NOMADOLOGIE 1 / Les coureurs des bois
Nous ne relatons pas ici les aventures de Sacagawea dont je vous laisse lire la fiche wikipedia. Seulment son mari un Français-Canadien était un coureur des bois, leurs enfants des sang-mêlés comme nous tous (enfin plus ou moins vu le niveau de bêtise, comprenez le tyrannie du mot-référentiel qui règne actuellement).
À l’image de leur vie marginale, les amours des hommes dédiés au commerce de la fourrure n’ont rien de conventionnel. Pendant que, dans la vallée du Saint-Laurent, les épouses blanches sont délaissées une bonne partie du temps, dans les bois, de belles amérindiennes s’offrent facilement, pour une nuit ou pour la vie, selon des règles qui ne ressemblent en rien à ce que les Européens connaissent. Complices dans le plaisir mais aussi dans les affaires, toutes ces femmes sont, pour les coureurs des bois, d’une grande utilité.
Plusieurs coureurs des bois et voyageurs comptent s’installer dans les «pays d’en bas» à l’âge de la retraite grâce à l’argent qu’ils auront accumulé. Ils veulent fonder une famille. Avec cet objectif en tête, dès le début de la vingtaine, nombreux sont ceux qui se marient. Bien entendu, les jeunes promises sont averties des multiples tentations auxquelles leurs hommes sont soumis dans les bois. Qu’à cela ne tienne, elles les épousent. Pour les coureurs des bois, ces femmes blanches représentent généralement le repos et le confort du foyer. Lorsqu’ils travaillent durement, au fond des bois, elles sont présentes dans leurs pensées.
Les épouses blanches des coureurs des bois doivent être fortes et débrouillardes car dans les premières années de leur union, elles sont seules au foyer durant des mois et même des années, et rares sont les femmes blanches qui osent s’aventurer dans les pays d’en haut. À la maison, elles vivent seules grossesses et accouchements et prennent en charge toutes les tâches. Munies d’une procuration, certaines administrent le bien familial et les affaires de leur époux, responsabilités qui n’incombent habituellement pas aux femmes européennes. À la retraite, comme prévu, les époux reviennent généralement vers elles. Mais ces hommes n’oublient jamais les pays d’en haut. Souvent, ils cherchent à y retourner, malgré la peine et les supplications de leur famille.
Dans les pays d’en haut, souvent qualifiés de lieux de perdition par les autorités coloniales, les Amérindiens ont des pratiques fort différentes de ce que connaissent les hommes blancs en ce qui a trait aux relations amoureuses. Les Européens sont habitués à de nombreuses contraintes dans leur vie sexuelle, tandis que les Indigènes entourent de très peu d’interdits ces plaisirs qu’ils considèrent comme des plus naturels et légitimes. Les Amérindiennes s’offrent quand et à qui elles le veulent, les couples se font et se défont par simple déclaration verbale, tous les enfants sont bien accueillis. Certaines femmes peuvent même être offertes en signe d’amitié lors d’échanges commerciaux. Cette dernière pratique, révoltante aux yeux des missionnaires, est fort bien acceptée par les Indigènes. Les femmes s’y prêtant, loin d’être méprisées, peuvent en retirer un certain prestige. Par ailleurs, les Amérindiennes possèdent généralement une place de choix au sein de leurs sociétés. Leur travail et leur rôle reproducteur sont reconnus comme essentiels à la survie du groupe, et les femmes sont, pour cela, respectées et écoutées.
Dans le cadre du commerce des fourrures, l’établissement de relations intimes entre les Blancs et les Amérindiens est une façon incomparable de raffermir les liens entre ces partenaires commerciaux. Plusieurs familles indigènes réservent d’ailleurs l’une de leurs filles à un coureur des bois. Lors des premiers contacts, les Européens n’apparaissent pas très séduisants aux Amérindiennes. Leurs poils, entre autres, les dégoûtent. Les premiers coureurs des bois doivent travailler fort pour gagner leurs coeurs. Ils multiplient les compliments et offrent des cadeaux tels rubans, vêtements, bijoux. Les Amérindiennes apprécient cette générosité, qualité figurant parmi les plus appréciées dans leurs sociétés. Les Blancs se révèlent ainsi être, auprès d’elles, des amants très attentionnés. Qu’ils aient ou non une épouse dans la vallée du Saint-Laurent, nombreux sont les coureurs des bois qui se marient à la façon amérindienne.
Les voyageurs bénéficient de la bonne réputation de leurs prédécesseurs et rencontrent dans les pays d’en haut des jeunes femmes qui s’offrent plus facilement. N’étant que de passage, la plupart des voyageurs se contentent d’amourettes qui ne durent que le temps où ils sont arrêtés à leur destination. Certains créent des liens relativement solides, qui se poursuivent d’un été à l’autre, sans que ces relations ne soient exclusives, ni d’un côté, ni de l’autre. De ces amours d’été peuvent naître des enfants qui sont adoptés tout naturellement par la tribu.
Certaines «sauvagesses» réussissent à retenir l’amoureux auprès d’elles. Celui-ci devient un hivernant, formant avec sa squaw un couple durable. Partageant les tâches du quotidien, l’épouse amérindienne prend entre autres en charge la réparation des vêtements, des raquettes et des filets de pêche, la cuisine, l’agriculture, l’éducation des enfants. À l’âge de la retraite, certains hommes du Nord s’établissent et sont agriculteurs, ou deviennent chasseurs.
Parfois, des militaires, des guides, des voyageurs endettés choisissent de disparaître dans la nature et de s’installer aux pieds des Rocheuses. Ces hommes blancs n’entretiennent que peu de contacts avec les pays d’en bas et vivent de la chasse. On les appelle les hommes libres, les trappeurs, les Indiens blancs, les hommes des montagnes. Ils épousent des Amérindiennes. Grâce à elles, ils ne sont plus seuls. Au départ, elles lui servent de guides et d’interprètes. Progressivement, ces femmes les introduisent dans un vaste réseau social dont ils adoptent la culture et les modes de vie.
Hommes blancs et femmes amérindiennes forment des couples qui sont à cheval entre deux mondes. Dans les pays d’en haut, avec leurs enfants aux sangs mêlés, ils donnent naissance à une toute nouvelle nation, distincte. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous donnons rendez-vous le 28 avril 2009.
Sources
GERMAIN, Georges-Hébert. Les coureurs des bois: la saga des indiens blancs. Outremont, Libre expression; [Ottawa], Musée canadien des civilisations, 2003. 158 pages.
BROWN, Jennifer S. H., «Métis», L’Encyclopédie canadienne, Fondation Historica, 2009, http://www.encyclopediecanadienne.ca (site consulté le 25 mars 2009)