PORTRAITS DE FEMME PHILOSOPHE / Eloge à Emilie Du Châtelet
22 Mars 2008
Rédigé par Anthony et publié depuis
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Émilie Du Châtelet (1706-1749)
La première "scientifique" dit-on, qui publia de nombreux traités de physique et traduisit les Principia de Newton, traduction qui fit
référence jusqu'au siècle dernier. Elle fut pendant quinze ans la maîtresse de Voltaire. "Elle est un concentré d'excès" (Elizabeth Badinter). Il y a chez elle une volonté de libération par le
savoir, que nous avons un peu perdue aujourd’hui. Femme passionnée par la vie, l'échange et la découverte, qui défend l'expérience chère à Newton contre la rigidité des cartésiens, elle initiera
son cher homme de lettres à la sensualité comme à la science, et le guide sur le chemin de la métaphysique (qu'il prendra avec beaucoup d'ironie).
Les féministes diront que "La Révolution, en privilégiant les thèses de Rousseau, a contribué à l’enfermement des femmes. Le Code civil de
Napoléon les a mises sous tutelle. Ce n’est qu’à la fin de la seconde guerre mondiale qu’elles retrouveront une plus grande liberté." Mais Emilie du Châtelet jouit d'une grande liberté, son mari
Florent du Châtelet, aristocrate et militaire lorraine est d'une grande compréhension vec cette femme qui reçu une éducation qui n'est pour l'époque pas dispensée aux femmes. les époux n'avaient
pas grand chose en commun. Elle appréciait la société des salons parisiens et la vie de cour; il était militaire, passionné par la chasse. Après avoir eu trois enfants, elle considéra que son
devoir conjugal était rempli et ils tombèrent d'accord pour vivre des vies séparées. Elle finit par rencontrer dans les salons parisiens Voltaire, avec qui elle s'affiche en public ce qui est
candaleux pour l'époque. Mais Voltaire aussi la laisse aussi aller avec le scientifique Maupertuis ou le poète Saint-Lambert, favori en titre de Madame de Boufflers, la maîtresse du roi Stanislas
de Pologne en exil en Lorraine. En 1733, lorsqu'il rencontre Émilie, Voltaire à 39 ans et est déjà un auteur confirmé, un poète reconnu et un homme d'affaire avisé. Elle a 28
ans et vit la vie d'une femme de la haute société parisienne. Dès leur première rencontre, ils se sont sentis attirés l'un à l'autre.
Ils avaient certainement entendu parler l'un de l'autre avant de se rencontrer car ils avaient de nombreux amis et connaissance en commun.
Émilie avait lu Voltaire. Elle avait été voir ses pièces de théâtre qu'elle appréciait. Le Duc de Richelieu et Voltaire étaient assez intimes. Émilie avait eu une aventure avec Richelieu, et lui
écrivit un jour pour lui demander comment il avait pu lui cacher que Voltaire était l'homme idéal.
Evoquant Émilie, Voltaire écrivait à l'un de ses amis: "Tout en elle est noblesse, son attitude, ses goûts, le style de ses lettres, sa
manière de parler, sa politesse... Sa conversation est agréable et intéressante." Ils avaient beaucoup à se dire. Ce fut la rencontre de deux grands esprits. Les règles sont pour les autres Voltaire et Émilie allaient à l'opéra, soupaient dans les meilleurs restaurants et se présentaient ensemble aux audiences royales. L'affichage
d'une relation était normalement considéré comme incorrect et la société parisienne était parfois choquée de voir à quel point ils oubliaient les règles de la bienséance. Émilie et Voltaire n'en
avaient cure. Ces règles étaient pour les autres et ils s'aimaient. La police recherche Voltaire En mai 1734, Voltaire et Émilie étaient invités au mariage du Duc de Richelieu. Quelques jours après la cérémonie, Voltaire reçut un message
du bureau de l'un des ministres du Roi qui suggérait à l'auteur des "Lettres anglaises" de "s'absenter". Il s'agissait d'une mise en garde de l'un de ses amis qui l'avertissait que la police le
recherchait. Il ne savait pas pourquoi, mais il quitta le pays précipitamment afin d'éviter d'être arrêté.
Voltaire apprit plus tard qu'un imprimeur voulait se faire un peu d'argent en publiant et en vendant ses travaux sans l'en avertir. Dans ses
"Lettres philosophiques", Voltaire a rendu hommage à la liberté religieuse et politique qu'il a retrouvée en Angleterre. Les censeurs du gouvernement y virent une critique du Roi et de l'Eglise
en France. L'imprimeur fut enfermé à la Bastille et une lettre de cachet avait été écrite afin que la police recherche et arrête Voltaire.
Pendant deux mois, Voltaire dût se cacher chez des amis, près de la frontière. Au cours de cette fuite, il s'arrêta au Château de Cirey, la
demeure ancestrale du mari d'Émilie. Il constata que le château avait grand besoin de travaux. La décision de vivre à Cirey Il peut sembler étrange que Voltaire et Émilie aient décidé de vivre au Château de Cirey et que le mari d'Émilie ait été d'accord avec cette
décision. Voltaire prêta 40,000 francs au marquis à un taux très bas afin de couvrir les frais de rénovation. Le Marquis obtint également une maison à la campagne à partir de laquelle il pouvait
chasser et Voltaire payait pour les dépenses somptuaires d'Émilie. Cet arrangement convenait au mari d'Émilie.
Voltaire avait toujours désiré avoir une maison à la campagne dans laquelle il aurait pu écrire. La rénovation du château commença en août et
Émilie et Voltaire transformèrent le château en une demeure confortable. Voltaire était riche, ils ne manquaient de rien et vivaient dans le luxe.
La relation amoureuse Ceux qui connaissaient Voltaire et Émilie s'intéressaient à leurs relations amoureuses. Madame de Graffigny, qui fut l'hôte du couple au
château pendant trois mois écrivait à ses amis qu'Émilie avait de nombreux bijoux qui étaient sans doute des cadeaux de Voltaire. Elle disait également que lorsqu'ils se querellaient, ils
parlaient en anglais. Les gens étaient particulièrement friands de ce genre de détails.
Madame de Graffigny indiquait également que le couple ne s'occupait de ses hôtes que le soir. Pendant la journée, Voltaire et Émilie
travaillaient, s'envoyaient souvent des billets et se retrouvaient parfois pour parler de leurs travaux respectifs. Les invités devaient rester dans leurs chambres pour lire ou éventuellement se
retrouver entre eux pour trouver des occupations. Peu de gens comprenaient le monde intellectuel dans lequel vivait ce couple étrange.
Les relations intellectuelles Voltaire et Émilie souhaitaient découvrir "la vérité" et écrire sur leurs découvertes. Tous deux voulaient avoir une influence sur le monde.
Les liens qui unissaient le couple reposaient largement sur leurs connivences intellectuelles et sur la manière dont ils s'encourageaient mutuellement. La recherche de la vérité Voltaire et Émilie constituèrent une bibliothèque de plus de 21 000 ouvrages, ce qui était l'équivalent d'une bonne bibliothèque d'université
dans les années 1700. Leur bibliothèque comportait des ouvrages d'auteurs anciens et contemporains. Ils passaient une grande partie de leur temps à lire, à analyser et à discuter les travaux de
nombreux auteurs afin de chercher à établir ce qu'ils pensaient être la vérité sur tel ou tel sujet. Au nombre de ces sujets :
La métaphysique: Cette section de la philosophie s'occupe de la question de la réalité hors de ce qui est perceptible par les sens. Voltaire
et Émilie cherchèrent des réponses à des questions qui se sont posées depuis l'aube de l'humanité et qui sont encore aujourd'hui l'objet de grands débats. Peut-on établir des preuves de
l'existence de Dieu?, Qu'est-ce que l'âme et est-elle immortelle? L'homme a-t-il un libre arbitre? Quelle est l'origine du mal? D'où viennent nos pensées?
La philosophie morale: Ils avaient un intérêt tout particulier pour des questions telles que : Qu'est-ce que le bonheur? Quelle est la nature
du plaisir? Qu'est-ce que le bien et le mal du point de vue de la société? Comment fonctionne le principe des récompenses et des punitions? Qu'est-ce que l'égalité sociale? Ou encore comment
cohabitent raison et passion?
La physique (qui, dans les années 1700, s'appelait aussi science naturelle): Tant Voltaire qu'Émilie s'intéressèrent de près aux travaux
d'Isaac Newton et aux sciences en général. Mais comme vous le verrez avec la vidéo, elle repandit l'idée de Leibniz sur la vis viva (force vive) selon laquelle un corps se déplace en un
mouvement dont l'énegie est égal à la masse fois la vitesse au carré.
L'histoire: Émilie s'intéressait peu à l'histoire dans la mesure où c'était principalement une suite de guerres et de conquêtes. C'est ce qui
conduisit Voltaire à introduire dans ses écrits historiques la vie et l'œuvre des grands hommes des sciences et des arts.
Critique théologique: Voltaire et Émilie firent une analyse détaillée de la Bible afin de se forger une opinion personnelle sur le statut de
ce texte et tant que pilier essentiel de la religion.
Collaboration et Critique Dans son introduction aux "Eléments de la Philosophie Naturelle de Newton" publié en 1737, Voltaire indique qu'Émilie et lui-même ont
collaboré à l'écriture de cet ouvrage. Tous deux étaient convaincus que le fait de traduire en Français ce texte dans lequel Newton expliquait les principes de la gravitation, de l'optique et de
la lumière était d'une très grande importance. Après ce projet commun, Émilie poursuivit ses études sur les mathématiques et termina la traduction des "Principia" que Voltaire fit publier après
sa mort.
Les manuscrits originaux de Voltaire portent des annotations de la main d'Émilie dans les marges. De même, les manuscrits d'Émilie sont
annotés par Voltaire. Ils se critiquaient ainsi mutuellement afin d'améliorer la qualité de leurs travaux et de leurs publications. Voltaire louait souvent l'intelligence d'Émilie, disant d'elle
qu'elle était géniale et il lui dédicaça la majeure partie de ses travaux durant les quinze années que dura leur liaison. Il est bien possible que ces dédicaces soient une forme de reconnaissance
pour tout ce qu'Émilie apportait à ses travaux.
Voltaire et Émilie partageaient les mêmes valeurs et poursuivaient les mêmes buts. Cette partie de leurs relations n'était pas très facilement
perceptible pour les autres mais elle est fondamentale dans la compréhension de ce qui les unissait.
Peu après la mort d'Émilie, en 1749, Voltaire écrivait à l'un de ses amis: "Je n'ai pas perdu une maîtresse, mais la moitié de moi-même. Un
esprit pour lequel le mien semblait avoir été fait."
Correspondance perdue Au cours des quinze années de leur relation, Émilie conserva toute la correspondance qu'elle entretint avec Voltaire. Ces lettres étaient
reliées dans huit volumes de cuir rouge. Hélas, cette correspondance n'a jamais été retrouvée.
Cet article n'est qu'une reprise de http://www.visitvoltaire.com/f_love_story_voltaire.htmdu Châtelet