"DIXI ET SALVAVI ANIMAM MEAM" / Réponse à un sancho de mauvaise foi
REPONSE A UN SANCHO de mauvaise foi puisqu'au fond comme disait Marx en latin dans la critique du programme de Gotha : "je ne dis cela que pour sauver mon âme".
Tu as une vision de nécrophile, de croque-mort avec certains auteurs au lieu de coïncider avec leur mouvement de pensée, tu regardes leur œuvre par dessus l’épaule avec mépris. Sache que Foucault, surtout, Deleuze dans une certaine mesure sont passés par un certain structuralisme qui visait précisément à supprimer la fonction « je » de l’auteur. Lire par exemple le très bel article de Négri Gilles-Félix. Devant l’excès structuraliste de cette époque, qui faisait perdre par le sens des textes aux yeux de Ricœur, celui-ci a produit son herméneutique. Ricœur est au final resté prisonnier des textes et de l’interprétation alors que Foucault étaient ailleurs. Foucault et Deleuze étaient des auctores (pensée et engagement faisait un) et Ricœur restait un lectores. Pour preuve la réponse qu’il fit en tant que doyen de Nanterre aux étudiants qui l’assiégeaient en 1969 : « imbéciles, j’ai lu plus de livre que vous ». Je ne déborde pas plus, car Foucault a vu le premier chez Blanchot, la pensée du Dehors, dès 1966, il en a appelé les penseurs qui suivraient d’en donner les catégories, ce ne sont plus vraiment des catégories à vrai dire. C’est au fond c’est qu’on réussit Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux même s’il y a encore bien des aspects formels comme la double pince, et qui recouvrent les tensions inhérente à ce bouquin, ses intensités, ses subversions. C’est sur ces aspects formels qu’on a essayer de piéger Chez Deleuze il n’est qu’épisodiquement question de la case et plus qu’une mémoire de soi ou un oubli de l’oubli un passage du Foucault dit la mémoire ne s’oppose pas à l’oubli mais à l’oubli de l’oubli. La dépersonnalisation c’est un oubli de soi, une désubjectivation en même temps tant qu’un singularisation : c’est à dire qu’on ne s’attache plus aux personnes (les grandes individualités comme les grands hommes), mais aux singularités et intensités impersonnelles. C’est une tout autre façon de voir qui s’attachent aux événements, on se s’attarde plus sur les choses, les objets, les personnes mais à ce qui les anime, aux flux d’énergie et aux forces qui les traversent. Mais sans doute faut-il du formel pour rendre mais le discours par concept fini par piéger la vie.
Tu as raison de t’en prendre à la « xxx ontologique » chez Heidegger ou au plan d’immanence chez Deleuze (qui n’est qu’une surface métaphysique. Ontologie comme la métaphysique sont convictions qu’il est bon de casser si personnellement on ne veut se les réapproprier pour construire un peu plus long, prendre un peu plus de risque.
Je suis aussi de mauvaise, simplement parce que je cherche à te pousser à la crise. C’est des choses qui ne se disent pas, c’est des choses qui ne se font pas. Je pense que tu as toutes les capacités pour t’en relever, mais quand je vois le résultat de tes longs moments de silence, je me dis que rien ne se déclenche, c’est un retour au « je » que tu opères, à ce qui reste un forme de subjectivité qui n’est pas la nouvelle subjectivité ou capacité d’énergie libérée en mai 68 ou chez les grecs du Ve siècle avant JC. Pourtant tu disais il faut en finir avec la subjectivité ( ici, et dans les commentaires ici et ici ; Je n’ai pas retrouvé le commentaire où tu l’énonçais en gras). Elle existe, mais je n’y vois aucun intérêt de même que de se poser la question qui je suis pour écorner GMC au passage (Commentaire n° 3 le 14/06/2006). Mais je suis sympathique puisque j’assume par moment ma propre finitude en disant « je », comme Spinoza disait « j’appelle substance… ». Mais la plupart de mes idées sont dérobées à d’autres dont je ne réaffirme que ce qui me semble porteur, ces mêmes persones polissant leur idées avec ce que je leur renvoie.
Je ne m’attache pas aux auteurs ou à leur système mais je regarde ce qu’il y a en eux de plus porteurs d’intensité inouïe : ces fameuse intuitions qui rentraient si mal dans le discours philosophique pour Bergson (c’est la question de la nouveauté), de plus intempestif chez eux et que l’on doit affirmer par la pratique (c’est la question de la capacité). La subjectivité joue entre un possible et un réel alors que le capable biaise cette grande contradiction plus encore que le virtuel qui baigne dans l’involontarisme et l’incapacité (usant du bras de levier). Dépersonnaliser les choses pour introduire une capacité à percevoir la nouveauté et à l’amplifier, c’est tout les thème chez Nietzsche de la création de nouvelles valeurs.
Je te dis tout cela, en te disant simplement que je ne cherche ni oeuvre ni à être auteur de mon vivant, seulement il faut avancer ses armes à un moment donner non pour améliorer l’humanité au travers mais pour transfigurer les choses à la manière du déconditionnement de la dépersonnalisation à laquelle en appelle Krishnamurti (merci à Ritournelle).
Ma question est donc quelle différence entre le « je » et la subjectivité, entre tout goût un peu idéaliste de la démocratie qui ne peut aller qu’en se recyclant (ivresse du moi j’existe au monde comme un autre) et l’assujettissement à cette vérité, à cette dimension démonique (inspirée par du divin, qui n’est plus humain si on en reste à la dialectique) ? Sans doute est-ce mal formuler, dans doute ne peut-on pas rabattre je sur une forme de subjectivité.
Voilà la réponse un peu trop technique et sans doute de mauvaise foi puisque je m'attarde trop au lieu de profiter de la vie pendant ce temps-là mais je voulais te la faire.
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