La Philosophie à Paris

PENSEE 2 / Dire qu’il n’y a ni matière ni esprit...

12 Novembre 2008, 21:48pm

Publié par Anthony Le Cazals

Dire qu’il n’y a ni matière ni esprit, tout au plus de la perte d’énergie. Laissons de côté et l’idéalisme et le matérialisme, vieux rivaux. Il n’y a pas plus d’« en soi » des idées que de matière permanente qui se conserverait en soi. Il en a toujours été ainsi, c’est par facilité qu’on pense avoir des idées mais l’on se coupe de l’action en en restant aux beaux discours. C’est par fatigue qu’on perçoit les matériaux inertes qui ne forment qu’une masse infime de l’univers comme étant de « la matière ». Affinons notre pensée. Substituons aux modes de la substance et des circonstances ou encore de l’essence et de l’accident, le registre de l’effort vital et du combat. Activons autre chose. Aux corrélats des Idées et de le Matière, posons non l’énigme de la vie mais l’exception du vivant qui s’alimente d’information et plus encore d’énergie. C’est là, la grande différence entre vivant et la machine. La machine ne sait trouver seule son mode énergétique. Mais on oublie vite la nature du vivant qui échange de l’information et surtout de l’énergie, par la complexité qui lui est inhérente. La complexité est encore une fois l’indexation de l’information sur de l’énergie et de la masse. L’information sert d’orientation au sein d’un système pour débusquer ce qui en est la rareté, à notre époque, l’énergie. Autrefois dans la hiérarchie séculière, c’était le sens qui se faisait rare. Mais dans tous les cas, répétons-le, il n’y a ni idées ni matière. L’Esprit comme nous le verrons a bel et bien existé comme la construction de l’Eglise et tout spécialement du jésuitisme, comme outil de domination des corps. Ce sera Descartes, élève des jésuites, et à sa suite Spinoza et Pascal, qui introduiront la dimension de l’esprit dans la philosophie dite moderne, jusqu’à Voltaire, le grand libérateur de l’esprit mais lui aussi élève des jésuites. C’est cette lignée pleine d’esprit que finiront d’accomplir Goethe et Nietzsche. Malgré la persistance des prêtres idéalistes-matérialistes dans le seul microcosme francophone, faut-il être visionnaire pour voir que l’esprit n’est plus ce qui forme le sens ou qui informe nos sociétés, que, depuis le forfait de la Raison, l’esprit a été remplacé par un immense appareil technologique. La posture du visionnaire, de l’homme à idées est avant tout celle de l’anomal, de l’outsider, du schizophrène, c’est-à-dire de l’entité en marge de la société. Les idées creuses se maintiennent comme autant de fuites par rapport à l’entrain  et au combat. La posture d’intellectuel est donc avant tout un effort orienté pour se conserver comme tel et ne pas se dépenser. Produire de beaux discours qui part une commande de direction donneront des procédure. Frilosité crépusculaire qui ne parvient à faire émerger de nouvelles sources d’énergie. Forces réactives qui s’éternisent en longues disputes et qui auront fait manquer à chacun où se trouve la nourriture explosive qui le fera être si tranchant et incisive face à l’adversité. Nourriture terrestre, Gai savoir, nouvelle source d’énergie, les valeurs sont cela, des indicateurs de dépense, des critères stimulant d’énergie. On est loin des anciennes sources d’énergie dites « spirituelles » qui s’appuyaient sur un « en soi » comme autant d’origines perdues. Atermoiement vis-à-vis de l’action, inertie de la prière, impénétrabilité des idées et de la matière. Substituons-y d’autres valeurs, c’est s’écarter d’une tradition philosophique qui pose d’un côté le monde sensible et de l’autre le monde intelligible. D’un côté la sensation et de l’autre le discours qui met en rapport tout ce qui est, le discours déclamatoire qui hiérarchise, capture et castre plus qu’il ne libère, intensifie, éduque. C’est la part attristante de la philosophie. Il se trouve qu’aujourd’hui avec Mathusalem, notre précieux photon, la lumière nous est apparue comme n’étant pas régi ni par les lois de la matière, ni par celle de l’esprit les lois de la mécanique classique. Toute idée qu’il existerait une chose en soi — Vérité, Bien, idée ou matière — et donc une loi la régissant suppose une conscience. Une conscience prend toujours forme de ce que, face à un danger, on a besoin de se rassurer et de pouvoir communiquer à  son sujet pour se stabiliser ou l’affronter en nombre. Instinct grégaire de la conscience, toujours faite de communication et d’information. Elle ne rentre ni dans l’ordre de la production, qui se fait machinalement, ni dans l’ordre de la création, qui se fait, elle, par audace et par inconscience suivant la perspective adoptée. Partant du principe qu’un homme ou une femme, avec toute la bonne volonté du monde, ne lira jamais plus de 30.000 ouvrages, ce qui peu comparé aux millions produit par l’humanité, apparaît alors la nécessité d’une synthèse. Il ne s’agit pas de réunir un savoir absolu mais de poursuivre la simple chimère d’indiquer ce qui pour une époque donnée a son importance. S’il demeure une tâche pour la philosophie, c’est n’est pas celle d’informer des savoirs d’une époque, mais, par delà l’acte de penser, celui de former et d’éduquer, ceux qui ont une approche trop biaiser de la sagesse, ceux qui aspire à la création. Ainsi laisse-t-on de côté les plans des systèmes et la création de concepts qui s’y articulent. Puisque l’enjeu est de percevoir ce qui a de l’importance et de générer, de facto, de nouvelles capacités d’énergie là où une impossibilité à rebondir se faisait jour. Il s’agit bien de changer d’approche et de substituer aux idées et idoles pour lesquelles la vie déclinerait, des valeurs qui permettrait de dénicher de nouvelles sources d’énergie, énergie déjà là mais à percevoir comme le sont nos capacités physiologiques.
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