La Philosophie à Paris

PHILOSOPHE MEDIEVAL / Albert le Grand

6 Novembre 2022, 18:14pm

Publié par Mathias et les étudiants de PAris 8

Albertus Magnus (Albert le Grand), était un prêtre dominicain né en Bavière, qui au cours de sa vie a atteint une réputation d'immense érudition. Après des études à l'Université de Bologne, il a enseigné dans plusieurs universités, dont l'Université de Paris, où il a obtenu son doctorat et a été le professeur de Saint Thomas d'Aquin. Ses connaissances étaient encyclopédiques, englobant la théologie, la philosophie, la logique, l'astronomie, la musique, la botanique, la zoologie et la minéralogie.

La théorie du temps d'Albert montre ces tendances qui caractérisent l'ensemble de son projet philosophique : les aspects inspirés d'Aristote trouvent leur place dans un cadre largement déterminé par les intérêts théologiques et noétiques d'Albert, qui font écho à Averroès et à certaines sources néoplatoniciennes (Boèce, Pseudo-Denys , Liber de causis, Éléments de théologie de Proclus). En intégrant ces courants de pensée très divergents, la synthèse philosophique d'Albert est devenue le point de départ de divers développements dans la pensée médiévale ultérieure (par exemple, Saint Thomas d'Aquin ; les Averroïstes ; les Dominicains allemands, dont Meister Eckhart ; l'aristotélisme de la Renaissance ; et Nicolas de Cues).

Cette intégration vaut également pour ses idées sur le temps, qui sont expliquées dans ce qui suit, selon la présentation systématique d'Albert dans sa « Somme de l'admirable science de Dieu » (Summa de mira bili scientia Dei ; écrite après 1270). Comme d'autres penseurs platoniciens (Guillaume de Conches, Nicolas de Cues), Albert parle du temps toujours dans l'horizon de l'éternité ; même dans son commentaire de Physique, il ajoute un traité sur l'éternité à ses explications de la théorie du temps d'Aristote, qui s'intéresse principalement au mouvement. Albert définit l'éternité et le temps de manière traditionnelle comme durée de Dieu ou d'objets changeants, respectivement. La définition la plus spécifique du temps est qu'il est "une passion du premier mouvement et par là la mesure et le nombre de tous les mouvements". De plus, Albert distingue du temps et de l'éternité une troisième forme de durée, « l'éviternité » (aeviternitas ou aevum), qui « est une durée existant au milieu entre le temps et l'éternité ». Cette éviternité a un commencement (duratio principiata) mais n'a pas de fin ; bien que les objets d'éviternité soient exempts de changements ou de mouvements corporels, ils sont sujets à une certaine succession. C'est qu'ils ont, comme tous les objets créés, une tendance au « rien » (nihil), ce qui signifie qu'ils ne sont pas capables de recevoir à un moment donné toute leur perfection (totum simul). Cette explication de aevum est une adaptation chrétienne typique d'un concept néoplatonicien, que l'on retrouve chez Proclus et Boèce.

Pour Albert, cependant, les trois formes de durée sont déterminées par les moments particuliers qui les constituent ; c'est-à-dire qu'Albert applique le concept aristotélicien d'un « maintenant » comme élément constitutif du temps également à l'éternité et à l'éviternité. Il est encore plus important de considérer le temps comme la distinction d'un « dans quoi il est » (quo est) et d'un « ce qu'il est » (quod est). Albert distingue ces deux aspects, à la suite de Boèce, dans tous les objets immatériels. Dans le cas du temps, les deux aspects ne peuvent être appréhendés qu'en comprenant le « maintenant » comme l'unité fondamentale qui constitue l'écoulement du temps. Dans son commentaire (1254-1257) du troisième livre du De anima d'Aristote, Albert relie ces spéculations ontologiques aux fondements de l'éthique. Ici, Albert présuppose un « bien absolu » (bonum simpliciter), qu'il tire des mots grecs signifiant « bien pratique » qui avaient été traduits en latin par « bien actuel » (bonum actuale). De ce bien absolu, Albert distingue un « bien pour l'instant » (bonum ut nunc), qui ne vaut que dans le temps, alors que le bien absolu est « toujours bon » (bonum sempre). Alors que ce bien éternel est juste en tout lieu et à tous égards, le « bien du moment » peut être un bien apparent, qui est considéré à tort comme bon ; cela peut conduire les êtres humains à de fausses actions. Ainsi, la théorie aristotélicienne de l'action s'inscrit dans une théorie ontologique qui distingue un bien temporel et un bien éternel. De cette façon, la théorie néoplatonicienne du temps d'Albert devient l'arrière-plan de sa compréhension de la philosophie pratique d'Aristote.

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