PEDAGOGIE / Les trois modèles
Nous reprenons ici les travaux de Jean-Pierre Astolfi sur les Trois modèles pour enseigner in L’école pour apprendre, ESF, Paris, 1992.
Modèle transmissif ou dit de « l’empreinte »
Cette pédagogie, appelée « magistrale » ou « frontale » s'inspire des travaux de John LOCKE. La connaissance est transmise par l'enseignant. Elle viendrait s'imprimer dans la tête de l'élève comme dans de la cire molle.
Cette première position en éducation, au-delà de la particularité des matières enseignées, ignore les conceptions préalables de l’élève. Elle considère que l’élève est vierge de tout savoir initial à celui visé dans le cadre de l’acte d’enseignement ou de la délivrance d’une information. L’élève demeure passif dans un schéma de type émetteur/récepteur où l’enseignant est au centre de l’activité de transmission du savoir. Posant par principe que l’élève est vierge de toute connaissance, la conformation au modèle transmissif suppose qu’un éducateur ou un médiateur adopte le postulat qu’un élève serait intrinsèquement ignorant de tout en art. Des définitions préalables et culturellement dominantes des notions d’art et d’œuvre priment sur tout autre substrat. En conséquence, ce qu’un élève peut se représenter a priori de la chose artistique n’est pas reçu. Il doit être éduqué à une norme et apprendre à en manipuler les codes. Dans le jeu des valeurs culturelles, cette conception tend à écarter des préalables (pré-requis) qui infèrent pourtant sur les apprentissages artistiques. En effet, des représentations mentales sur l’idée d’art ou d’œuvre coexistent dans la classe. Profondément inscrites dans la société, elles sous-tendent de possibles divergences entre les individus qui peuvent ressurgir dans les apprentissages scolaires. Potentiellement acquises dans l’environnement familial ou au sein d’un groupe social, ces représentations peuvent même avoir été enrichies par un travail antérieur de l’école.
Modèle comportementaliste ou dit de « conditionnement »
Cette théorie, appelée béhaviorisme, prend appui sur les travaux de THORNDIKE, PAVLOV, SKINNER et WATSON. L'apprentissage résulte d'une suite de conditionnements « stimulus-réponse ». Les connaissances sont définies en termes de comportements observables attendus en fin d'apprentissage.
Cette position en éducation consiste à éviter les conceptions préalables. Il s’agit d’une approche de l’activité intellectuelle qui s’attache aux corrélations entre des stimuli extérieurs et des comportements de l’élève. Selon cette théorie de l’apprentissage, la personnalité et le comportement résultent de l’expérience vécue dans l’environnement. Les étapes de l’apprentissage sont programmées de façon rationnelle par l’enseignant. Il s’agit, d’une part de conditionner des comportements de réponse chez l’élève, d’autre part d’élaborer des situations de travail incitatrices aux activités préparées. Dans ce cadre, l’expérience et l’observation sont au cœur des processus pédagogiques. L’expérience sensible y est considérée au même titre que le réel. L’élève est actif.
On retrouve cela dans les approches d’éducation artistique dites par « imprégnation » ont pu trouver un terreau fertile de développement dans le modèle comportementaliste. Par exemple : adopter, à leur contact, les manières de faire des artistes pour amorcer une pratique artistique à visée personnelle ; répliquer des comportements artistiques, à partir d’images d’œuvres, pour induire un geste ou un processus de production. L’enseignant ou le médiateur stimule les élèves (leur imaginaire ?). Il exacerbe leur potentiel de créativité. Il se passerait alors quelque chose dont le résultat formel est envisagé comme relevant de l’expression artistique. L’expression personnelle de l’élève est l’objectif essentiel à atteindre.
Modèle constructiviste
Cette pédagogie est centrée sur l'apprenant. C'est l'élève qui apprend par l'intermédiaire de ses représentations. Les conceptions initiales ne sont pas seulement le point de départ et le résultat de l'activité, elles sont au coeur du processus d'apprentissage. Elle s’est appuyée sur les travaux d’AUSUBEL, PIAGET, GIORDAN, poursuivis par LAVE, BROWN, COLLINS et DUGUID.
Cette troisième position en éducation tient compte des conceptions préalables. Le constructivisme en pédagogie se fonde sur le principe qu’un nouveau savoir n'est effectif que s'il est reconstruit pour s'intégrer dans un réseau de notions acquises par l’élève. Il met l'accent sur l'activité de l’élève pour appréhender les phénomènes dont la compréhension s'élabore à partir des ses représentations initiales. L’élève est actif et son autonomie est renforcée. Le rôle de l'enseignant est primordial. Il doit élaborer et mettre en place, de manière stratégique, une pédagogie où la situation de travail proposée permet l’expérimentation, la résolution de problème ou le franchissement d’obstacles. Il en fait des conditions utiles aux changements de conceptions qui sont visés.
Croisant dans l’apprentissage des entrées pratiques et théoriques, ils veillent à placer l’élève en situation d’expérimentation. L’apprentissage se construit au sein d’une production de travaux réalisés par l’élève, stratégiquement structurée par l’enseignant sur la base d’une proposition ouverte de travail. Les étapes et le résultat de la démarche sont argumentés dans un but de formalisation et de rationalisation des acquis puis situées au regard de problématiques ancrées dans différents "domaines" dans une perspective d’ouverture.