PENSEE / Restons des chiens-chiens
La philosophie est un tempo, un rythme qui se tient loin de la révolte et de la
résignation, ou comme dirait Schopenhauer loin de la peine de l’ennui, elle se situe aussi loin de l’égoïsme et de l’altruisme même si elle passe par là elle n’en reste pas au faits proprement
humain. Comme le disait Michel Tournier à propos des années où il s’occupait quotidiennement de Deleuze : « un génie n’est pas viable » Entretien avec Bernard Pivot.
Ceci est certain, on se met à admirer, on sacrifie son ego pour un autre ego. D’où l’apparition du génie comme une comète solitaire et incomprise, mais qui n’est qu’une des conséquences du
système moral et hiérarchique, qui n’admet peu l’autonomie ou l’immoralisme. Contrairement au devoir que Nietzsche fixe à la société, sa part conservatrice a intérêt à personnaliser le génie pour
ne pas que son démon se répande, que sa manière de résoudre les problème se sache, ce qui rendrait seconde le principe conservateur de la société (qu’on l’appelle morale, hiérarchie ou
hétéronomie. « Surtout pas de Gai Savoir ! Restons tristes et coincés comme des incapables ! ». C’est à la pensée autonome de savoir sortir de toute ces
déterminations (, de s’affranchir des mœurs (la morale), de devenir autonome à mesure qu’elle devient autonome et imperceptible en indiquant son propre
tempo et non celui que lui soumet le langage dominant, avec ses mots plats et désincarnés propres aux représentations de l’intelligence. Ce n’est que de cette manière que l’on sortira et du
matérialisme et du spiritualisme : le philosophe… pourra toujours hypostasier l’unité de la nature ou, ce qui revient au même, l’unité de la science, dans un être qui ne sera
rien puisqu’il ne fera rien, dans un Dieu inefficace… ou dans une Matière éternelle BgEC_198. C’est de cette manière que l’on s’éloignera de l’homme économique et nihiliste,
celui qui passe et use et perd sa vie à échapper à l’imminence de la mort. C’est un être fini FcMC_269. Pas plus, et nous pouvons le comprendre à partir de Badiou qui se
restreint mais surtout de Nietzsche, on ne pourra hypostasier la vie en une puissance unique, d’autres forces comme le travail, le langage persistent. l’entendement si communément partagé
n’est pas seul a avoir un langage, demeure une sorte de langage toujours minoritaire, toujours autonome par rapport à l’entendement car proche de l’intuition, BgEC_258. C’est de là
qu’émergent les signes porteur de nouveauté, que l’on réduit trop vite à des événements. On a toujours voulu réduire le travail à de la production, le langage à de la communication mais surtout
la vie à des organisation. Ce que ne manque pas de faire Bergson en posant la ligne de démarcation entre l’inerte et le vivant BgEC_199 organisé (animaux et végétaux). Même la
durée chez Bergson, que Deleuze jugeait par moment trop hégémonique, était porteuse du discours dominant du spiritualisme et du vitalisme comme pensée de la Mémoire pure ou de la Durée-Dieu
(l’Un-Tout). Ce n’est pas que la pensée autonome vaille pour tout mais elle vaut irréductiblement pour elle-même, comme dans le fractionnement . Toute pensée autonome, qui vaut par elle-même est
le fruit d’une capacité ou d’une puissance collective, c’est pour cela que Badiou parlera de capacité restreinte qu’il nomme subjectivité. Cette capacité, cette aptitude à un plus grand nombre de
choses se tient loin des opinions autoritaires et du pouvoir. Ce qui est de l’ordre de l’opinion se renvoie la balle. De manière absconse on peut dire que la pensée autonome est un dedans au
dehors du dedans de la philosophie (homonome la dialectique ou hétéronome la morale humaniste BHL©), mais ça en est absurde puisqu’il n’y plus dedans ni dehors, juste des
incompréhensions.
L’université elle aussi, par sa dépendance envers l’Etat (l'Eglise n'y a plus sa place), qui rappelons-le est une hiérarchie avant être une bureaucratie, l’université, donc, tend à empêcher ce tempo de la philosophie qui lui n’a pas le souci de se faire voir. Il faut savoir abandonner tous les –ismes, toutes les écoles et prendre l’isthme, le chemin apparemment étroit où l’on se met à penser par soi-même. Ni spiritualisme, ni matérialisme, ni vitalisme. Ni esprit ni matière, ni attitude qui fixe la vie. Simplement la pensée comme compréhension de la vie à tel point que la pensée et la vie c’est la même chose.