537. Reste la dimension de l’artiste, du poète.
Comment se fait-il que la vie devienne résistance avec Deleuze ? Comment se fait-il que les idées soient tant déterminées par les circonstances et les intensités qui adviennent à Deleuze ? C’est que cette vie est problématique, qu’en cela Deleuze et Nietzsche ne sont pas loin de la vision nietzschéenne de Socrate. Cette vie rencontre des problèmes et, sans cesse, est obligée de créer pour poursuivre son système ou son œuvre. Et cela ressort d’autant plus chez l’artiste : Il n’y a pas d’œuvre qui n’indique une issue à la vie DzP_196. Si la vie ne meurt pas elle n’a guère besoin d’issue, elle ne pose pas de problème, mais il y a bien là une impossibilité, une bêtise qui surgit et pousse au dépassement. Il y a bien un problème avec la vie chez Deleuze. L’Idée de la Vie 535-536 — qui n’existe pas — pose problème et insiste chez Deleuze, « La » vie est problématique, comme elle le fut pour Socrate offrant un coq au dieu médecin sur son lit de mort et même comme elle le fut pour Nietzsche dans son Contre Wagner. Mais qu’arrive-t-il à Deleuze pour qu’il dise en parlant des écrivains anglo-saxons qu’ils ont vu quelque chose de trop grand pour eux et que ça les brise ? Est-ce une idée qu’ils n’ont pas supportée quand on sait que c’est avant tout une affectivité et une nervosité qui ont joué en retour ? Les individus rompent à bout de résistance — non pas les dividus 937. Se sont-ils réfugiés dans les Idées plutôt que de penser par l’action ? Nécessité de l’abstrait, de l’idée si rare et du partage des notions communes ? Serait-ce la variation transcendantale qui fait que dès qu’on pense avec les idées on affronte nécessairement une ligne où se jouent la vie et la mort DzP_141 ? Pourquoi faire osciller la puissance de penser entre une certaine « idée » de la vie et une certaine « idée » de la mort ? Peut-être parce que c’est toujours la philosophie qui s’est arrogé ce qu’il y a de pensée, d’effort à penser dans « la » pensée cf. DzDR_192. Finalement tout pourrait être vu du point de vue de l’affectivité, de ce à partir de quoi nous pouvons enclencher sur une situation. Nous tombons là dans un nihilisme temporaire, mais il s’agit bien de parler des générations plus que des individus. Dans un grand pessimisme, on peut se demander qui connaît sa mort ; on connaît toujours le décès des autres et par là on se fait une idée de la mort, on appréhende la sienne ouh là là ! Terrible ! « La mort » n’est pas la grande inspiratrice mais qu’une idée qui trotte dans la tête et dont toute la pensée occidentale a du mal à se défaire pour enfin penser, penser l’action et non pas engendrer « penser » dans la pensée DzDR_192.
Aparté. Bien entendu, ça va mal chez vous et ça va très mal aussi chez moi mais ce n'est pas seulement ça qu'on aurait à se dire. Ou bien je pourrais poser la question autrement : qu'est-ce que c'est qu'avoir une Idée ? ... Les idées sont des potentiels déjà engagés dans tel ou tel mode d'expression si bien que je ne peux pas dire que j'ai une idée en général. Début de la conférence de Deleuze à la Femis du 16 mars 1987, extrait censuré dans ses textes DzRF. On peut relever là combien Deleuze projette sa propre tonalité, son vide d’amitié et sa croyance en l’âme.
On commence à se faire des idées et on n’a plus la force d’oublier activement les traumatismes. La philosophie a longtemps été juge de la vie et de la mort, elle devient son avocat avec Spinoza et sa conception immanente des idées. Quel est le troisième terme pour sortir de la Justice ? Reste que toute idée est inadéquate à l’action alors qu’aujourd’hui s’étend de manière imperceptible le système des opérations où l’erreur n’est plus possible, où la négligence de celui qui franchit la ligne n’est plus tolérée. C’est à l’action de prendre le relais et souvent elle indique que cette vie inorganique, n’est pas « la vie », Cette approche de vie est une constellation collective qui se manifeste partout où de la douleur et de l’audace impersonnelle étincellent entre quelques-uns. Elle traduit une affectivité primordiale, une intensité dionysiaque, une énergie démonique, un ki 832b.
Pseudo-Denys ne peste plus contre Dieu mais vitupère contyre son prochain : « mais quand est-ce qu’on vous enlèvera ces idées de la tête ? » Aux chimères et à la poésie, Pseudo-Denys préfère la fantaisie 538.