REACOSPHERE / Daniel Cohn-Bendit
Ce texte a été pris ailleurs. Pas le temps de nous appesantir sur le personnage.
Cas de trajectoire réactionnaire...
Ses parents, réfugiés antinazis, passèrent la guerre dans le Tarn-et-Garonne où Daniel Cohn-Bendit naquit à la fin du conflit. À la différence de son frère, Gabriel Cohn-Bendit - pour l’histoire familiale, se reporter à la notice de celui-ci -, il ne fut pas déclaré français et fut donc apatride. Les parents dirigèrent, entre 1945 et 1948, la colonie Juliette pour les enfants de déportés à Cailly-sur-Eure (Eure).
Le père était parti travailler comme avocat en Allemagne fédérale où la mère retourna, en 1958, quand elle apprit le cancer de son mari qui mourut l’année suivante. Daniel Cohn-Bendit fut alors placé dans un internat Odewaldschule, une école alternative fondée sur le modèle de la révolution pédagogique des années 1920. Leur mère revint en France, mais Daniel Cohn-Bendit préféra rester en Allemagne plutôt que de fréquenter un établissement français qu’il jugeait sclérosé. Il passait néanmoins l’ensemble de ses vacances avec sa mère ou son frère. Lorsque leur mère mourut en 1963, c’est son frère qui devint son « tuteur ». Il obtint son Abitur (baccalauréat) en 1964. Les difficultés de déplacement avec des papiers d’apatride étaient telles que son père lui avait fait donner la nationalité allemande en 1953. À sa majorité, il confirma, non sans hésitation, sa nationalité allemande pour échapper au service militaire, son origine juive lui permettant de refuser de porter l’uniforme allemand. Il passa encore une année en Allemagne, puis revint s’installer en France. En 1965, Daniel Cohn-Bendit s’inscrivit en sociologie à l’Université de Nanterre.
Daniel Cohn-Bendit participa avec son frère aux campings libertaires. Son entrée dans la mouvance anarchiste s’effectua par ce biais. La conjoncture nanterroise favorisa son rapprochement avec les autres libertaires, membres de la tendance UGAC au sein de la FA. Le groupe de Nanterre était essentiellement composé d’étudiants libertaires, qui avaient fondé la Liaison des étudiants anarchistes (LEA). Le groupe de l’Université était notamment animé par Jean-Pierre Duteuil. En 1966, les anarchistes quittèrent la tendance oppositionnelle de l’UNEF animée par les trotskistes de l’OCI et fondèrent la tendance syndicale révolutionnaire fédéraliste. C’est surtout à Nanterre que l’action du LEA/TSRF prit une réelle importance. Ils utilisèrent les happenings et des méthodes d’agitation en rupture avec les modes de militantisme traditionnels : tutoiement des enseignants, conférences sur la sexualité, antimilitarisme, demande de mixité des dortoirs de la Cité universitaire et récupération des brochures et des tracts des étudiants situationnistes de Strasbourg. Durant l’été 1966, Daniel Cohn-Bendit se rendit en Israël, où il rencontra des militants d’extrême gauche travaillant dans des kibboutz. Il s’y rendit une deuxième fois en 1970, à l’invitation du Matzpen, un parti d’extrême gauche israélien opposé depuis 1967 à la colonisation de la Cisjordanie et de Gaza. Daniel Cohn-Bendit souligna par ailleurs, dans le Grand bazar, avoir eu peur de la destruction de l’État Hébreu durant la guerre de 1967. À la fin de l’année scolaire 1966-1967, Daniel Cohn-Bendit, Jean-Pierre Duteuil et les autres membres de la LEA quittèrent la FA et participèrent pendant l’été à des rencontres internationales (campings, échanges avec les provos hollandais, etc.). À la rentrée, la contestation se radicalisa. Le bureau de l’UNEF socio-philo-psycho était dirigé par la LEA et les militants se déclarèrent « contre des examens qui ne nous apprennent rien puisqu’on nous interdit de copier. [...] Contre les examens générateurs de névroses, d’angoisse et de frustration sexuelle ». Le 8 janvier 1968, François Missoffe, ministre de la Jeunesse et des Sports, fut interpellé sur les problèmes sexuels de la jeunesse par Daniel Cohn-Bendit qui, après un bref échange, qualifia les propos du ministre de fascistes. Menacé d’expulsion, il dut l’abandon des poursuites à la fille du ministre, alors étudiante en sociologie. Alain Peyrefitte, ministre de l’Éducation nationale, prônait, dès janvier 1968, l’expulsion du territoire de l’étudiant allemand, sans succès. En mars, Alain Peyrefitte revint à la charge auprès du ministre de l’Intérieur Christian Fouchet (« nous n’aurons pas la paix tant que ce Cohn-Bendit restera en France [...] il faut absolument l’expulser »), sans davantage de résultat. Le 22 mars, suite à l’interpellation d’un militant nanterrois, une assemblée générale fut réunie et décida l’occupation de la tour administrative. Le mouvement du même nom vit le jour. Le 25 avril 1968, le mouvement du 22 mars invita le député communiste Pierre Juquin. Daniel Cohn-Bendit, comme l’ensemble des militants du 22 mars, était, par passion de la liberté, favorable au débat. Mais les militants maoïstes empêchèrent Pierre Juquin de s’exprimer. La légende retint que les anarchistes avaient fait quitter l’Université au dirigeant communiste sous le slogan « Juquin lapin », alors que Daniel Cohn-Bendit voulait débattre des tabous du communisme : Kronstadt, la répression des années 1930, le rapport Khrouchtchev ou la révolte des ouvriers de Budapest de 1956.
Les différents engrenages provocation/répression étaient lancés. La figure centrale de ce conflit générationnel et sociétal devint Daniel Cohn-Bendit, qui fut affublé du sobriquet de « Dany le rouge » par la presse. Alain Peyrefitte entreprit de monter une procédure de sanctions universitaires permettant ensuite l’expulsion. Entre-temps, Georges Pompidou, Premier ministre, hésita entre la fermeté et l’apaisement. À la fin avril, il demanda ce qu’on attendait pour expulser Cohn-Bendit, mais lorsque ce dernier fut interpellé le lendemain par la police, il estima inutile d’incarcérer « un étudiant qui a fait un canular ».
Le 1er mai, le cortège du « 22 mars » s’affronta violemment au service d’ordre de la CGT. Le 3 mai, Georges Marchais* le dénonça comme un « anarchiste allemand » dans les colonnes de l’Humanité, ce qui, comme le laisse entendre Pierre Juquin dans ses mémoires, était une réponse aux événements survenus le 25 avril à Nanterre. Le 6 mai, Daniel Cohn-Bendit et sept autres étudiants, dont René Riesel, l’un des membres de l’Internationale situationniste, passèrent devant le conseil de discipline ; ils furent défendus par Henri Lefebvre, Alain Touraine et Paul Ricœur. Mais le conseil ne rendit jamais d’avis : la cour de la Sorbonne venait d’être investie, puis l’université fut fermée. Lors des événements et des affrontements de mai, Daniel Cohn-Bendit fut à la fois agitateur et conciliateur, évitant, par un accord tacite avec le préfet de Paris Maurice Grimault, toute effusion de sang. Le 13 mai 1968, jour où la grève générale fut déclenchée, il déclara aux journalistes : « Ce qui m’a fait le plus plaisir cet après-midi, c’est d’avoir marché en tête d’un défilé où les crapules staliniennes étaient à la remorque. » Le « juif allemand Cohn-Bendit », comme le qualifiaient par défi les manifestants, devint le symbole de la révolte estudiantine. Il se rendit alors le 18 mai chez Gabriel Cohn-Bendit pour prendre la parole devant les étudiants et les ouvriers nazérois, dont certains, comme à Sud Aviation, étaient en grève depuis le 3 mai. Le 20 mai, Daniel Cohn-Bendit quitta la France pour l’Allemagne et les Pays-Bas, où il participa à des réunions estudiantines comme le congrès des étudiants socialistes allemands du SDS, avec lesquels il était en contact depuis plusieurs années. Ce voyage à l’étranger servit de prétexte à son interdiction de séjour en France. Le 28 mai, l’UNEF déclina l’invitation faite par la CGT de se réunir pour étudier la possibilité d’appeler à des manifestations communes car la CGT refusait de protester contre l’interdiction de séjour de Daniel Cohn-Bendit. Celui-ci revint en France ce même 28 mai, en passant la frontière clandestinement par le Luxembourg. Dès son retour, il prit la parole, juste après l’intervention de Nicolas Lazarevitch, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne (cf. le film de William Klein, Grands soirs et petits matins, Paris, 1969). Le mouvement du 22 mars fut dissous le 31 mai, son animateur le plus connu restant en France jusqu’au 3 juin. Daniel Cohn-Bendit s’installa alors à Francfort. Il reçut un mot de soutien de la philosophe Hannah Arendt pour son action durant le mois de mai. En juin 1968, Daniel Cohn-Bendit fit appel à son frère pour rédiger son premier livre Le Gauchisme, remède à la maladie sénile du communisme, qui s’inspira fortement des articles des revues Socialisme ou barbarie et de Noir et rouge. Du 31 août au 3 septembre 1968, Daniel Cohn-Bendit participa au congrès anarchiste international de Carrare qui devait jeter les bases d’une internationale anarchiste. Il fit une intervention remarquée, mais peu appréciée de la majorité des militants quand il accusa le mouvement anarchiste cubain en exil et la confédération anarcho-syndicaliste de Suède d’être financés par la CIA. Les libertaires « spontanéistes » qu’il représentait quittèrent le congrès peu après. Bien qu’interdit de séjour, il revint clandestinement en France à quelques reprises, par exemple pour participer à la fondation par Jean-Pierre Duteuil de la revue anarchiste La Lanterne noire en 1971. Dans l’après 1968, Daniel Cohn-Bendit participa à de nombreuses manifestations de la gauche radicale ; il reçut par exemple Jean-Paul Sartre* lorsque celui-ci alla visiter la bande à Baader en prison. Il milita au sein du groupe « Revolutionärer Kampf », puis fonda les revues Autonomie et Pflasterstrand (« Sous les pavés la plage »). Il s’occupa d’un jardin d’enfants avant de fonder, en 1974 à Francfort, une communauté à laquelle participait notamment Joschka Fischer. Il fut un temps libraire, puis journaliste. En mai 1978, à l’instigation de Gabriel Cohn-Bendit, une campagne fut lancée pour la levée de l’interdiction de séjour de son frère. Grâce à un lobbying bien organisé, la demande monta jusqu’à l’Élysée et fut satisfaite à la fin de l’année 1978. Cependant, Daniel Cohn-Bendit resta en Allemagne. Il participa encore quelques années à la vie alternative, puis se rapprocha des Grünen auxquels il adhéra en 1984. En 1986, il publia un livre de souvenirs sur Mai 1968, Nous l’avons tant aimé la révolution, dans lequel il recueillait les témoignages des principaux acteurs du Mai français et international. En 1989, il devint conseiller municipal de Francfort, la liste écologiste ayant recueilli plus de 10 % des voix. Il fut adjoint au maire chargé des « questions multiculturelles ». Depuis son élection comme député européen, il conserve son poste.
Favorable, comme la majorité des Verts, au traité constitutionnel européen, Daniel reçut un accueil particulièrement hostile d’une partie de la gauche communiste et altermondialiste.
Contrairement à son frère Gabriel, qui adhéra au PS en mars 2006 pour soutenir la candidature de la socialiste Ségolène Royal, Daniel Cohn-Bendit demeurait, semble-t-il, favorable à la candidature des Verts au premier tour, tout en soutenant la candidature de la socialiste dans l’optique du second tour de l’élection présidentielle de 2007. Il plaçait toujours son espoir dans un renouveau du courant écologiste.
Favorable à un Europe fédéral, partisan d’une écologie qui prenne acte de l’économie de marché, il se disait "libéral-libertaire".