SOCRATE CHERCHEUR OU PROFESSEUR ? On ne peut pas être tragique et moral à la fois.
On ne peut pas être tragique et moral à la fois. On peut tout de même garder quelques bribes de moralité et de conformisme histoire de faire passer sa pilule de
nouveauté, ce que GMC n’a pas compris (lire ses commentaires ici).
C’est toute la question que nous souhaiterions soulever cette fois du « Socrate est-il chercheur ou professeur ? ». Une chose est sûre, c’est ce thème renvoie à la distinction médiévale des
lectores et des auctores (Bourdieu homo academicus, P. 152), ou que l’on retrouve aujourd’hui en philosophie ente analystes et expémentateurs (les premiers étant essentiellement dans la creuse
Sorbonne et les seconds à Paris 8). Les premiers, « humbles serviteurs des oeuvres », et la plupart du temps inconnus du grand public, sont « orientés en priorité vers la reproduction de la
culture et du corps des reproducteurs » (les futurs professeurs de philosophie), tandis que les seconds, orientés vers les activités de recherche et de création, disposent en général d'une «
autorité symbolique » importante liée à la production d’œuvres novatrices, mais n'ont guère de pouvoir institutionnel. On retrouve ici l'opposition entre les deux formes de pouvoir qui structure
l'ensemble du champ universitaire littéraire. Selon Jean-Louis Fabiani (Le Philosophes de la République, p. 166), cette opposition est ce qui permet de comprendre « l'humeur anti-institutionnelle
» de l'avant-garde philosophique depuis les années soixante, qui expérimente le décalage existant entre sa notoriété véritable et son pouvoir institutionnel. « Le thème philosophique de la marge,
comme celui de la transgression, est à mettre en rapport avec la division des deux pouvoirs universitaires. ». Nous reprenons ici les propos de Gérard Soulié.
Plus largement se pose la question de la présence de la philosophie au sien d’une institution, que Foucault posait déjà : « Vous savez je ne suis pas sûr que la
philosophie ça existe. Ce qui existe, ce sont des « philosophes », c'est-à-dire une certaine catégorie de gens dint les activités et les discours ont beaucoup varié d'âge en âge. Ce qui les
distingue comme leur voisins les poètes et les fous, c'est le partage qui les isole, et, non pas l’unité d'un genre ou la constance d'une maladie. Il y a bien peu de temps qu'ils sont tous
devenus professeurs. Peut-être n'est-ce qu'un épisode, peut-être en avons nous pour longtemps. » (Le Nouvel Observateur, 1970). Par rapport à cette allocution de Foucault, lisez le § 8 du
Schopenhauer éducateur, pour comprendre l'enjeux des rapports entre université et philosophie. Derrière cette question se pose la question du mode de vie, de la rémunération voir de la survie
hors institution. Mais ce qui survit en institution, c'est quelque chose de fragile, de discret (nous aborderons ce thème dans un texte sur le concret, l'abstrait, et le discret) mais qui peut
tout aussi bien survivre hors institution par le biais d'une émulsion en toute discrétion. Pensons déjà à Spinoza en Hollande bien loin des frasques des cyniques. C'est toute la question qui
s'était posée à Baruch (Spinoza) en son temps, celle du métier qu'il avait choisi manuel, à l'instar de certain penseurs judaïques. La posture de penseur privée (par opposition à celle du
"penseur public", distinction douteuse puisque Sartre faisait partie des premiers) a certainement joué en sa défaveur quant à sa réception immédiate. Hegel qui avait énoncé l'alternative pas de
philosophie ou Spinoza, l'a très bien senti mais a aussi gêné à sa réception (les hégéliens se demandant tout de suite quel point de vue adopte Spinoza pour énoncer ses vérités, clivant pour une
énième fois le sujet entre sujet d’énoncé et sujet d’énonciation). Bien entendu que Spinoza n'adoptait pas la place de Dieu, ni celle de l'homme empêtré dans ses opinion s contradictoires, mais
c'est que l'éthique est avant tout une expérimentation qu'il convient à chacun de faire ou non ? On peut même attaqué directement au livre V, histoire de gagner du temps, d'éviter les long
développements géométriques sur lesquels on peut revenir par la suite, mais autant se jeter dans l'arène, autant "s'immerger" de suite comme le disait Spinoza. Reste que le court Traité de
Spinoza, semble être un ensemble de prise de note d'élèves qui auraient assisté aux quelques cours que Spinoza donné dans sa vie. Schopenhauer eut la même situation en son temps lui qui
travaillait dans une entreprise "privée", du temps où il écrivait sa première grande œuvre en tout cas. Il eut aussi un cours épisode universitaire : une année où il fit cours à Berlin à la même
heure que Hegel, sont cours étant face à cette concurrence déserté. Passons ces deux exemple, la question soulevée ici toucherait aussi au thème du travail forcé des salariés par distinction avec
les travail libre des oisifs comme Nietzsche en fait la distinction dans Humain trop Humain
Quelle reconnaissance doit-on acquérir au minimum pour ne pas être un étoile filante, une pyrrhonade pour l'éternité, un comète philosophique dont le mouvement et l’origine reste incomprise thème développé par Nietzsche. Ce n'est pas une finalité pour note temps que de produire un discours en rupture avec le monde. Ce qui compte c’est d’être en rupture avec la pensée statique qui se complaît au sein d’une institution, au sens où elle n’a pas besoin de se mettre en marche, et éloignée de toute confrontation avec la réalité des problème se satisfait pleinement de sa propre ineptie. L’enchaînement que je fais est dangereux, mais Hegel ne se demandait-il pas pourquoi la Nature s’accordait si peu à sa philosophie. Etre hors de l’institution c’est-à-dire hors de l’Etat et de sa dominante conservatrice, c’est être de son temps et assumer l’inéluctable dépérissement de l’Etat, auquel survivra la philosophie qui reconquérra alors sa dimension tragique ou géniale de ses débuts. La cité grecque n’avait rien à voir avec un quelconque Etat avant 403 et la fin de la dictature des Trente qui obligea à organiser les fractions opposées de la cité.
Mais revenons-en au temps actuel, si le penseur veut être tragique, il doit sortir des institutions où au fond on prône la vertu, les lois de la communauté et le libre-arbitre pour pouvoir punir le fautif et l’exclure de la communauté. Sortir de l’institution, c’est simplement déplacer le milieu philosophique comme ici sur Internet, on ne parle plus alors de communauté fondée mais de collectivité tendue, qui se soutient elle-même un plus comme les satellites en orbite. Nietzsche a fait de très critique du système grégaire et communautaire, nous en donnerons une citation juste après. Ce qui est sûr c’est que depuis plus de deux millénaires et les premières écoles grecques, les instituions philosophique ont fabriqué des hommes sereins mais débiles au sens de faibles et de pleutres. Etre dans l’institution, professer la philosophe comme amour de la sagesse (souci de soi) plus que comme un amour du tragique (oubli de soi), c’est produire un régime de pensée proche de la discipline où précisément il revient à l’individu d’avouer sa subjectivité, sa responsabilité. Ainsi aucun problème ne vient effleurer la société, puisque les philosophes s’occupent sereinement et sérieusement de leur mal-être. Sortir un « philosophe » rabougri de son institution, c’est un peu comme expulsé les bonnes sœurs de leur couvent comme ce fut le cas en &905 après la séparation de l »église et de l’état : cela crée des gens un peu hagard finalement inapte à la vie philosophique ou tragique. Ils iront se trouver d’autres institutions ailleurs. La planque pour ces gens qui triche avec eux-même plus qu’ils ne trahissent le système institutionnel.
Critique du libre-arbitre par Nietzsche in "Le crépuscule des idoles "
« Il ne nous reste aujourd'hui plus aucune espèce d'indulgence pour l'idée du « libre arbitre » ; nous savons trop bien ce que c'est : le tour de passe-passe théologique le plus suspect qu'il y
ait, pour rendre l'humanité « responsable » à la façon des théologiens ; ce qui veut dire : pour rendre l'humanité dépendante des théologiens... Je ne fais que donner ici la psychologie de
cette tendance à vouloir rendre responsable. Partout où l'on cherche à établir les responsabilités, c'est généralement l’instinct de punir et de juger qui est à l’œuvre. On a dépouillé le
devenir de son innocence, lorsque l'on a ramené à une volonté, à des intentions, à des actes de responsabilité, le fait d'être de telle ou telle manière : la doctrine de la volonté a été
principalement inventée à des fins de châtiment, c'est-à-dire avec l'intention de trouver coupable. Toute l'ancienne psychologie, la psychologie de la volonté, n'existe que par le fait que ses
inventeurs, les prêtres, chefs des communautés anciennes, voulurent se créer le droit d'infliger une peine, ou plutôt qu'ils voulurent donner ce droit à Dieu... Les hommes ont été considérés
comme « libres », pour pouvoir être jugés et punis, pour pouvoir être coupables : par conséquent toute action devait être regardée comme voulue, l'origine de toute action comme se trouvant dans
la conscience. »
Alors peut-on attribué à Socrate l'invention du libre-arbitre ou un goût pour la vertu lui qui trompait sa femme avec des jeunes hommes hors du toute pédagogie ? Socrate est-il moral, comme souhaiterait nous le faire entrendre Platon, ou tragique ? Trop peu d'éléments demeure pour répondre. Ce qui est évident c'est que Platon a quelque peu transformé son maître.