726. Alors s’affirme la personnalité.
Tout ce à quoi nous attachons de l'importance n’est-il pas révélateur de nous-mêmes ? NzGS°88
L’affermissement de la personnalité, c'est passer d'un langage de l'intime (logos endiathetos) encore plein de précautions et d’hésitations au discours de l’incisif et plus tranché de l'affirmation (logos apophanticos) en évitant les discours trop généraux et pleins de déni vis-à-vis de la complexité perçue autrefois comme la réalité (logos prophoricos). Affirmer sa personnalité c'est passer par les extrêmes, où personne ne va, plutôt que par le milieu, où la plupart s'enlisent. Ces extrêmes ce sont la jubilation et l’insatisfaction si bien que la personnalité n'a rien à voir avec l'autorité ou la subjectivité 711 faites de plaisirs et de douleurs. La subjectivité tourne à la communication entre sujets dans le cas des milieux qui freinent l’existence. La théorie des milieux est la marque d'une désagrégation de la personnalité. Mais le milieu rend parfois possible qu’une personnalité en émerge, singulière. L’expérience alors s'autonomise par rapport à la morale du spectaculaire. Toute morale joue de la récompense et de la punition et ainsi oriente — à travers les actions — sa propre perpétuation plutôt que d’encourager des exercers incisifs ou combatifs. Il en résulte une subversion qui oscille entre la dimension personnelle du « je veux » et la dimension impersonnelle du combat. Le lien entre les deux est une affaire d’éducation parfois sauvage.
Une fois la personnalité affirmée et l’indépendance prise, on peut se dépersonnaliser 230 et contaminer de valeurs actives la « masse » qui n'agit pas ou ne s’exerce pas dans ses activités avec passion. Les prêtres en demeurent, eux, aux paroles, aux déclarations mais n'enclenchent pas eux-mêmes leurs propres actions : immaculée conception. Ce que le prêtre par son prêche ne veut pas nous laisser atteindre, c’est l’activité et son exercice autonome. Ce dernier s'appuie sur les malheurs qui nous attristent pour mieux asseoir son autorité « émancipatrice ». Ah ! cette vallée de larmes où nous serions tenus de survivre.
Ce moi profond quasi enseveli, quasi réduit au silence par l’obligation constante d’écouter d’autres « moi ». Et lire, est-ce autre chose ? Ce moi donc se réveilla lentement, timidement douloureusement mais à la fin il retrouvera la parole NzEH, Humain trop humain, 4. Nietzsche le redit ailleurs : aux époques de travail intensif, on ne voit pas de livre chez moi : je me garderais bien de laisser quelqu’un me parler ou même penser auprès de moi NzEH, pourquoi suis-je si avisé, 3. Ce n’est que soi-même que l’on projette sur celui qui est face à soi, sur celui avec qui l’on veut nouer une relation affective faite, par exemple, de stimulations et d’échanges d’affects. Paradoxalement, c’est ce à quoi tend à résister notre nature intime, notre no man’s land, car il ne s’agit pas en rejetant les réciprocités du corps et de l’âme, de la matière et de l’esprit, d’hypostasier ou de sublimer le corps, de tomber dans l’excès inverse à l’idéalisme, mais tout simplement de ne pas tomber dans le mépris définitif de soi et l’absence de jubilation. Le soi, le selbst, le self, cette dimension mise en avant par Emerson puis reprise par les pragmatiques américains comme James ou Dewey, est magnifiée par le passage d’Ainsi parlait Zarathoustra sur les contempteurs du corps, passage où Nietzsche va précisément à l’encontre du moi et en déblaie la profondeur. Alors la personnalité s’affirme-t-elle d’abord à travers soi et non par les logorrhées de résistance d’un moi devenu subjectivité 711.