La Philosophie à Paris

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6 Novembre 2015, 21:50pm

Publié par Anthony Le Cazals

 

J’ai une vision anthropologique de l’Allemagne où la famille était autoritaire et inégalitaire et je suis presque horrifié de voir ce pays incapable de sortir de ses valeurs traditionnelles autoritaires et inégalitaires. En tant que citoyen, j’aimerais vraiment me tromper. En tant que chercheur, je crois quand même que l’Allemagne est en train de vérifier mon modèle historique. [...| L’Allemagne a une culture autoritaire — comme le Japon, par exemple, pays que j’adore —, ce qui montre que ce n’est pas du tout une insulte dans ma bouche. Le problème des cultures autoritaires quand elles sont en situation de puissance relative par rapport à leur environnement, c’est que tout le monde s’y sent bien sauf les leaders. Chaque personne qui a une personne au-dessus d’elle sait ce qu’elle doit faire. Le problème se pose en haut pour les personnes qui ont des capacités de décision très importantes, ce qui est le cas en Allemagne dans l’espace européen. On constate chez les personnes qui n’ont plus personne au-dessus d’elles des dérives psychiques. C’est ce qui se manifeste dans l’histoire allemande, par exemple avec Guillaume II : l’Allemagne qui est devenue la première puissance européenne entre dans une phase d’hubris, le délire mégalomane des héros grecs. Aujourd’hui, les leaders ont un problème d’incertitudes sur les buts à suivre et inévitablement, l’effet du vide est la recherche de puissance. C’est quelque chose de difficile à comprendre par un Français car en France tout le monde veut être chef, donc en France, les problèmes des chefs réels sont d’une toute autre nature.

Les élites françaises ont, en effet, une énorme responsabilité dans la reprise de la dérive allemande car elles se sont mises à la remorque d’un pays qui n’a pas de véritable direction autre qu’une logique de puissance. Sans doute que 2014 aura d’ailleurs été l’année de la prise de conscience de cette dérive hégémonique de l’Allemagne. Même les Américains sont en train de comprendre qu’ils vont avoir un rival stratégique. En revanche, les dirigeants français se font des illusions. Leur attitude se résume à quelque chose comme « C’est un peu dur l’hégémonie mais le plus dur est fait ». Ils ne voient pas que l’état actuel de l’hégémonie allemande n’est pas l’état final de l’hégémonie allemande. Ce n’est que le début d’un processus de dérive autoritaire ! C’est une stratégie de puissance qui n’est pas complètement absurde mais nos dirigeants ne voient pas que c’est un processus de domination dynamique. C’est-à-dire qu’aujourd’hui nos ministres vont prendre des consignes à Berlin, mais bientôt les affaires de la France se règleront par e-mails. Les humiliations ne font que commencer. Notre classe dirigeante — gauche et droite confondues — vit dans une humiliation acceptée.

Je suis conscient que beaucoup d’Allemands seront un peu blessés par ma façon de parler mais je sais aussi que beaucoup d’entre eux sentiront que je connais très bien leur culture et leur pays et que je les prends au sérieux. Il m’arrive de me demander si les dirigeants allemands ne se sentiraient pas mieux avec des dirigeants français me ressemblant. Dans ses doutes et son incertitude, la classe dirigeante allemande a besoin d’une classe dirigeante française partenaire et non en état de servitude volontaire.

​A long terme, la situation démographique de l’Allemagne est catastrophique et une domination éternelle est inconcevable. Mais quand on se limite à cette interprétation, on fait du « démographisme » : on déduit quelque chose de trop simple de la très basse fécondité allemande. La population allemande aurait dû diminuer depuis vingt ans. Ce n’est pas le cas. Ce que l’on ne veut pas voir  c’est que l’Allemagne est le premier pays d’immigration européen. L’Allemagne, qui est méprisante vis-à-vis des Grecs et des Espagnols, accueille cette main d’œuvre, ouvriers et cadres, dans ses industries. Dans la stratégie économique allemande, il y a la recherche de main d’œuvre sous deux formes : l’immigration simple et la prise de contrôle des populations actives qualifiées de l’Est européen, c’est-à-dire l’utilisation de mains d’œuvre qualifiées formées par le communisme en Pologne, Tchéquie, etc. C’est pour cela que je lis l’affaire ukrainienne comme partie d’une stratégie allemande pour prendre le contrôle d’une partie de la population active ukrainienne. La désintégration en cours de la société ukrainienne pourrait assurer des années d’équilibre démographique et d’hégémonie allemande.

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