LES NOUVEAUX SOPHISTES 3 / Mise en route
Badiou se fait passer pour ce qu'il n'est pas. "Un manifeste n'est jamais le manifeste de ce dont il se donne le titre" dit-il. Je n'ai rien de plus à rajouté, je connais bien cet épisode. Je trouve très beau que Virginie Linhart pas. Il suffit de comprendre que Vincennes/Saint-Denis s'est basé sur un enseignement sans cours magistraux, dans de petite salle. Ce qui est l'inverse de ce que veulent mettre en place les sophistes (les enseignants magistraux qui déversent des généralités). La citation de Miller sur Lacan est éloquente : "Je sais ce que vous cherchez, vous cherchez un maître, vous aurez ce que vous cherchez". Lacan avec celui que l'on nomme l'imposteur Althusser ont joué sur la maîtrise. Comme le dit Lacan dans sa conférence baroque à Bruxelles, toute organisation suppose un maître et c'est bien cela à quoi veut arriver Badiou le sophiste. Il est aux antipodes. Il rend la philosophie malade, de son propre aveu (Métaphysique du bonheur réel p. 27). Il n'y a pas de mot pour parler de ce genre de perversité. Sa pensée est une pensée de la mort, lui-même dit osciller "entre la vie et la mort" (ibid.). Je veux dire que cela a une des conséquences sur un certains nombre de philosophes qui en sont décédés. C'est cela quand on manipule si mal l'affectif et qu'on dépeuple trop brutalement l'imaginaire. Cyrulnik parle très de ces suicides en cascades, ainsi quatre personnes ont suivi Deleuze.
Ce sont toujours les opposés qui s'attire, ainsi Platon attire les sophistes, les penseurs de peu de rigueur. Epicure attire les voluptueux inquiets et une certaine branche de l'eudémonisme (Salem, pour qui j'ai une grande tendresse, m'avait fait remarquer cela et pour lui-même en somme).
C'est au final Bergson qui a le jugement le plus sûr pour les penseurs qui savent que leur pensée n'est viable et qui la médiatise pour mieux la répandre. Il faut savoir sortir de l'étude de gamme (ce qu'est l'enseignement de la philosophie). La philosophie vit en fait une grande ère. Je pense à l'affirmation récente des simonidiens (qui ont très bien saisi la stratégie du coucou et donc de l'assassin), au déploiement de la complexité.
Je reste volontairement évasif parce que quelque chose, qu'on nomme réaction, cherche a empêché la levée des butées, soit par l'hypercritique (que l'on retrouve à l'extrême droite) soit par le dogmatisme, qui relève du "il y a"). La question n'est pas de fonder sa pensée, de savoir sur quoi on se fonde mais d'avancer dans un va-et-vient entre la patience de la passivité et l'activité métabolisée (qu'on nomme création).
Il faut faire attention à ceux qui manipulent le désir de nouveauté tout en opérant que par ventriloquie, ils cherchent avant tout à reproduire une névrose. Toute la pensée nazi a joué en son temps de cela, c'est un prof de l'ESAM de Caen qui a très justement relevé cela. La pensée est disséminée mais il est temps de reprendre nos positions.
Badiou me semble constituer en lui-même une maladie auto-immune de la philosophie, je n'ai pas très bien compris ce que l'Ecole de Nice avait à gagner à l'aider, à lui montrer l'usage sophistiqué de la logique paraconsistante (bien qu'elle lui soit nécessaire, tant le fruit est pourri et qu'il s'égare). Badiou prend la logique du rédempteur pour de la sophistique et il tant à élargir la catégorie sophistique d'antiphilosophe pour faire de Lacan un philosophe... Peut-être qu'un jour Cyrulnik indiquera par écrit sa répulsion pour Lacan et la perversité qu'il a introduit après le premier virage psychopathologique, c'était une virage langagier qui, là encore, comme l'ont remarqué Bachelard et Castoriadis ne tenait pas compte de l'imaginaire, bref de la fantaisie (Rabelais), de la folie (Erasme), de la fureur (Pétrarque).
Badiou est bel et bien dans une logique de désir de nouveauté qui consiste proprement à s'écarter de son objet (le désir de philosophie comme fait social est bien au centre de ses récents livres). Je ne souhaite pas en dire plus car Badiou réutilise mes propos, et bien mal lui en a pris d'avoir fait un mixte de Platon et de Spinoza.
Conclusion que j'ai amenée dès 2012, Onfray est plus platonicien que Badiou. Il est même intéressant de voir dans ce documentaire que l'agent littéraire d'Onfray, de BHL et de Houellebecq c'est-à-dire toutes les pseudo-pensée nauséabondes d'aujourd'hui, intervient dans ce documentaire, comme si celui-ci avait un flair spécial. Par contre j'invite à lire Badiou le sophiste même si moi-même je ne le lis plus, ses complications ayant tendances à être contagieuses. Mais il faut lire une pensée qui s'égare, qui s'abîme sur le flanc, lui qui tire les titres de ses livres de Mallarmé ou de Rimbaud (autre marque du sophiste selon Roubaud).
Il faut lire le livre de Dosse sur Deleuze et Guattari, Badiou envoyait bien ses étudiants aux débuts des cours de Deleuze et celui-ci devait parlementer. Cela devait faire partir d'un article que je voulais intituler "Grandeur de Villes Deleuze" pour déplaire à Eric Lecerf, qui a tant changé, qui s'est tant résigné. Car Deleuze a toujours fait attention de ne jamais faire cours dans la salle qui est bloqué chaque année et qui explique que des profs comme Soulez, Kullashi, Brossat, Déotte faisaient cours à la MSH-Nord et non dans les locaux du département. Il n'yy a peut-être qu'en 86 que l'on peut ressentir les mouvements qui ont limité le nombre de cours de Deleuze, sinon celui-ci faisait comme Loraux très attention à l'épanouissement des cerveaux chercheurs (qui ont besoin une stabilisation affective régulière).
Savoir s'en sortir avec les fous, les importuns, les drogues... c'est l'une des fonctions de la philosophie pour les siens. Une de mes hypothèses est que Deleuze est mort d'avoir sous-estimé la bassesse de certaines personne . Dans son premier livre majeur (1960) il insistait sur les ennemis de la pensée que sont la bêtise et la bassesse et toute sa vie il a insisté sur la première, délaissant la seconde, il a correspondu avec un sophiste et son gendre était un hégélo-platonicien, on fait mieux comme entourage.