ROSA LUXEMBURG / Ecrits sur la grève générale (1906)
Grève de masse :
"(…) Ce soulèvement de Saint-Pétersbourg, le 22 janvier n’était que le point culminant d’une grève de masse qui avait mis en mouvement tout le prolétariat de la capitale du tsar, en janvier 1905. A son tour, cette grève de janvier à Saint-Pétersbourg était la conséquence immédiate de la gigantesque grève générale qui avait éclaté peu auparavant, en décembre 1904, dans le Caucase, à Bakou et tint longtemps toute la Russie en haleine. Or, les événements de décembre à Bakou n’étaient eux-mêmes qu’un dernier et puissant écho des grandes grèves qui, en 1903 et 1904, tels des tremblements de terre périodiques, ébranlèrent tout le sud de la Russie, et dont le prologue fut la grève de Batoum dans le Caucase en mars 1902. Au fond cette première série de grèves, dans la chaîne continue de éruptions révolutionnaires actuelles, n’est elle-même distante que de cinq ou six ans de la grève générale de. ouvriers du textile de Saint-Pétersbourg en 1896 et 1897."
Lutte contre la bureaucratie :
"Enfin, plus encore les grèves en apparence chaotiques et l’action révolutionnaire « inorganisée » qui ont suivi la grève générale de janvier deviennent le point de départ d’un précieux travail d’organisation. L’histoire se moque des bureaucrates amoureux des schémas préfabriqués, gardiens jaloux du bonheur des syndicats."
Transformations :
"Dans la Russie proprement dite, la journée de 8 heures fut obtenue : en décembre 1904, par plusieurs catégories des ouvriers du naphte à Bakou, en mai 1905, par les ouvriers des sucreries du district de Kiev; en janvier, dans l’ensemble des imprimeries de la ville de Samara (en même temps qu’une augmentation des salaires aux pièces et la suppression des amendes) ; en février, dans la fabrique d’instruments de médecine de l’armée, dans une ébénisterie et dans la fabrique de cartouches de Saint-Pétersbourg. – De plus, on instaura dans les mines de Vladivostok un système de travail par équipes de huit heures ; en mars, dans l’atelier mécanique de l’imprimerie des papiers d’Etat, appartenant à l’Etat ; en avril, chez les forgerons de la ville de Bodroujsk ; en mai, chez les employés des tramways électriques à Tiflis; en mai fut introduite également la journée de 8 heures et demie dans l’énorme entreprise de tissage de laine de Morosov (en même temps qu’on supprimait le travail de nuit et qu’on augmentait les salaires de 8 %) ; en juin, on introduisait la journée de 8 heures dans plusieurs moulins à huile de Saint-Pétersbourg et de Moscou; la journée de huit heures et demie en juillet chez les forgerons du port de Saint-Pétersbourg ; en novembre, dans toutes les imprimeries privées de la ville d’Orel, ainsi qu’une augmentation de 20 % des salaires à l’heure et de 100 % des salaires aux pièces, on instituait également un comité d’arbitrage composé en nombre égal de patrons et d’ouvriers. La journée de neuf heures dans tous les ateliers de chemins de fer en février; dans beaucoup d’arsenaux nationaux de guerre et de chantiers navals; dans la plupart des usines de Berdjansk; dans toutes les imprimeries de Poltava et de Minsk; la journée de neuf heures et demie dans les bassins maritimes, le chantier et la fonderie mécanique de Nicolaiev; en juin, après une grève générale des garçons de café de Varsovie, elle fut introduite dans la plupart des restaurants et cafés en même temps qu’une augmentation de salaires de 20 à 40 % et un congé de quinze jours par an. La journée de dix heures dans presque toutes les fabriques de Lodz, Sosnovice, Riga, Kovno, Reval, Dorpat, Minsk, Kharkov; chez les boulangers d’Odessa; dans les ateliers artisanaux à Kichinev, dans plusieurs fabriques de chapeaux de Saint-Pétersbourg; dans les fabriques d’allumettes de Kovno (en même temps qu’une augmentation de salaire de 10 %), dans tous les chantiers navals de l’Etat et chez tous les ouvriers des ports."
Citations extraites de : Rosa Luxemburg, "Grève de masse, parti et syndicat", 1906.