La Philosophie à Paris

AUTONOMIE ET HIERARCHIE 7 / hétéronomie, homonomie, autonomie

5 Septembre 2006, 20:26pm

Publié par Paris 8 philo

Voici les différents usages que l'on peut faire d'hétéronomie, homonomie et autonomie
 

L’hétéronomie — . Dans une société hétéronome, les lois ne sont pas crées par les hommes. Selon Platon et la plupart des philosophes, elles sont l’œuvre des êtres humains et c’est ce qui explique qu’elles soient si mauvaises. Alors qu’elles devraient exprimer un ordre suprahumain, rendu possible par la médiation d’un être « exceptionnel », et être protégées des tentatives d’altération des hommes par un « noble mensonge », la fable de leur origine divine CstFP_137-138. Le mythe (muthos). Mais ceci n’est qu’une vision que porte l’homonomie sur l’hétéronomie. Un discours (logos). L’autonomie quant à elle est une tragédie que l’hétéronomie a voulu faire passer, de son point de vue, pour intenable. L’homme hétéronome est aujourd’hui à n’en pas douter l’homme économique. L’homo oeconomicus… c’est celui qui passe, et use, et perd sa vie à échapper à l’imminence de la mort FcMC_269. Nietzsche parlerait volontiers d’un homme qui ressent sa vie comme fugitive.

 

 

L’homonomie doit être acceptée pour ce qu’elle est : une abstraction. Elle est entre autres l’équivalent philosophique de l’imaginaire de l’hétéronomie CstFP_137. L’homonomie est le fait de poser la loi du même pour amener une dialectique avec de l’Autre. C’est une abstraction qui repose sur la conviction des vérités absolues, que l’autonomie serait un absolu jamais présent. Notons : une conviction est la croyance d’être, sur un point quelconque de la connaissance, en possession de la vérité absolue. Cette croyance suppose donc qu’il y a des vérités absolues ; en même temps, que l’on a trouvé les méthodes parfaites pour y parvenir ; enfin que tout homme qui a des convictions applique ces méthodes parfaites. Ces trois conditions montrent tout de suite que l’homme à conviction n’est pas l’homme de la pensée scientifique NzHH°630, le physicien par excellence. Pensons à nos physiciens grecs Thalès, Anaximandre, Pythagore, Xénophane, Héraclite, Démocrite. L’homme de conviction lui est davantage un métaphysicien. Poursuivons en prenant un autre aphorisme de Nietzsche où il parle de « ses » vérités NzEH_début. Sont-ils de nouveaux amis de la « vérité », ces philosophes qui arrivent ? C’est assez probable : car tous les philosophes ont jusqu’à présent aimé leurs vérités, c’est-à-dire qu’ils ont fonctionné en comète que l’on ne comprend pas. Mais à coup sû, ce ne seront pas des dogmatiques. Cela blesse nécessairement leur orgueil, leur goût également que leurs vérités doivent être encore une vérité pour tout un chacun : ce qui fut jusqu’à présent le souhait et le sens secrets de tous les efforts dogmatiques NzBM°44. Toute vérité est obtenue dans l’effort, dans une autonomie passagère, sa valeur tient à l’effort que l’on a consenti pour l’inscrire. Une vérité est une formalisation qui cache que l’on a beaucoup souffert, une esthétisation comme agrément de bonne conduite. L’homonome est celui qui adopte une position paradoxale, en même temps qu’il juge la vie et la société, il indique ou relève des absolus pour cette société (République, Utopie, Léviathan, Contrat social, Communisme) et pousse la société (hétéronome) à se dépasser, à se transcender. La conviction d’un homonome devient la vérité intangible pour un hétéronome. Mais il n’existe pas des vérités absolues qui s’unifieraient en une quête de la vérité. C’est ainsi qu’on comprend que Nietzsche ne s’en prenne pas à la vérité et nullement au fait qu’il y ait des vérités, à la conviction mortifère que ces vérités seraient absolues. Simplement parce que cette quête détourne de ce qui a de l’importance et nous rend ainsi malheureux car comme le dit Platon : nous nous rendons malheureux parce que nous ne savons pas ce qui a de l’importance, pour un hétéronome, l’important est le bonheur ou le profit (bref la reconnaissance à quelque échelle que ce soit), pour un homonome, ce sont les vérités abstraites, pour un autonome ce sont ses propres intuitions qui comptent, comme celles de dire : s’affranchir ou périr. Bref, l’homonomie est l’autre nom du dogmatisme, du chemin qu’on veut tenir qui va à l’envers : des hypothèses au principe, l’homonome porte une conviction jusqu’à ses extrêmes conséquences mais peut-être par là s’aveugle sur ce qui a de l’importance, de l’intérêt, là est l’abstraction.

 

 

L’autonomie — . Mais que signifie l’autonomie ? Autos, soi-même ; nomos, loi. Est autonome celui qui se donne à lui-même ses propres lois. (Non pas qui fait ce qui lui chante : qui se donne es propres lois). CstFP_118. Peut-être comprendrez vous dès lors que l’autonomie échappe à l’hétéronomie. Les anarchies vivantes et couronnées de liberté échappent à la hiérarchie, mais toute autonomie est et restera minoritaire par rapport à l’hégémonie d’une hiérarchie, à sa domination. Le principe d’une autonomie est de ne pas se faire voir de la majorité, ce n’est pas qu’elle veuille échapper à la majorité mais parce que cette autonomie avance elle ne peut ralentir pour se faire voir. Le fait de ralentir générait sa dynamique (qui est principe même), la déstabiliserait voir l’anéantirait. On ne peut pédaler et se regarder avancer c’est-à-dire s’« accompagner » du regard, comme un conscience acoompagne une institution, une hétéronomie. C’est que la pensée est issue d’un milieu collectif connu comme étant la philosophie, que l’on peut appeler constellation affective et alors que la réflexion est solitaire et donc praticable par n’importe qui. L’homme peut penser mais en est-il capable ? se demandait Heidegger qui ne parvenait du fait de sa déréliction à reproduire le continuum de pensée comme les chez Grecs. Tout est affaire de milieu qui délire plus ou moins à la même vitesse tout est affaire de constitution d’un continuum de pensée. L’autonomie ne se fera jamais pas institution, car tout contrat (abusivement appelé Constitution) est fait pour être cassé, l’autonomie se fait comme on glisse sur une peau de banane par inadvertance, c’est un événement qui se fait comme tous les événements sans fracas. Pensons à la désinvolture et la naïveté involontaire NzHH2b°4 avec laquelle Nietzsche et Deleuze-Guattari, traversent les souffrances.

 

 

En résumé, l’hétéronomie se transcende et accumule, l’homonomie forme et juge cette première, l’autonomie se crée et se dépense mais n’est pas vue des deux premières. L’autonomie se rapproche d’une surhumanité, l’homonomie se rapproche d’une inhumanité, l’hétéronomie (la croyance aux Droits de l’Homme et BHL) n’échappe pas à la condition humaine : humanité. Pour parler de manière imagée, il s’agit de se mettre face à un ravin, une impossibilité apparente de franchir une étape. Nous ne faisons que poser les conséquences de ce que la physique quantique a vu au travers du dit « principe d’incertitude » (ou de la brisure spontanée de symétrie), de ce que l’éthologie a compris de la « hiérarchie » chez les rats, de l’autonomie va bien au-delà de l’institution et de ce que pense Castoriadis. Si l’on songe qu’il y a là un ensemble qui tient à la fois de la volonté de puissance (capacité) et de l’éternel retour de Nietzsche, on comprend qu’il s’agit bien d’un saut de civilisation, d’un « bond » comme le disait Foucault qui dépasse la simple rupture épistémologique.

 

 

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