MEDIAS / La rivalité des blogs et de la presse
Petite réponse latérale et décalée au post du blog de Laurence Hansen-Love "A quoi servent les blogs ?". Nous avons remis ici l'article de monde avant qu'il ne disparaissent : on peut y lire l'appréhension des journalistes face à ce qui est une forme de substitution concrète (et non discrète comme la substitution d'un forme de pensée à une autre), bref un changement d'époque.
On pourrait même ajouter que c'est cela qui se joue dans le rapports des blogs avec la presse (qui souvent ne relaye que l'information "d'en haut", qui centralise). Quelques chose s'exprime qui n'a pas la prétention à la vérité (voir le passage sur le statut de la "vérité de fait" ci-dessous), mais qui souligne ce qui lui paraît important, certes beaucoup tourne autour de la dimension de l'ego mais beaucoup de blogs avortent aussi, c'est bien que quelque chose a été expérimenter qui relève de l'expression de soi, dirait-on, l'expression est maladroite car dialectique : c'est simplement l'inconscient (ce qui ne consent à se taire parce qu'il est avant tout productif) des gens qui trouvent dans les blogs un moyen de réinvestir son énergie, de frayer autrement. Il faut voir les relations tacites qui se créent là, quand le blog ne parle pas de l'ego ou que ce n'est pas l'ego qui parle, que des amitiés se créent, des chosent peut communes y sont transposées. C'est bien qu'il s'y projette quelque chose qui tient parfois quand il dépasse le cadre egotique ou informatif) d'un devenir collectif, tout petit projet d'autonomie, mais bien effectif et contagieux que la grosse machine médiatique, quelque chose qui sort du cadre institutionnel, familial ou même associatif.
Tout ceci n'est arriver que parce que des scientifiques ont fait sortir l'électron de la représentation atomique que l'on voulait avoir à travers la "matière", que des gens de pouvoir y ont vu que l'on pouvait codés les mouvements de l'électron et qu'il serait ainsi support de l'information de type binaire (théories de l'information), vous savez les 0-1-1-0-1... de nos octets et autres clusters. Et enfin tout ceci est possible parce que des étudiants de diverses universités américaines ont voulu s'amuser entre eux, ce fut usenet puis internet. Les blogs sont venus après, mais la presse (entendez le support papier) se sent détrôner, comme dans l'article ci-dessous) alors que nombreux sont ceux qui la lise via internet, et qu'au fond avec les journaux papier on paye le papier et la distribution, la publicité s'occupant du reste, publicité qui n'est pas absente d'internet. Cela aussi, le passage de l'imprimerie à internet est une substitution. Plus qu'une substitution, c'est une superposition, car finalement différents médias subsistent et c'est ce qui peut faire toute la richesse de l'information qui nous parvient, dès lors qu'elle ne nous submerge pas, simplement parce qu'on ne peut pas tout contrôler.
Le journalisme, quand Internet est roi..., par Hervé Brusini
t voilà que l'innocente souris se transforme en arme létale. D'un coup de clic, un
métier est sur le point de disparaître. Après tout, nos campagnes ont bien vu le maréchal-ferrant fermer boutique, alors pourquoi pas le journaliste absorbé par la Toile ? Le dispositif numérique
qui permet à la masse de s'exprimer est d'ores et déjà en place... à l'antenne. Vous avez une question à poser au politique ? N'hésitez surtout pas ! Aucun journaliste ne viendra troubler ce
dialogue direct, comme on le fait dans les chats. La blogosphère est à ce point à l'ordre du jour que la corporation elle-même s'interroge sur l'apparition d'une nouvelle catégorie : le
journaliste citoyen. La force du témoignage mis en ligne, la conviction personnelle publiée à l'échelle planétaire, les faits (ou prétendus tels) rapportés dans l'instant, font vaciller les
professionnels de l'info.
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Ici et là, les débats agitent peu ou prou la même question : tout le monde est appelé à devenir journaliste, alors, allons-nous vivre dans un monde sans journaliste (au sens désormais ancien du terme) ? Et la corporation d'affirmer que, pour survivre, il faut se retrousser les manches, faire preuve de créativité, mobiliser les talents. Déjà les groupes de presse tentent de mettre en place le modèle économique nouveau. Bref, sur les écrans comme en coulisse, le journalisme vit une crise palpable. Mêlé de désarroi, le sentiment est partagé que débute une ère nouvelle.
Cette circonstance historique agit comme une épreuve de vérité pour tout le métier. La corporation se voit et se sent contrainte à décrire ce qui fait la nature de sa pratique. Elle parle de la valeur ajoutée de son activité, de l'ardente nécessité de recouper les sources. Elle cherche à se distinguer. Il aura fallu l'intensité de ce séisme et la sourde angoisse qui l'accompagne pour qu'enfin la profession expose - un peu - ses arts de faire.
Mais cette attitude nouvelle doit vaincre un obstacle de taille : la vacuité du discours d'une profession sur elle-même. A commencer par son acte de naissance officiel. Le bon président Albert Lebrun a promulgué en 1935 une loi qui en dit long sur les capacités de notre société à définir une profession présentée comme l'un des attributs de la démocratie. Est journaliste (titulaire d'une carte professionnelle), toute personne qui a pour "occupation régulière et rétribuée" d'être journaliste. Cette tautologie bien connue est toujours en vigueur et n'évoque nullement le contenu de la fonction. Avant d'être doté du précieux sauf-conduit, il faut aujourd'hui passer par une école spécialisée. Des disciplines, des matières, des techniques y sont enseignées avec toute l'attention et le sérieux nécessaires. Mais les manuels de référence restent introuvables. Les diverses démarches du métier de journaliste n'ont jamais eu droit à ce privilège pourtant tout à fait banal aux yeux du juriste ou du scientifique. Le corpus basique de toute une profession est réduit aux seules paroles et aux quelques écrits des professionnels qui professent (sans évoquer ici les ouvrages des universitaires).
STATUT DE LA VÉRITÉ
Paradoxalement, le formatage tant reproché aux écoles est peut-être favorisé par ce vide théorique. Nous en sommes tous responsables. Point d'orgue, nous voudrions anticiper l'avenir, dans la méconnaissance presque absolue de notre histoire. Hérodote a mis en place dans ses "enquêtes" le principe du constat oculaire sur le terrain, le général Thucydide a fondé l'exigence du recoupement des récits, l'Eglise du Moyen Age a systématisé les techniques de l'entretien... qu'importe ! On le sait, le journalisme prétend se vivre et s'inventer au fil des jours. La question de sa morale l'a en revanche poussé à une production de chartes et de codes que peu de catégories professionnelles connaissent. Il est légitime de voir une corporation se prendre en charge elle-même dans une relation de respect à l'égard des citoyens. Mais cet exercice louable s'est substitué au travail de simple définition de ce que nous faisons dans chacune de nos éditions. Le mot, l'image, le son utilisés dans le reportage, l'interview ou le sujet explicatif constituent l'identité du journalisme. Pour l'heure, notre discours n'est que de justification : nous ne sommes pas celui que vous croyez, inféodé aux pouvoirs politiques, financier et audimatique ! C'est un peu court.
Ni ennemi ni ami, le Web jette une lumière cruelle sur toutes ces défaillances. L'enjeu est essentiel : il pose la question du statut de la vérité dans le monde du haut débit. Et de la place à réserver à ceux qui ont pour fonction de la produire.
Hervé Brusini est directeur délégué à l'information à France 3.