REACTIONNAIRE / Jean Claude Michéa
Michéa, qui peut oser affirmer de manière la plus fantasmatique qui soit, dans « La Caillera et son intégration » (1), que:
« Si l’on parle en, effet, de l’intégration à une société, c’est-à-dire de la capacité pour un sujet de s’inscrire aux différentes places que prescrit l’échange symbolique, il est clair que cette fraction modernisée du Lumpen n’est pas, « intégrée », quelles que soient, par ailleurs, les raisons concrètes (familiales et autres) qui expliquent ce défaut d’intégration.
S’il s’agit, en revanche, de l’intégration au système capitaliste, il est évident que la Caillera est infiniment mieux intégrée à celui-ci (elle a parfaitement assimilé les éloges que le Spectacle en propose quotidiennement) que ne le sont les populations, indigènes et immigrées, dont elle assure le contrôle et l’exploitation à l’intérieur de ces quartiers expérimentaux que l’État lui a laissés en gérance. » (1)
Voilà le fantasme ultra-réactionnaire de Michéa, qui est typique des réactionnaires qui se prétendent « de gauche », mais critiquent uniquement… « la gauche »! Car Michéa ne critique pas le capitalisme, mais le « libéralisme », et la cible de toutes ses critiques est non pas les fascistes, les capitalistes, la social-démocratie, etc., mais la « Gauche traditionnelle ».
A l’encontre de la figure de la « caillera », Michéa met d’ailleurs en avant le « bandit d’honneur », le « pirate », qui « au moins » aurait été lié à une « communauté locale » – un fantasme qui est là aussi typiquement fasciste, depuis le « projet apache » des « identitaires » parisiens jusqu’aux fascistes italiens faisant du pirate Albator leur symbole!
Un penseur antilibéral ?
Sur tous les sujets, Michéa est un adepte de la thématique réactionnaire de la décadence, qui nourrit les fantasmes de régénérescence, de réforme morale, de retour aux origines perdues, toutes ces thématiques dont les résonances intellectuelles se situent, depuis la Révolution française, du côté d’une littérature politique réactionnaire. Elles sont habilement travesties en une critique de gauche, qui est en fait une critique de la gauche, le tout mélangé à un vague éloge de la gratuité et à une critique du capitalisme qui n’est en réalité qu’une critique du consumérisme.
« l’abolition intégrale de la logique marchande (...) impliquerait en effet que tous les besoins et les désirs des individus pourraient être définis et imposés par la collectivité, ce qui reviendrait inéluctablement à détruire un des fondements majeurs de la vie privée » (2).
Sur le NPA : « son imaginaire no border doit certainement beaucoup moins au vieil internationalisme prolétarien qu’au Guide du Routard et aux clips publicitaires de Benetton » (3).
Sa définition du peuple
Jean-Claude Michéa a une vision très restrictive du peuple, si tant est qu'il parvienne à le définir. Dans les rangs du peuple en effet ne se trouvent ni la bourgeoisie, ni les bobos, ni les soixante-huitards, ni les apôtres du sociétal, ni les tenants de la gauche libérale, ni les immigrés, ni leurs descendants, ni les gays, ni les féministes, ni les familles qui ont abandonné le schéma traditionnel, ni « les élites », ni les nomades, ni les défenseurs du gender, ni les sansfrontièristes, ni les lecteurs de Libération, ou de Les Inrocks, ou de L’obs, ou Monde, ni les téléspectateurs de Canal+ … le « peuple », c’est « la femme de ménage qui joue au loto tous les vendredis, l’ouvrier plongé dans la lecture de L’équipe, l’employé amateur de pêche à la ligne ou la petite veuve qui promène son teckel »
Sources :
1. Jean-Claude Michéa, L’Enseignement de l’ignorance, 1999, Éditions Climats, pp. 97-106
2. Jean-Claude Michéa, La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Flammarion, 2014
3. Jean-Claude Michéa, Notre ennemi le capital, p. 157
4. Jean-Claude Michéa, Le complexe d’Orphée., p. 67