LETTRE A SAMI LE LEXICOGRAPHE 2 / La plus rapide présentation de la philosophie d’Alain Badiou (la politique du coucou)
« crépusculaire » : Alain Badiou dit de sa philosophie qu'elle est « crépusculaire » (allocution du 5 novembre 2006). Cela veut simplement dire qu'elle inepte et inapte à relever ce que sont la vie, le travail ou le langage intime, celui de l’affectivité. Que sa philosophie soit crépusculaire veut aussi qu’elle se pose en juge d’une époque en disant par exemple que « le maoïsme lacanien et l’anarchisme deleuzien sont finis » (10 mars 2006). Il nous invite à les enterrer dans son essai le Siècle à travers l’ « inhumanité » dont il se revendique. C’est un peu non que son personnage de comédien soit antipathique, mais que son procès aggravent les problèmes les plus abstrait à partir de malentendus sur le premier théorème d’incomplétude de Gôdel ou surinvestissement d’une mauvaise traduction du poème de Parménide (celle de Jean Beaufret), à savoir « le même est à la fois pensée et être » répétée à tue-tête (pour l’exemple : C_87, C_250, C_279, DC_117, OT_49, OT_96, LM_109).
« tansitoire » : une vérité pour Badiou n'est au fond qu'une erreur qui défendue bec et ongle de tel sorte qu’elle sera tristement incorporée par les masses qui elle, selon sa logique du corps, ne savent pas résoudre de point. Badiou, en bon dialecticien, n’a pas oublié que "Tout est contradiction", prisonnier ainsi de la parole polémique qui asseoit son pouvoir. Il n’a pas oublié via Platon que " Le Combat est Pére et Roi de Tout", et que c'est par le combat, la contradiction, la polémique que des erreurs transitoires s’inscrivent comme des vérités éternelles. De son combat politique, de l'action précaire et restreinte de ses vérités sur la politique et la culture, il n'est pas né grand chose, il a changé d’optique, il est devenu polémiste à grand tirage, peut-être l’influence d’un petit texte. C’est que la politique, comme il l’entendait auparavant, était avant tout une astreinte fidèle à une advenue fantasmée et plus encore « déclarée » : celle de l'égalité, celle d'une révolution qui n'a jamais réussi à conjuguer liberté et égalité, parce que ce type d'émancipation se fait toujours par la violence et est maintenue par ce même régime de violence contre toute liberté sous couvert d’un tribunal de l’égalité. C'est sans doute pour cela qu'au sein des jeunes du PSU, peu après mai 68, il pouvait maintenir bec et ongles face à Rocard que « nous ne sommes pas allés assez loin dans la violence ». Esprit faux rétorquait Rocard. Mais c'est au fond comme si nous avions assisté au développement du toujours adolescent Badiou, comme si ne voulant se renier il appuyait sur son double discours toujours à contre-temps des événements, dans ce qui lui est constitutif (plus que l’événement) à savoir la fidélité, la propriété. Car pour lui un corps est fait d'organes qui précisément s'éloignent de l'égalité nihiliste, un corps d'armée est fait d'organes d'élite, pour donné un exemple. Cette même égalité qu'un temps il prétendait défendre et qu'encore dans un double discours il met en avant, pour satisfaire ceux qui sont pris dans le matérialisme démocratique qu'il abhorre. Mais de sujet manipulant la pince de la Vérité du système de la « badiolite », il n'y en a qu'un au bout du compte, ce qui pour revenir toujours au Même, n'est autre que Badiou, le grand dépeupleur de l'humanité, celui qui nos amena sur terre l’infini actuel dont nous ne savons que faire. Que faire du vide qui se rajoute à la réalité pour au fond en limiter et en enrayer les processus de bouleversement et d’émergence. Il ne faut pas se leurrer : prôner l'égalité c’est s'asseoir dessus, tel un fier sujet sur son trône parvenu. Il y a ceux qui la déclare et ceux qui la vivent ou le voudraient.
« Précaire » : La « maxime égalitaire », le fait de déclarer qu’il y a égalité entre toutes les personnes qui errent dans la vie est absolue et saisissante, cette égalité proclamée n’est pas de l’ordre de la science, mais de la conviction c’est-à-dire qu’elle est ni réfutable ni prouvable puisqu’elle n’adviendra jamais. Pourtant Alain Badiou donne de l’égalité une définition saisissante de terreur, preuve que le langage autre qu'abstrait à son efficience : L'égalité c'est que chacun soit renvoyé à son choix non à sa position sociale, son statut. Cette égalité cache mal combien elle nécessite un envers, un tribunal du négatif (que déjà Badiou faisait fonctionner pour juger du contenu politique des cours de Vincennes), dont le jeu consiste mettre en place une inhumanité. Cette égalité est inséparable d'un pouvoir (signifiant ou symbolique) qui la déclare et donc marque une rupture avec l'idée que tout se vaudrait ou que tout entreprise est vaine. Mais, cette définition de l'égalité — liée au pouvoir — rejette une autre définition de l'égalité plus deleuzienne qui la lie à la puissance : l'égalité c'est ne pas être séparé de ce qu'on peut. Limite de notre langue qui associe en un même verbe les substantifs que sont la capacité, la puissance, la possibilité et le pouvoir. Mais là c'est bien de puissance dont il s'agit, mais cette définition Badiou la rejette comme étant celle de la liberté entendu par le nihilisme (le matérialisme démocratique dans son jargon) : pour Badiou, le nihilisme veut qu'on est libre si nul langage ne vient interdire aux corps individuels qui en sont marqués de déployer leur capacités propres. Pour Badiou, la liberté vaut comme l'incorporation d'une erreur ou d'une illusion (celle du générique qui se vaudrait toujours déjà là comme les vérités « éternelles » qui en découle, c'est la participation d'un corps à travers des langage à une vérité dite générique. Comprenez une vérité qui let en rapport à travers une dialectique les genres suprêmes hérités, soulignons bien, du Sophiste du Platon. Mais Badiou sait combien Dans le réel (…), les vérités sont rares et précaires, leur action est restreinte AM_26. les vérités sont saisies dans l’extrême urgence, l’extrême précarité de leur trajet temporel C_80, trajet temporel ou fidélité qui n’est qu’illusion puisque qu’une vérité générique (en tant qu’elle postule des genres) n’est au finale que « Le système statique des conséquences d'un événement » LM_475. Pourtant Badiou se donne l’illusion, via un système logique et formelle, que son espace des vérités s’est étendu. Nous demeurons pourtant dans une fiction symbolique d’Art et de Savoir (cf. Conditions) qui ne rejoint ni n’atteint jamais la Vérité (la Vérité est hyperbole) et lui préfère, ce qui est typiquement platonicien, un pis-aller : le fameux régime moral de la véridiction qui impose un découpage en supérieur (le sujet digne) et inférieur (l’ensemble des « êtres » soumis à la). Dit autrement, la précarité des vérités marque l’inconséquence de la philosophie académique hors d’elle-même (cf. Manifeste pour la philosophie).
Peut-on dire que Baiou déroge à la règle platonicienne qu’il s’est fidèlement fixée : le premier geste du « philosophe académique » est celui d'une rupture avec les affects. Mais Badiou reconnaît, toujours dans son allocution du 5 novembre 2006 que l'affect premier qui a conditionné son écriture de platonicien fut l’étonnement face à l'existence de renégat. Comprenez derrière ces mots combien il ne s'est jamais remis de la mort du « père » que fut Althusser, du reniement du « père » par rapport à ses fils philosophes lorsqu'il affirma qu'il était en dernier lieu giscardien et chrétien. La chose est entendue : les maoïstes aiment le pouvoir, ils aiment la jouissance discursive, ce qui les a fait se lier si intimement à Lacan. Mais Lacan dont parle toujours Badiou, comme l'instigateur chez lui de la Théorie du Sujet n'est qu'un père de substitution, celui dont il ne faut pas dire combien dans le système de Badiou il représente le sophiste, le bricoleur de mi-dire (ce pourquoi il s'appellera l’anti-philosophe l’anti-système), car il est sûr qu'un philosophe ne peut naître d'un anti-philosophe où ce serait déshororant et indigne pour la badiouserie. La chose est tue chez Badiou, on avouera volontiers papa-mathème maman-poème. Mais la pensée de Badiou est avant tout un héritage fidèle à la mystique scientiste d'Althusser et aux bricolages et autres mi-dire (vérités) qu'il faut abandonner pour Lacan (le mathème ou le nœud borroméen). Badiou fige tout cela dans son aridité, sa façon d'arriver toujours à contre-temps lors des événements, d'être tenu à l'écart. C'est au fond sa traversée du désert et l'aridité qu'il s'est imposé. Il souhaite faire payer du sceau de sa vengeance tous « ses » égaux, ceux qui errent dans le fond indifférencié de leur non-choix. Un jour l'on comprendra combien les vérités de Badiou sont réactives, héritées, que le générique, qui y pullule, n'est qu'un héritage obscur et avant tout excluant et fait de discriminations. Prétention à la fidélité qui n’est que le masque de ce que Badiou ramène toujours tout à lui-même, à ce qui est pour lui le propre. C’est au fond la manière de nous refourguer des formes anciennes sous l’apparence de la nouveauté. Mais la forme est toujours ancienne.
Badiou se comporte comme un prêtre, un Saint-Paul de la Philosophie et c'est le propre du prêtre de nous faire sentir que nous devrions avoir une dette infinie envers lui. Notre immense reconnaissance envers Badiou est qu'Alain Badiou serait anagramme sonore d'A bat l'Un-Dieu. Badiou serait l'introducteur dans la pensée de l'infini actuel. Malheureusement, c'est oublier combien l'infini paralyse, combien la saisie de la Vérité (sa « pince ») tétanise plus qu'elle affecte. A tout mécréant de sa philosophie, il rétorque aisément « Cher ami, vous n'avez pas de vision claire de telle ou telle chose », car lui demeure prisonnier de sa fidélité, ficeler à la l’unique propriété du Bien qui serait d’être innommable, donc contrairement à l’égalité de ne pouvoir être déclaré. Exclusion de tout les mécréant du nid du coucou. Pour en revenir au prétendu infini, prenons celui que Badiou pose sur le mouvement comme Zénon d’Elée le faisait en son temps. L'homme moderne reste cloué sur place face à l'infini (celui qu’en grand cardinal psalmodie monseigneur Badiou) comme Achille aux pieds agiles dans le paradoxes de l'Eléate Zénon : l'infini, c’est de dire que l’être du mouvement est immobile, qu’il est donc inutile d’être dynamique. Ce serait au fond, le plus statique qui l’emporterait avec une grande facilité bedonnante sur le dynamique qui se dépense. Pourtant dans l'antiquité les hommes étaient plus libres que ceux de l’inhumainté que nous prépare Badiou : leur buts étaient plus proches et plus tangibles que les infinis de monseigneur Badiou. Etre allemand ou wagnérien comme Badiou et toujours se baser sur un Bien qui stoppe la régression à l'infini des idées, le frissonnement des intuitions, . Le Bien, c’est-à-dire ce qui n’a aucune propriété contrairement aux idées est ce qui condamne la vie. Le Bien ou l’impropre c’est ce qui oblige à un choix moral tout en faisant que le Mal se répand partout ailleurs. Mais la vie n’en a que faire puisque elle ne sais séparer le Bien du Mal, le oui du non. Aller au-delà du choix, du dilemme, c’est à quoi invitait Héraclite quand il disait que la nuit et le jour ou le Bien et le Mal c’est la même chose. Ces opposés, ces contradictions à la tournure morale, participe du même régime de jugement et au fond ot tant d’affinité entre eux comme les policiers avec les brigands (voir les infiltrés de Sorcese). Aujourd'hui nous avons plus que la possibilité, la capacité, de nous tenir bien loin des Grecs simplement parce que nous sommes dans une proximité effective avec eux, avec leur choix de la liberté. Nous n’avons aucun complexe vis-à-vis contrairement à Heidegger en son temps. Etre grec comme Nietzsche c'est jouer sur le fini illimité, sur la régression à l'infini de nos intuitions qui nous indiquent là où se trouve notre plus grande volonté et notre plus grande affectivité (les affects sont les forces porteuses de devenirs). Etre grec comme Nietzsche, c’est débuter par des buts proches qui nous emmènent vers l’avenir et ne nous font pas espérer un ailleurs face à l’inhumanité du monde. Dissuasion.
Prétention à une fidélité, Exclusion, Dissuasion, la philosophie de Badiou, celle qui enrobe sa pensée, est un philosophie du coucou, qui jette tous les oeufs hors du nid, qui vient toujours se greffer sur les constructions des autres pour les corrompre, les rabattre moralement sous couvert d’une « vie digne » mais déclinante en fait. Platoniser en paix loin des mise en garde de Kant c’est au fond ce que veut Badiou, et ce que fit Badiou dès lors que son cerveau comme tout cerveau après 55 ans . Nous avons eu de jeunes penseurs qui envisageaient la vie sous un tout autre angle : Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche, Deleuze (jusqu’à Mille Plateau) mais il est vrai que c’est une donnée physiologique qu’il n’est pas bon de révéler au risque d’entrevoir un mépris du corps et de la vie. Espérons qu'une nouvelle génération de philosophe saura naître indifférente à Badiou, que sa pensée sera l’exemple même de ce que l’on peut constituer de plus rabougri. C’est que la nature et la vie sont indifférentes au choix, à l’intellectualité de Badiou nomme parcours à l’envers d’un isolé ou du vide aride (Isolat = une partie telle qu'elle n'a nulle autre sous-partie stricte que le vide LM_469). Sa tentative actuel de nouer sa pensée à la culture philosophique vise une position de surplomb pour précisément stopper cette culture et imposer une civilisation qui dompte la vie.