8 Octobre 2025
Un écosystème est une unité écologique fondamentale qui résulte de l’interaction dynamique entre un ensemble d’organismes vivants – appelés biocénose – et leur environnement physique et chimique – désigné sous le terme de biotope. Ce concept, formalisé au début du XXe siècle par des écologues comme Arthur Tansley, qui a forgé le terme « ecosystem » en 1935, repose sur l’idée que les êtres vivants ne peuvent être compris isolément, mais seulement dans leur relation avec les facteurs abiotiques (non vivants) qui les entourent. Un écosystème est donc un système complexe où s’échangent matière et énergie, maintenu par des boucles de rétroaction et des processus de régulation. Contrairement à une simple association d’espèces, un écosystème possède une structure (organisation spatiale et temporelle des composants), une fonction (flux d’énergie et cycles biogéochimiques) et une résilience (capacité à absorber des perturbations sans changer radicalement d’état). Par exemple, une forêt tempérée n’est pas seulement un regroupement d’arbres, d’animaux et de champignons, mais un réseau où la lumière, l’eau, les nutriments minéraux et les interactions entre espèces (prédation, symbiose, compétition) déterminent sa stabilité et son évolution.
La structure d’un écosystème se décline à plusieurs niveaux. Au niveau spatial, on distingue des habitats (zones physiques où vivent les organismes, comme un cours d’eau ou une canopée) et des microhabitats (niches écologiques plus fines, comme l’écorce d’un arbre pour les lichens). La stratification verticale est particulièrement marquée dans les écosystèmes comme les forêts ou les lacs : en forêt, on trouve une strate herbacée, une strate arbustive, une canopée et, dans certains cas, une strate émergente (arbres dominants). Dans un lac, la colonne d’eau se divise en zones comme l’épilimnion (couche superficielle riche en oxygène) et l’hypolimnion (couche profonde plus froide). Au niveau trophique (lié à l’alimentation), les organismes sont organisés en niveaux trophiques : les producteurs primaires (plantes, algues, cyanobactéries), capables de synthétiser de la matière organique par photosynthèse ou chimiosynthèse ; les consommateurs primaires (herbivores) ; les consommateurs secondaires et tertiaires (carnivores) ; et les décomposeurs (bactéries, champignons), qui recyclent la matière morte en nutriments assimilables par les producteurs. Ces relations alimentaires forment des chaînes trophiques, elles-mêmes interconnectées en réseaux trophiques (ou food webs), où une espèce peut occuper plusieurs niveaux selon son régime alimentaire. Par exemple, un ours brun est à la fois consommateur primaire (quand il mange des baies) et secondaire (quand il chasse des poissons). Enfin, la structure temporelle d’un écosystème inclut des dynamiques comme la succession écologique : après une perturbation (feu, inondation), un écosystème évolue selon des étapes prévisibles, passant d’une communauté pionnière (lichens, graminées) à un stade climax (forêt mature, réef corallien), où la biomasse et la diversité atteignent un équilibre relatif.
Le fonctionnement d’un écosystème repose sur deux piliers : les flux d’énergie et les cycles biogéochimiques. L’énergie, principalement d’origine solaire, entre dans l’écosystème via les producteurs primaires, qui convertissent la lumière en énergie chimique par photosynthèse (6 CO₂ + 6 H₂O + lumière → C₆H₁₂O₆ + 6 O₂). Cette énergie est ensuite transférée le long des chaînes trophiques, mais avec une efficacité limitée : selon la loi de Lindeman (1942), seulement 5 à 20 % de l’énergie d’un niveau trophique est transmise au niveau supérieur, le reste étant perdu sous forme de chaleur (respiration, métabolisme) ou de matière non assimilée (fèces, urines). Cette perte explique pourquoi les chaînes trophiques comptent rarement plus de 4 ou 5 niveaux : l’énergie disponible devient trop faible pour soutenir des prédateurs supérieurs. Parallèlement, les cycles biogéochimiques assurent le recyclage des éléments essentiels à la vie, comme le carbone, l’azote, le phosphore ou l’eau. Le cycle du carbone, par exemple, implique des réservoirs (atmosphère, océans, sols, roches) et des flux (photosynthèse, respiration, décomposition, combustion). Les écosystèmes terrestres et marins jouent un rôle clé dans la régulation du CO₂ atmosphérique : les forêts stockent le carbone dans la biomasse et les sols, tandis que les océans l’absorbent via le phytoplancton (pompe biologique) ou les réactions chimiques (pompe physique). Cependant, les activités humaines (déforestation, émissions fossiles) perturbent ces cycles, entraînant des déséquilibres comme l’acidification des océans ou l’eutrophisation des lacs (prolifération d’algues due à un excès de nutriments). Un autre processus fonctionnel majeur est la régulation des populations par des mécanismes de rétroaction négative (qui stabilisent le système) ou positive (qui amplifient les changements). La prédation, par exemple, limite la surpopulation des proies, évitant ainsi la surexploitation des ressources (comme les lemmings et leurs prédateurs dans la toundra). À l’inverse, la disparition d’un prédateur clé (comme les loups dans le parc de Yellowstone) peut déclencher des cascades trophiques, où la prolifération d’herbivores (cerfs) entraîne la dégradation de la végétation et la modification des cours d’eau.
Un écosystème n’est pas un système fermé : il échange matière et énergie avec son environnement via des frontières perméables. Par exemple, une rivière reçoit des nutriments des sols environnants (lessivage) et exporte des sédiments vers l’aval ; une forêt émet de l’oxygène et absorbe du CO₂, tout en étant influencée par le climat régional. Cette connectivité explique pourquoi les écosystèmes sont souvent regroupés en paysages ou biomes (ensemble d’écosystèmes similaires à l’échelle continentale, comme la taïga ou la savane). Les zones écotonales (frontières entre deux écosystèmes, comme une lisière forestière) sont particulièrement riches en biodiversité, car elles combinent des espèces des deux milieux et offrent des conditions intermédiaires. Cependant, cette perméabilité rend les écosystèmes vulnérables aux perturbations extérieures, qu’elles soient naturelles (éruptions volcaniques, glaciations) ou anthropiques (pollution, fragmentation des habitats). Leur résilience – capacité à retrouver un état d’équilibre après une perturbation – dépend de facteurs comme la diversité des espèces (qui offre une redondance fonctionnelle), la complexité des réseaux trophiques et la disponibilité des ressources. Certains écosystèmes, comme les récifs coralliens ou les tourbières, mettent des siècles à se reconstituer après une dégradation, tandis que d’autres, comme les prairies, peuvent se rétablir en quelques décennies.
Enfin, les écosystèmes rendent des services écosystémiques (ou services écologiques), c’est-à-dire des bénéfices que les sociétés humaines tirent, directement ou indirectement, du fonctionnement de la nature. Ces services, classés en quatre catégories par le Millennium Ecosystem Assessment (2005), incluent :
Bref, un écosystème est bien plus qu’un simple assemblage d’éléments : c’est une entité dynamique, façonnée par des millions d’années de coévolution entre les organismes et leur milieu. Sa compréhension nécessite une approche systémique, intégrant l’écologie, la physique, la chimie et les sciences sociales. À l’ère de l’Anthropocène, où les activités humaines deviennent la principale force de changement planétaire, la préservation des écosystèmes – et des fonctions qu’ils assurent – est un enjeu majeur pour maintenir les conditions de vie sur Terre. Les défis actuels, comme la perte de biodiversité, la dégradation des sols ou le changement climatique, soulignent l’urgence de concilier exploitation des ressources et conservation des processus écologiques qui les régénèrent.