'est le Bien qui t'anime et qu'il stoppe tant la régression à l'infini des idée propre au premier idéalisme que la regression de la vérité. C'est d'en haut qu'il faut reprendre le problème, pour comprendre que la réciprocité est toujours de capture, car s'il y a des vérité mathématiques (mathématiques dont le critère comme tu l'énonces n'est pas le bien mais le beau). On croirait revivre la réciprocité entre la première loi et la seconde loi de Newton dont on a mis du temps pour comprendre que ni la Terre ni le Soleil étaient des référentiels galiléens mais là est le tour de passe-passe car l'essentiel pour s'implanter est de gagner du temps.
Jusque là ce sont les préliminaires courtois, mais qui ne veulent rien dire sauf à vouloir substantifier et hypostasier ce que j'ai pu dire. Mais le tour ne fonctionne pas deux fois, car c'est bien d'imposture que je veux te parler. De cette imposture qui est la tienne quand tu parles par exemple d'égalité, de complexité, de mai 68 tout ces éléments que tu aimes décrier dans tes livres abscons pour le quidam et que tu vanteras en public. La vérité n'a pas besoin d'être médiatisé mais comme le dit ton cher disciple MBK, tu en es la "maquerelle", tu la prostitues. Dit en des termes plus courtois par le "sophiste" Rancière, tel que tu le qualifies, tu te dois d'avoir un double rapport à la Vérité, l'un exotérique qui consiste à écarter les rivaux et à porter le bouclier, le masque de son gardien, l'autre ésotérique qui consiste à ménager ton propre rapport à ce qui constitue ton aridité, d'autres diraient ta mélancolie. Ma question sera toujours la même comment deux sophistes (Lacan et Althusser) ont-ils pu produire selon la tradition qui est la tienne .un philosophe de bonne foi comme toi ? Comment ne pas voir à travers l'œuvre clair de Jean-Claude Milner, que tu a substanfier les bricolages de l'agité du bocal que fut Lacan, qui comptait nous faire prendre des vessies [pour des lanternes]. Il s'est dédit plus qu'il n'a mi-dit. Bref je vais un peu vite pour le quidam, avec la synthèse qui me caractérise, mais tu me comprendras, oups, je veux dire tu me saisiras. Mon problème n'est pas celui de la sophistiquerie, mais davantage celui de l'œuvre viable qui n'est pas la tienne. Sur ce point j'ai apporté une solution modeste mais imparable qui consiste non à tranche le noeud borroméen que tu tisse entre culture et philosophie, entre activité et finalité, entre savoir(-faire) et Vérité par cette simple phrase de Platon : "nous nous rendons malheureux parce que nous ne savons ce qui a de l'importance". La vérité n'a pas d'importance, où ce serait rabattre l'une sur l'autre et confondre la subjectivité et l'époque. C'est cela qui fait que je ne suis ni anti-philosophe (détenant sa vérité), ni grand sophiste comme Medhi se qualifie lui-même, ni producteur d'anti-philosophe comme toi.
Les tours de bisbille ne passent plus, comme celui très étrange pour un platonicien de reprendre à son compte dans la conclusion de Logique des monde "expérimenter et ressentir que nous sommes éternels", tu es un immortel comme Cheminade non pas un éternel, car ce qui reviendrait sans cesse c'est ton esprit de vengeance, nommé plus communément aridité entouré de l'excipient de la vie bonne. Cette citation était étrange presque "contradictoire" puisque ton geste premier a toujours consisté à se couper de tout affect (pathos et thymos). Mais passons c'est de bonne guerre, simplement cela dénote que la vie bonne se veut être attrayante, mais dans quel but ? Celui d'administrer un poison ? Oui, j'en reviens à cette improduction d'anti-philosophe puisque ce serait en lisant l'Etre et l'Evénement, son aridité, que l'on saurait quel sujet détenteur de vérité (et donc anti-philosophe, "on voit la vérité qui [serait] la nôtre") on est mais le geste sain consiste à le fermer, une fois entendu ce que je dis plus loin dans cette lettre, en laquelle j'ai glissé quelques citations. Alors "surgit" ce fait étrange : comment un descendant d' "anti-philosophes" freudien et giscardien (Lacan et Althusser qui ramenaient tout au discours du maître, tels des sophistes) peut-il produire des anti-philosophes à la pelle dont MBK qui se qualifie lui-même à son insu de grand sophiste ? Passons outre, la pédagogie à ses mystère ou plutôt ses mensonges didactiques.
J'ai clairement souhaité être ton étudiant pour qu'il n'y ait pas de malentendu sur notre rencontre. Je pourrais donc parler de la vanité qui est la tienne, de ta gentillesse d'autrefois. Je pourrais parler de l'agacement du regard que tu m'a lancé par-dessus l'épaule parce que je venais déranger la solennité de ta cour. Ce que j'en retiens, au-delà de l'anecdote, c'est la vanité. Rien ne vaut sauf la vérité qui est vide. Mais tu as refuser le dialogue, l'invitation à ce qui pouvait être un retour sur ton oeuvre et qui n'était pas un retour sur comment ton oeuvre est advenue ou réceptionné (je veux parler de l'édition anglaise de La clameur de l'être, si tant est que l'être soit l'inconscient). C'est que le moment est advenu. Je serai le premier à te faire rentrer dans l'histoire , mais peut-être pas comme tu l'entends : en te sortant de la merde, (cf. fable du petit oiseau, de la vache et du coyote), ce que j'ai fait plusieurs fois par le passé, pour preuve ce que tu en as capturé mais qui ne satisferait guère quelqu'un de rigoureux. Tes disciples à droite à gauche se déclarent volontiers anti-philosophes, selon leur propres termes grand sophistes, j'aimerai parfois inventer mais tout est là. Ils sont même de grands scolastiques, ils te prennent pour Dieu. Ne leur en déplaise, en ce que tu as fait école. Mais ils finissent par croire que tous les philosophes sont des universitaires et les anti-philosophe ne le sont pas. Quelle bêtise, quelle décadence de types, que de nous ressortir l'image traditionnelle et communément admise du philosophe comme décadence même de la pensée en une spiritualisation et une illusion idéaliste où les "processus" ne correspondent jamais aux procédures voulue comme vertueuses. Le Bien n'adviendra jamais, juste la conscience du Mal, propre à un prêtre. Quant à savoir si c'est [la lutte contre] l'oppression des ouvriers que tu cadres ou [la mémoire de] l'extermination des juifs qui prévaut, l'importance n'est pas la justice du vainqueur. Là a débuté l'inhumanité comme atteinte aux guides de l'Europe. Mais ont-ils compris [ce] que tu te réclames[...]
Tu sais je me suis toujours forcé à te cantonner à une pensée réactive, appelle-la dogmatique. Même si je n'avais compris le rien ne vaut de ton séminaire de 2003 sur toi moi-même ou devrai-je dire ton nihilisme fustigeant l'autre qui n'était pas encore un rien ne vaut sinon les vérités éternelles qui elle-même procède d'un vide, d'un rien comme nous allons le voir. C'est en écoutant MBK ici, aujourd'hui, que je n'ai pas voulu y croire. Si le nihilisme démocratique est la "forclusion de l'autre et l'autre, le grand Autre c'est l'infini", la "forclusion du Rien", si le nihilisme comme il le déclare est fait de vouloir le rien plutôt que ne rien vouloir alors précisément il définit le vide (les vides qui soit de l'Être ou de la Vérité) comme étant le le rien. Alors qu'il y a un premier nihilisme qualifions-me d'en bas qui refuse l'Être comme Rien, puis il y a avec toi un nihilisme aristocratique. Ce qui correspond à la définition solersienne du nihilisme reprise elle-aussi à Nietzsche : "le nihilisme c'est quand la populace est en haut et en bas". Qu'apprend-t-on dans ce second volet ? Que le S(A barré) est la jouissance nihiliste, la forclusion démocratique autant que l'inscription aristocratique du vide badousien. Mais qu'alors il n'y a pas de tension entre les deux vides, s'il n'y a pas de bords du vide auprès duquel se tient celui que tu nommes son gardien, celui que MBK nomme sa maquerelle car la définition de l'infini s'établit sur ce bord. Ce bord du vide est son inscription, soyons charitables, n'enfonçons pas trop vite le clou. Simplement il y a un dispositif plu large que le simple dogmatisme universitaire hérité du rationalisme, dans lequel tu es pris, une triangulation tournant autour d'un dépeupleur, d'un dérangeur et d'un catalyseur
"Le nihilisme veut abolir ce rien derrière l'apparaître, il veut redoubler ce rien par le rien", insistance qui inexiste et que tu nommes le vide, c'est d'une part une "pulsion de forclusion du vide", "l'être n'est rien", "c'est une haine de l'être" et c'est d'autre part l'inscription d'objet de connaissance qui ne désigne rien. Il y a bien identification de l'être et du vide, là où MBK ne ferait du vide que l'essence de l'être. Le rien c'est l'être donc l'être n'est rien, le discours philosophique est à peine différent, l'être n'est rien mais tout en procède. J'aimerai inventé mais je ne fais que recouper. Le nihiliste aristocratique (Sade ou Badiou), vois-tu, "a besoin de l¨Être pour l'abolir", pour le rendre inconsistant si on comprend que l'Être serait le rien ou le vide (le rien du rien, son insistance), pour l'improduire, soutenir l'inhumanité (de Sade à Badiou). Le nihilisme se joue donc deux fois chez Nietzsche et chez Heidegger comme nihilisme de la jouissance et comme nihilisme de la cohérence (qui place l'être derrière l'apparaître comme vide d'où tout advient et donc aussi la cohérence comme apparence, comme logique d'apparaître), alors qu'il faut prendre son élan et sauter au-dessus du gap de l'inhumanité, ne pas opérer le choix, ne pas succomber à l'abstraction du Deux qui comme tu l'as prouver se ramène à l'Un une fois le principe atteint en 2008 ou 2009, je ne me rappelle plus guère. Et là tout dégringole. Mais qu'entend-on. "La plus grande ambition intellectuelle est maintenue sans faire aucune concession au nihilisme démocratique" puisqu'on se complaît dans un nihilisme aristocratique (ceci est dit juste avant), mais je dois faire remarquer à MBK que tu as cédé sur ton programme philosophique (la philosophie n'est ni immanence ni transcendance) en énonçant que tes idées sont immanentes [en mars 2010]. MBK écrit sur le nihilisme "pour se rendre compte qu'il n'existe pas", ou plutôt pour se rendre compte qu'il y appartient puisque comme il le dit depuis 30 ans en France on est dans une période qui n'a jamais été autant nihiliste fustigeant par ailleurs les parlementaire en costard, se dissociant en tant qu'anti-philosophe nihiliste (exégète du dépeupleur nihilisme) des politiciens de l'époque nihiliste. Mais pourquoi se départir sinon pour révéler son nihilisme aristocratique.
Pardon de lever le voile mais c'est ainsi.
"L'inexistence de l'autre est l'existence de l'infini donc l'absence de limite [accessible]." Encore ce mauvais infini dénoncé par Hegel en son temps qui vous hante sans comprendre que le fini-illimité (rejeté comme impropre dans le Philèbe) a été posé diversement par Einstein et Nietzsche et repris diversement depuis. Il n'y a plus besoin d'infini qui saisit ou transit rendant ainsi inaccessible la limite, il y a tout simplement monde fini sans borne, éternel retour. On nomme cela le sens de la Terre ou le surhomme. Nous sommes enfants de la Terre, de sa rotation, de son magnétisme, de sa gravité en passe d'être dépasser.
Ne t'inquiète pas dans les combats médiatiques qui sont les tiens je t'apporterai mon soutien, dès lors qu'apparaîtront des attaques contre l'intelligence et le cœur. Mais je pense que dès à présent le dialogue plus qu'un quelconque débat est clos.
De toute éternité, je t'aurais écrit cette lettre amicale mais dissolvante. Salutations car je ne pousse pas comme toi les gens à se suicider, en disciple de Platon tu m'a très bien compris. J'attends joyeusement de tirer les conséquences. Sauras-tu donner de l'ampleur au n°3 de ta métaontologie. Plus modestement la tension entre activité et passivité se joue ailleurs, pour simplement éviter toute réactivité, cet ailleurs comme tout universitaire tu aurais du mal à le saisir mon on le nomme métier, poiésis, techné, arti di bottega, mais il a déjà exister à la renaissance et toi et Medhi n'en êtes que le tarissement en ce que vous ne vous réclamez pas humanistes ni même terriens.
L'antidote est à présent inoculé, non pas ici, il fera son œuvre avec le temps, non pas que le temps soit la vérité ou la décantation sphérique des idées.
Le Cazals
PS : les deux liens laissent perplexe quant à leur contenu http://desintegredeja.free.fr/Entretien%20MBK_1.html et http://desintegredeja.free.fr/Entretien%20MBK_2.html
[texte correspondant à Affirmation II et les édits de janvier 2012 entre crochets]