L'ECOLE ET LE SAGE / Retirer ses oeillères à Jacques Rancière
1) L'école comme lieu paradisiaque de l'égalité et la société civile comme enfer d'inégalité.
Mais peut-on élever ce qui constitue le lieu confortable de l'énonciation d'un discours comme le lieu d'où s'énoncerait le vrai discours ? Le vrai discours sur la société, sur la société civile qui n'est ni du domaine de l'école, ni de celui de l'entreprise ? C'est cette séparation qui gênante, cette réinjection des deux mondes platoniciens, l'un intelligible par l'égalité l'autre sensible et chaotique par toutes les inégalités qu'il contient. A vouloir se replier dans son Bien, l'égalité, on se coupe et on accentue ce qui est perçu comme le mal : l'inégalité. Nous sommestoujours dans l'héritage de Platon. Bref on cloisonne, on stérilise, on amène à la sclérose sur ce qui devrait s'alimenter mutuellement, la société civile et l'école. L'école n'est pas - si elle est égalitaire - le lieu où l'on développe sa pensée critique et une certaine sensibilité artistique, qui feront que l'on investira la société civile avec plus de richesse en tête. cette même richesse ne tombe pas toute dans la production ou dans le profit. Contrairement à la vision normalienne de Rancière, l'école n'a jamais été conçue pour elle-même, comme vase clos à l'image du cloître de Normal sup', ce qui n'est au fond qu'une vision déformer des choses par le métier. L'école peut et doit aussi se concevoir comme le lieu de l'envol, de l'éducation réussie où précisément on abandonne ses maîtres comme on quitte un jour le foyer familial pour accomplir sa prorpre vie. Pourquoi ne pas concevoir l'école avec l'intêret de développer l'autonomie des individus et aussi comme le dénonce très bien Rancière dans l'optique de former une main-d'oeuvre corvéable. C'est qu'il ya deux cents ans nous étions une nation d'analphabètes. La dévalorisation de l'enseignement technique par l'élite égalitaire n'est-elle pas le triste constat qu'il y a pas que de l'égalité au sein même de l'école. Ce n'est pas ce qui se passe en Allemagne où l'égalité n'est pas autant mise en avant. C'est qu'il faut rappeler que Jacques Rancière, qui veut demeurer de l'improduction, autre nom pour la contemplation reproduit ce qu'il dénonce : le partage entre activités contemplatives et activités manuelles qui, de fait, sont productives. Oui la pespective qu'amène Jacques Rancière est bien celle du déclassement, du désordre automatiquement produit dans l'ordre social par toute extension de la forme égalitaire de l'école. Simplement parce qu'on ne peut étendre ce qui n'a pas lieu dans le système éducatif à savoir l'égalité, sinon sous la forme d'un appel à l'inaction, à l'ensemble de la société.
La société civile reste le lieu où apparaisent nombre de nouveautés et d'inventions dans nos sociétés, notamment la littérature, l'art, les techniques, car la diversité des modes de vie ne se réduisent pas à l'occupation de l'école. En n'étant quelque négligeant avec le monde ignomigneux et fait d'inégalité de la vie active, quel regard nouveau pourrait se poser sur le travail autres des inepties platoniciennes : Le travail est savoir-être avant d¹être savoir-faire. Il est achat et vente avant d'être application d'un savoir à un métier. Ce que l'école doit demeurer aux yeux de Jacques Rancière le lieu de l'improduction, le lieu où l'inégalité est productrice. Certes le travail à la chaîne existe toujours comme mode de discipline, comme "savoir-être" mais le travail est avant tout une valeur qui repose sur un savoir-faire et des métiers. Le travail discipliné par le chronomètre ne constitue qu'une partie du travail industriel ou de services (calling center), aujourd'hui où en France, il ne reste que 15 % d'ouvriers. Mais derrière le discours de Rancière, c'est toute l'idée d'une vie active vers laquelle on veut dissuader les écoliers d'aller. Une manière d'inhiber inconsciemment l'action de tous ceux qui y passent, ; Rappelons-le Qui a goûté à l'égalité scolaire est virtuellement perdu pour un monde de la production. Introduire des idées dans les têtes, qui nous coupent de nos actions, voilà ce à quoi aboutit ce texte de Rancière.
* * *
2) Une élite républicaine qui se perpétue avec tout ce que l'égalité masque de hiérarchie et de possibles autonomies.
Ce texte reflète les grandes valeurs du Républicanisme : Liberté, Égalité, Fraternité. Ces idées sont déclarées, mais en tant qu'idéaux
restent des mots creux qui recouvrent la réalité plus qu'ils n'aident à la comprendre ou mieux à l'investir, à la transformer. On peut voir dans l'égalité énoncée par Rancière comme présupposé à
la politique et à l'esthétique qu'une projection symbolique, mais surtout la réduction de la réalité à l'école comme seul espace vivable. Elle est d'abord une forme symbolique, une norme de séparation des espaces, des temps et des occupations sociales. L'école est le lieu qui perpétue les illusions issues de cette idée d'égalité. Il ne s'agit pas de s'en prendre à ceux
qui revendiquent l'égalité mais de faire en sorte que ceux qui peuvent s'en passer le fassent, ne soient pas otage de ce genre d'illusion qui ne refkète qu'un inhibtion de l'action.
L'école ne promet pas mensongèrement une égalité qu'elle laisserait démentir par la réalité sociale. Elle le fait symboliquement. La forme déclarée de l'égalité n'est que symbolique. L’école dit au fond au troupeau de la classe soit sage et reste assis.
L'occupation du temps qu'est l'école est outre la contemplation de l' apprendre pour apprendre la pratique de l'égalité pour Rancière,
c'est-à-dire une forme pacifiée de relations entre individus châtrés et souvent cloués à leur chaises. C’est une égalité du pauvre, pour reprendre Proudhon — et oui « le philosophe et ses
pauvres » — et non une égalité qui admet le talent. Notons-le tout de même l'égalité est de deux formes conjointes chez Rancière d'une part l'égalité déclarée, celle qui vient en présupposé
à la relation et d'autre part l'égalité immanente, celle mise en oeuvre entre le cerlce restreint des pairs. Sur ce point Proudhon est plus juste que la fieffé mauvaise foi de ceux qui se
légitiment eux-mêmes pour déclarer l’égalité (Rousseau, Marx, Badiou, avec leur sentiment de supériorité subséquent… et même Rancière dont l’égalité est plus complexe qu’un présupposé).
Mais une preuve du rejet de la réalité et d'une réduction pratique de la pensée par ceux qui s'enferment dans l'école égalitaire, c’est que
l’un des rares normaliens à avoir tenté une sortie de cette école avec les idées qu'elle illusionne, s'en est brisé les ailes : je pense à Robert Linhart
qui un jour s'est tû, a sombré face à la réalité. Lui aussi était normalien et véhiculait jusqu'à l'établi de l'usine les idéaux
républicains.
L’école cette scholè crée ses enseignants, les sophistes comme les nommaient Hérodote, il qualifiait ainsi Pythagore dans son école
par opposition au sage dans la « nature ». L’école produit des enseignants mais pas des sages, des sophistes mais pas des sophos. En elle, on s’emploie à
« apprendre pour apprendre », à honorer donc la connaissance pour la connaissance, qui au fond n’amène rien sauf à produire des valeurs d’homonomes, de tarentules qui tissent
leur système, avec une idée vide en son centre. Il ne doit y avoir de sage ou de grand homme, simplement des philosophes qui vivent en institution à force de s’être coupés du monde
sensible. Mais surtout l’école veut empêcher une égalité par le talent quand elle s’en tient à un idéal de la connaissance pour la
connaissance, c'est-à-dire à une improduction qui rejette l'activité manuelle. Jacques Rancière est toujours dans un mode platonicien,
celui qu’il nomme « partage du sensible », il n’a jamais outrepassé la tradition platonicienne et - dans sa continuité - distingue ainsi le capable de l’incapable, le contemplatif du
manuel. Pourtant des autodidactes - de simples artisans - contre cette vue mandarinale ont bien montré que les manuels, les hommes de savoir-faire étaient des capables. C’est que rappelons-le, le
platonisme repose sur l’idée qu’avoir en vue (horan) c’est faire (dran) et qu’il ne faut donc pas introduire de nouveauté. L’école républicaine avec sa connaissance pour la
connaissance, son apprendre pour apprendre, nous invite à ne pas rejoindre l’ "inégalité" de la production et du monde sensible, qu’elle soit pensée, travail ou vie. Mais e n'est pas dans l'école
que l'on peiut avoir l'audace d'un monde différent.
* * *
3) L'école autorise-t-elle le sage, l'audace qui ne recherche pas le profit ?le sage comme le grand homme n’ont pas idée, ne se posent pas de problème, il n’y a pas chez eux problème avec la contradiction, ils en sont riches à vrai dire. L’école républicaine au contraire entre nous et le faire veut introduire l’idée de Platon et de sa république, souvent résumé par l’« égalité » ou la « pensée du commun ». Le sage ou le grand homme — qu’on ne confondra avec l’homme supérieur ou le bourgeois —, eux, s’écartent radicalement de la pensée du commun, : pensez à Héraclite et sa posture vis-à-vis du koinon, ou à Platon et son modèle politique du koinon qui s’il se réalisait nous conduirait à la mort, selon ses propres termes, Livre VII à IX de la Politéia, que les latins traduisent par République. Si l’école ne produit pas de « génie » ou plutôt de grand homme, pensons à Einstein repensant le temps ou Napoléon repensant l’état, à charge pour le grand homme, qui lui n’a pas de problème de créer ses propres institutions, l’école polytechnique, l’école des arts-et-métiers, qui sont des écoles aujourd’hui d’officier et de sous-officier pour l’entreprise et l’administration. L’audace est ailleurs. On peut se dire plus simplement que la pédagogie et l’audace de la génération qui a suivi, les normaliens — Badiou et Rancière en premier — n’a pas porter ses fruits, pire que Paris 8 n’était pas au fond leur institution on peut penser à Badiou revenu au bercail de l’ENS et disant, le 11 juin 2008, « je me sens dans cette institution comme dans ma propre demeure ».
Socrate est-il un sage ? Ce qu’on peut dire c’est qu’il ne courrait pas après la sagesse mais l’homme le plus sage d’Athènes.