TITRE / La pensée d'Empire de Claude Levi-Strauss
Beaucoup de gens ne comprenne pas que cet article, qui ne rend en rien hommage à Claude Lévi-strauss, invite avant tout à prendre des distances avec sa pensée. Régis Debray en faisait, au moment des hommages de son centenaire, l'un des plus grands libertaires, comme d'habitude sans comprendre où se trouvait, au milieu (médium) de quoi il se trouvait. Pourtant ce n'est pas un hasard si Lévi-Strauss aimait les rites et les traditions honorifiques, c'est qu'il est avant tout lié à l'empire et à son exploitation des terres. Vous retrouverez toutes les citations dans Lévi-Strauss par Lévi-Strauss (Hors série n°74, novembre-décembre 2009) j'ai tiré toutes les citations de ce plombeur de pensée à l'ère du post-colonialisme, mais leur récurrence est assez symptomatique de l'aspect fossoyeur de cet homme qui accompagna la disparition des peuplades reculées. Comme il dit ailleurs c'est pour nous qu'il posa son oeil de connaissance sur eux à l'époque paradoxale ou l'éthnologie prenait son essor et que son onjet d'étude disparaissait. Ma critique est sans doute cinglante mais c'est Lévi-Strauss qui s'exprime pourtant sans que je n'sole trop sa pensée. Peu de gens ont su prendre leur distance avec le structuralisme qui n'est qu'une pensée de basse intensité, comprenez une pensée seulement théorique et réflexive. Par cela meme elle projette un cadre occidental sur ds peuples dits "primitifs". Toute pensée au dehors de la réflexion, celle qui fait de grand pas, sort précisément de la tradition canonique de la philosophie, de ses "oppositions vertueuses".
« J’ai plusieurs fois souligné que les origines du structuralisme remontent à la Renaissance et que son itinéraire passe par la philosophie naturelle de Goethe, puis empruntant des voies parallèles, par la linguistique d’Humboldt et Saussure et par les travaux biologiques d’Arcy Wentworth Thompson. Le structuralisme proprement anthropologique est, lui, né au Pays-Bas avant la seconde guerre mondiale, et la raison de cette priorité vaut qu’on la note : l’empire colonial néerlandais se trouvait en Indonésie et la pensée indonésienne est elle-même puissamment structurale. C’est donc des indigènes que les anthropologues néerlandais ont appris le structuralisme. Nous voici loin des circonstances auxquelles vous faites allusion ! Je me suis moi-même engagé dans la voie du structuralisme sans connaître les travaux des Hollandais ; mais il est possible (...) que quelque chose m’en soit parvenu par l’intermédiaire de Granet. » _34-35. Si les origines du structuralisme remontent à la renaissance, on peut alors se dire qu’elle appartient à l’un des trois courants de la renaissance italienne, Sarpi et son empirisme libéral de qui l’on rapproche Galilée et se poursuit chez Newton, ensuite les platoniciens avec Nicolas de Cues et Botticelli (Cathédrale de Florence), et enfin les aristotéliciens. La pensée structurale s’origine là, dans cette pensée des Lumières importée d’Angleterre par Kant, par Rousseau aussi que Lévi-Strauss affectionne pour son idéalisme sensualiste.
Lévi-Strauss avoue plusieurs fois les limites de sa pensée axiomatique (binaire si vous voulez). Dans un entretien croisé avec Bourdieu, Vernant et Comte-Sponville, il se met à se demander si la science, sa science a un sens*. Aveu de décadence. Toujours dans le même recueil d’article on trouve cette perle : « Nos sociétés sont devenues tellement complexes que je ne suis pas sûr que la pensée théorique soit désormais en mesure d’en maîtriser l’intelligence. ». « au fond je suis un kantien vulgaire ; et en même temps peut-être un structuraliste de naissance ». Lévi-Strauss raconte alors cette anecdote : « ma mère m’a raconté que, incapable encore de me promener à pied et bien loin de savoir lire, je me suis « écrié un jour du fond de ma poussette que les trois lettres des enseignes du boucher et du boulanger devaient signifier « bou », puisqu’elles étaient pareilles dans les deux cas... A cet âge, je cherchais déjà des invariants ! » _65
Lévi-Stauss distingue à raison ses opinions de citoyen et sa pensée théorique de chercheur, d’anthropologue de métier qui accompagne la disparition des cultures fonctionnant sur l’unanimité (les minorités dites « primitives »). « En tant que citoyen j’aurai voulu que le colonialisme n’existât point, bien que j’aurai aimé vivre à une époque où il n’existait pas encore ou, en étant plus cynique, à une époque où il existait déjà assez pour qu’on puisse se déplacer rapidement d’un point de la Terre à un autre mais pas suffisamment pour avoir opéré toutes les destructions dont il est responsable. » _55-56 Ainsi la pensée de Lévi-Strauss a tout les traits d’une pensée d’empire, en tout cas elle communique aisément avec l’empire et déplore au final la disparition des empires coloniaux. Lévi-Strauss s’est longtemps illusionné d’être un penseur « à contre courant » pourtant ne dit-il pas ceci : « certes, j’étais ardemment pour la décolonisation et l’indépendance des peuples qu’étudient les ethnologues. Mais aujourd’hui [1980] je ne suis plus sûr d’avoir eu tout à fait raison, en tout cas sur tous les plans. [...] les ethnies minoritaires, sont aujourd’hui – dans des sociétés, qui, sans doute, elles, ont recouvré leur souveraineté nationale – dans une situation souvent plus tragique que celle qui était la leur à l’époque coloniale. » _36. Mais c’est que le contact avec l’observateur est fatales à l’observé quand celui-ci vit dans une société close. C’est une pensée marquée par l’appauvrissement : « je répandrais que, toujours et partout, l’effort d’explication scientifique repose sur ce qu’o n pourrait appeler les bonnes simplifications. [...] D’abord, une fraction importante des sociétés qu’elle étudie sont des sociétés petites par le volume et qui se conçoivent elles-mêmes sous le mode de la stabilité. Ensuite il existe entre elles et l’observateur une distance – pas seulement géographique mais aussi intellectuelle et morale – qui limite la perception de celui-ci à quelques propriétés simples, quelques contours essentiels. Cet appauvrissement nous aide. Il en fut de même, d’ailleurs, au début de l’astronomie, qui n’aurait été sans doute pas la première des science de la nature à se constituer si l’éloignement terrestre des corps célestes n’avait pas condamné les observaeurs à n’en percevoir qu’un très petit nombre de propriétés. » _36
L’aspect fossoyeur de Calude Lévis-strauss qui préfère passer plus de temps avec ses sauvages lointains qu’avec les paysans bourguignon qu’il ignore, affublé d’un corbeau sur l’épaule, il n’hésite pas à parler de « ces âges envahis par la mort où le globe, devenu muet, continuera, mais sans nous, à décrire dans l’espace ces orbes impassibles ». _67
Il me faudrait poursuivre sur son rapport au linguiste d'origine russe Roman Jacobson. C'est durant le séminaire de celui-ci que débuta l’éclosion de la pensée structurale de Lévi-Strauss. Ce fut une rencontre décisive pour Claude Lévi-Strauss "Pendant les années [d’exil à New-York, 1941-1945], nous nous sommes vus constamment. J’assistais à ses cours à l’Ecole libre des Hautes Etudes fondée par un certain nombre de réfugiés français ou francophones dont Koyré] et il assistait aux miens. … à cette époque j’étais structuraliste sans le savoir J’étais comme monsieur Jourdain faisant de la prose. Et c’est Jakobson et son enseignement qui m’ont révélé que ce que j’essayais de faire de manière maladroit et confuse existait déjà sous la forme d’ne école de pensée dans une autre discipline que la mienne. Je peux même ajouter que c’est lui qui m’a poussé à écrire « les Structures élémentaires de la parenté ». … Il était d’une autre race que les hommes du commun. D’abord il avait une vitalité prodigieuse. Mais surtout c’était un penseur d’une ampleur qui dépasse la moyenne des forces humaines."
* Cette obsession du sens est récurrente chez Lévi-Strauss « l’homme n’a de sens qu’à la condition de se placer du point de vue des sens ... Mais il faut ajouter que ce sens n’est jamais le bon : les superstructures sont des actes manqués qui ont socialement « réussi ». » _67