André Leroi-Gourhan
André Leroi-Gourhan est né à Paris en 1911. il perd son père à 4 ans et est élevé par ses grands-parents maternels. Pas très doué pour l’école, il la quitte à 14 ans et commence à travailler.
Leroi-Gourhan collectionne des objets du monde entier dès l’adolescence en fréquentant les marchés aux puces de Paris, il lit énormément et se met à fréquenter les écoles d’anthropologie et de Langues orientales. C’est là qu’il devient d’ailleurs aide bibliothécaire et reprend des études. Après un diplôme de russe, un autre de chinois, et une licence de lettres, il suit l’enseignement de Marcel Mauss au musée d’ethnographie du Trocadéro. Il est rapidement chargé d’y organiser une exposition sur les Eskimos (aujourd’hui on dit Inuit), dont il est devenu à force de lecture et de collection, un éminent spécialiste. Sa première publication est La Civilisation du renne en 1936. Leroi-Gourhan n’a encore que 25 ans mais il dessine déjà les perspectives qui vont le guider toute sa vie durant. En étudiant les techniques, il croise les époques et les lieux.
Il rapproche les chasseurs du Paléolithique européen et les éleveurs de Sibérie actuelle, en partant de leur relation commune avec les rennes. Il prend en compte toutes les données, climat, comportement animal, artisanat, mythologie et envisage les peuples de la Préhistoire comme des civilisations à part entière. La guerre ne freine pas son activité.
Leroi-Gourhan passe les années d’occupation à travailler d’arrache-pied et sera aussi décoré pour son engagement dans la Résistance. Il publie entre 1943 et 1945 les deux tomes de sa première œuvre capitale Evolution et Techniques. Ces deux livres constituent une percée importante dans l’étude de la technologie en introduisant notamment le concept de chaîne opératoire dont j’ai déjà parlé dans une précédente vidéo. A la Libération, il soutient sa thèse et est nommé professeur d’ethnologie à la faculté de Lyon. Pas mal pour un gars qui a quitté l’école à 14 ans.
C’est à Lyon que Leroi-Gourhan commence à pratiquer l’archéologie de terrain. Il organise en effet des chantiers archéologiques destinés aux étudiants. Ses fouilles préhistoriques ont pour objectif d’appliquer la méthode des ethnologues à l’archéologie et ainsi rapprocher les deux disciplines. Les vestiges matériels, s’ils sont bien étudiés, révèlent selon lui les mentalités et les structures sociales, même pour les sociétés préhistoriques. Voilà son cheval de bataille. Et pour faire cela, il faut changer les techniques de fouille. La méthodologie qu’il met en place avec ses étudiants est particulièrement soignée. Il publie d’ailleurs en 1950 Les fouilles préhistoriques, techniques et méthodes, un livre qui expose sa méthode : le décapage horizontal minutieux, pour dégager des sols d’habitats entiers, et pouvoir étudier la disposition des vestiges en place. A l’opposé des techniques de bourrins de l’époque.
Désormais professeur à la Sorbonne, André Leroi-Gourhan publie en 1964 une théorie générale d’interprétation de l’art paléolithique dans Les religions de la Préhistoire. C’est aussi en 1964 qu’il publie son ouvrage le plus reconnu, Le geste et la parole, une synthèse magistrale de ses travaux théoriques. Et c’est toujours en 1964 qu’il commence la fouille du site préhistorique de Pincevent. C’est à Pincevent que Leroi-Gourhan a l’opportunité de démontrer toute l’excellence de sa méthode du décapage horizontal. Grâce aux relevés topographiques systématiques, il relève les agencements des différentes cabanes, la position des foyers, et les activités du quotidien des chasseurs paléolithiques. Pincevent permet enfin une véritable ethnologie préhistorique, qu’il appelait de ses vœux.
16:14En 1969 il entre au collège de France et y donne pendant treize ans un cours sur l’art paléolithique. Mais malade de Parkinson, il s’affaiblit assez vite dans les années 1970. Il s’efface progressivement de la fouille de Pincevent, qui continue sans lui et qu’il visite souvent. Il prend sa retraite universitaire en 1982 et meurt finalement à 74 ans en février 1986. Sa volonté de renouveler les méthodes et de croiser les approches ont très durablement marqué les sciences humaines.