CE QU'IL FAUT DIRE AUX FRANCAIS 8 / Eric Dupont-Moretti, notre ministre de la justice
Pour que vous compreniez qui est notre ministre de la justice, il s'est fait connaître en médiatisant le procès de Saint-Omer au sujet de l'affaire d'Outreau. Sa phrase choc est "Vous jugerez mais vous ne rendrez pas justice", or ce qu'il se passe c'est que dans l'affaire d'Outreau 12 enfants sur 64 ont été reconnus victimes mais que l'on a désigné seulement quatre coupable. Ce qui voudrait dire qu'un certain nombre de parents auraient laissé faire ou auraient amener leur enfants dans l'appartement des Delay-Badaoui sans en savoir les conséquences ?
Oui Monsieur Dupont-Moretti vous avez induits un disfonctionnement de la justice en faisant que les journalistes obtiennent directement leurs informations des avocats qui leur prémachaient les pages à retenir (biais de confirmation) de l'énorme dossier d'Outreau.
Oui Monsieur Dupont-Moretti, l'acteur de théâtre, vous savez que c'est médiatiquement que se gagne un procès, ce qui n'est pas servir la justice.
L'enquête dormait au fond d'un tiroir jusqu'à l'arrivée d'un courrier anonyme à la rédaction du Point. Dans son édition de la semaine dernière, l'hebdomadaire fait ressurgir le nom de François Mourmand dans une « autre affaire d'abus sexuels ». Mis en examen dans l'affaire d'Outreau et mort en détention en 2002 d'une surdose de médicaments, François Mourmand a aussi été accusé de viols et d'agressions sexuelles par sa fille. C'était en avril 2004. A l'époque, une enquête préliminaire avait bien été ouverte. La mère de l'adolescente de 13 ans entendue. Mais depuis, plus rien. A tel point que le parquet de Boulogne-sur-mer avait proposé de classer l'enquête en mars 2006. Ce que le procureur général de Douai s'était refusé à faire. Un an plus tard, « aucune information judiciaire n'a été ouverte, aucun juge désigné », nous confirme une source anonyme. Hasard ou coïncidence, cette affaire ressort un mois seulement après l'ouverture d'une information judiciaire qui tend à déterminer les causes de la mort de François Mourmand.
(source 20 minutes 22 mai 2007)
Le 23 février 2012, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a condamné Franck et Sandrine Lavier, deux acquittés d'Outreau, respectivement à dix et huit mois de prison avec sursis pour violences habituelles (sans caractère sexuel) sur deux de leurs enfants. Le couple avait été également inculpé de corruption de mineurs, des vidéos prouvant que des adultes nus avaient mimé des actes sexuels devant de jeunes enfants au domicile des Lavier. Le tribunal a estimé que ces faits étaient moralement répréhensibles, mais que la volonté de corrompre les mineurs n'était pas prouvée et a acquitté les époux Lavier de ce chef. Le 8 juin 2016, Franck Lavier a été placé en garde à vue, sa fille de 17 ans ayant porté plainte contre lui pour agressions sexuelles et viols. Il a été mis en examen à l'issue de sa garde à vue.
(sources Wikipedia, Le Monde avec l'AFP, 23 février 2012, mis à jour le 14 décembre 2012. MYTF1 News avec AFP, « Violences sexuelles et viols : la garde à vue de Franck Lavier levée », 10 juin 2016. Le Point, magazine, « Franck Lavier, un acquitté d'Outreau, mis en examen pour viols sur sa fille », 10 juin 2016..)
Alors que se prépare un 3e procès d’Outreau, Daniel Legrand fils, acquitté mais accusé de viols lorsqu’il était mineur, sur les enfants du couple Badaoui-Delay, va passer devant la Cour d’assises. Les trois enfants Delay en profitent pour sortir du silence et dénoncer une « mascarade », affirmant leur écœurement vis-à-vis de la justice.
Plus de 15 ans après le début de l’affaire d’Outreau et 12 ans après sa révélation au grand public, le fiasco judiciaire continue de plus belle. Trois des victimes présumées, à l’origine des dénonciations d’abus sexuels, se sont, pour la première fois, confiées au "Parisien". Jonathan, Dimitri et Chérif Delay affirment qu’ils ne se présenteront pas au 3e procès d’Outreau, celui de Daniel Legrand fils, dénonçant une « mascarade. » Les trois enfants du couple Delay-Badaoui, par qui le scandale était né, ne veulent désormais plus être « les enfants d’Outreau. »
12 ans d’une procédure pleine de contradictions
L’instruction avait été ouverte en février 2001. Le juge Burgaud avait mis en examen, puis écroué en détention provisoire 18 accusés. Les enfants de ces derniers avaient alors été placés en familles d’accueil. Deux ans après le probable suicide d’un des accusés, en juillet 2004, sept des accusés avaient été acquittés. Après les rétractations des accusateurs, parmi lesquels Myriam Badaoui, l’acquittement général était prononcé en décembre 2005. Myriam Badaoui et Thierry Delay, après avoir finalement avoué être les auteurs des viols sur leurs enfants, furent condamnés, en 2005, à 15 ans et 20 ans de réclusion.
Une commission d’enquête parlementaire avait alors été mise en place, notamment pour déterminer les torts du juge Fabrice Burgaud. La commission délivre alors un dossier d’erreurs commises par la Justice comprenant… 150 pages ! Aujourd’hui, c’est au tour de Daniel Legrand fils (son père était mort dans sa cellule) de passer devant les juges. Ce dernier avait été renvoyé deux fois, au moment des premiers procès, pour des crimes sexuels supposés commis avant et après sa majorité, devant la cour d'assises des mineurs et devant la cour d'assises. Il avait alors condamné en première instance à 3 ans de prison dont un avec sursis, puis acquitté en appel.
Daniel Legrand fils, un des accusés, sera probablement "acquitté lui aussi"
Aujourd’hui, la défense de Daniel Legrand fils s’insurge devant la tenue d’un tel procès, déclarant : « Daniel Legrand majeur a été innocenté, comment Daniel Legrand mineur pourrait-il être coupable ? » Daniel Legrand fils, lui, clame lui son innocence : « Je n'ai rien à me reprocher alors j'irai la tête haute au procès », affirme-t-il. Les trois enfants de Myriam Badaoui assurent eux, de leur côté, que ce nouveau procès est voué à l’échec. Chérif Delay résume la situation : « Nous sommes (…) douze enfants à avoir été reconnus victimes dans cette affaire. (…) Je ne veux plus jouer ce jeu de la justice. Il est évident que M. Legrand sera acquitté lui aussi. C’est acquis. Au pire, il aura du sursis. » « Ce sera une mascarade, surenchérit Dimitri Delay. Depuis le début, la justice nous a manipulés, au point de nous rendre coupables de notre propre vécu, alors que nous avons souffert les pires calvaires imaginables. »
Que les vérités judiciaires, celle des acquittés et celle des enfants des procès d'Outreau soient apparemment incompatibles, c'est un constat qui a pu être fait, dès la date du verdict en Juin 2004. Les médias ont occulté cette seconde vérité judiciaire et sa mise en lumière reste encore problématique en 2013, comme le démontrent les réactions au film de Serge Garde « Outreau, une autre vérité » qui met l'accent sur le statut de victimes de 12 enfants.Jusqu'en Octobre 2009, date de sortie de « Outreau la vérité abusée » avec en première de couverture l'annonce : « 12 enfants reconnus victimes » seuls les « initiés », à savoir les professionnels de l'affaire, connaissaient cette autre vérité
Que les vérités judiciaires, celle des acquittés et celle des enfants des procès d'Outreau soient apparemment incompatibles, c'est un constat qui a pu être fait, dès la date du verdict en Juin 2004. Les médias ont occulté cette seconde vérité judiciaire et sa mise en lumière reste encore problématique en 2013, comme le démontrent les réactions au film de Serge Garde « Outreau, une autre vérité » qui met l'accent sur le statut de victimes de 12 enfants.
Jusqu'en Octobre 2009, date de sortie de « Outreau la vérité abusée » avec en première de couverture l'annonce : « 12 enfants reconnus victimes » seuls les « initiés », à savoir les professionnels de l'affaire, connaissaient cette autre vérité.
L'omerta était solidement maintenue par le storytelling mensonger d'Outreau « Les enfants ont menti ils ont inventé des agressions et des viols parce qu'ils étaient carencés » qui a fait tous les dégâts que l'on sait relatifs à la régression de la prise en compte de la parole de l'enfant. Cette régression de la protection des enfants face à la pédo-criminalité ne pouvait laisser indifférent quand on le constate au quotidien sur le terrain, comme c'est mon cas en tant que psychologue en libéral, formatrice et expert judiciaire à l'époque et aujourd'hui encore.
L'omerta des médias et le storytelling ne suffisant sans doute pas, dès 2006 lors de la commission d'enquête parlementaire, Eric Dupond Moretti installait un barrage dissuasif destiné à toute éventuelle allusion à cette vérité judiciaire, traitant de REVISIONNISTES les professionnels qui défendaient l'objectivité de leur travail – comme je l'ai fait - en évoquant la réalité du statut de victime de 12 enfants.
Donc silence radio et télévisé qui aurait dû cesser normalement avant la sortie de mon ouvrage, dès le début 2009 - c'est du moins ce que j'espérais - date de la comparution de Fabrice Burgaud devant le Conseil Supérieur de la Magistrature. Je m'attendais en effet à ce que Fabrice Burgaud puisse faire état du statut de victimes de nombreux enfants de manière à réduire la nouvelle montée de la vindicte populaire attisée par une certaine presse lors de cette comparution.
Le magistrat aurait été d'emblée réhabilité dans son honneur car le grand public aurait pu se dire qu'il avait permis à tous ces enfants d'échapper à leurs violeurs. Pourtant rien n'a été évoqué à ce sujet. Présente lors du dernier jour du procès disciplinaire, j'ai posé la question à ses avocats. Il m'a été répondu que devant le CSM,il s'agissait de défendre l'instruction et les décisions juridictionnelles, il n'était pas question d'évoquer les verdicts, c'était un autre sujet qui ne concernait pas son travail de Juge d'instruction.
Invraisemblable ! La rigidité de l'application des procédures permettait donc de maintenir l'omerta et d'ignorer tous les effets collatéraux en terme d'humanité ! Même les instances disciplinaires de la Justice ne pouvaient éclairer l'opinion publique sur le bien-fondé de l'instruction du Juge Burgaud au regard des médias qui en avaient fait un bouc émissaire.
J'en ai conclu dans mon ouvrage que :
« De manière tacite, il semble de plus en plus nécessaire que soit définitivement dissocié le sort des acquittés de celui des enfants victimes. Une coexistence incompatible avec le désinformation de la storytelling » P 245
C'est la raison pour laquelle je décidai de le mettre en exergue sur la couverture de mon ouvrage.
C'est la raison pour laquelle j'ai utilisé le thème de la disparition de la vérité judiciaire des enfants, et l'installation du storytelling comme fil rouge me permettant de dénoncer la mystification d'Outreau . Cela me permettait, en tant qu'observateur privilégié du dedans et du dehors, de décrypter le pourquoi et le comment, les tenants et les aboutissants la manipulation de l'opinion qui en a suivi, en passant par la maltraitance durant les procès des enfants que j'avais expertisés.
Nouvelle omerta prévisible des médias (pas des professionnels) sur mon livre... à l'exception de femmes courageuses dès sa parution (Catherine Durand de Marie-Claire et Alexandra Guillet de Lci) et de Pierre Rancé (ex-Chroniqueur judiciaire sur Europe que je remercie encore).
Ecouter l'interview réalisé avec Alexandra Guillet
Pierre Rancé aujourd'hui Porte Parole de la Garde des Sceaux m'a fait l'honneur d'écrire en introduction de mon interview pour la Gazette du Palais, que dans ce travail je tentais « de rassembler tout ce qui a volé en éclat pour renouer le fil du débat, contradictoire et démocratique » (mai 2010, n° 120). La conclusion de l'éditorial de Eve Boccara pour ce même interview: « La machine judiciaire en supprimant les coupables, n'a t-elle pas aussi supprimé les victimes? » a été reprise par Pierre Joxe dans la Revue Après Demain ( N° 15, Juillet 2010).
Pierre Joxe m'a ensuite contactée et nous avons alors pu l'inviter à ce désormais célèbre colloque à Paris Panthéon-Assas du 24 Février 2011 organisé par le Dr Gérard LOPEZ à l'Institut de Criminologie et dont il m'a laissé suggérer l'intitulé « La parole de l'enfant après la mystification d'Outreau ».
Serge Garde, invité à projeter quelques minutes de son film et Jacques Thomet journaliste en retraite de l'AFP, étaient présents …
Aujourd'hui, « Outreau la vérité abusée » n'est plus le seul ouvrage du contradictoire, il y a le livre de Chérif co-écrit avec Serge Garde « Je suis debout », le film de Serge garde produit par Bernad de la Villardière « Outreau, l'autre vérité » et le livre de contre-enquête de Jacques Thomet ex-rédacteur en chef à l'AFP : « Retour à Outreau, Contre-enquête sur une manipulation pédo-criminelle ». Ils forment aujourd'hui les quatre piliers de la ré-information sur l'affaire d'Outreau, chacun d'entre eux renforçant l'autre par la complémentarité des visions croisés, des mises en perspectives et des démonstrations .